Friday, August 12, 2022

Hassan & les ogresses (adapté d'un conte kabyle) - deuxième partie

  Allongé sur le dos, Hassan se repose mais il n'a pas sommeil.
  Enfermé dans ce silo depuis des semaines et des semaines, des mois et des mois, il ne se souvient plus du jour où l'ogresse Tsériel l'a pris dans son piège. Autour de lui, les parois de briques et de terre cuite sont trop lisses, et le puits dans lequel on l'a fait descendre est si profond qu'il est absolument impossible de s'en échapper...
  Surtout, le beau jeune homme dont l'ogresse a confié la garde à sa fille est beaucoup trop lourd pour tenter d'escalader de telles parois, même s'il y trouvait la moindre prise pour ses pieds et ses mains... Depuis que cette vieille sorcière l'a mis en captivité, les deux femmes ne font que le nourrir sans cesse, jour après jour, en lui apportant de nombreux plats. Elles commencent à cuisiner très tôt avant l'aube, pour finir longtemps après le crépuscule. 
  Hassan a tout de suite compris qu'il était leur proie. Tsériel le traite si férocement qu'il n'a aucun doute : sa seule distraction est de manger, ses seuls efforts doivent être de manger encore, son seul réconfort doit être de manger toujours ! Toute son activité se réduit ainsi à enchaîner les assiettes, les tajines et les grands bols qu'il vide et qu'il "nettoie" de bon appétit, de repas en repas toujours plus copieux...
  En vérité, il ne laisse jamais se perdre la moindre miette. La cuisine des ogresses est très savoureuse, riche et bien relevée, sucrée, salée, juste un peu épicée... Elles lui préparent presque toujours les mêmes plats et les mêmes desserts, avec peu de variété d'un jour à l'autre mais Hassan n'est pas un garçon difficile. La nourriture qu'elles lui proposent est tout-à-fait à son goût. Il ne s'en lasse pas ! 
  Dès le premier jour où Tsériel l'a encouragé à manger une douzaine de plats, le jeune homme a été surpris de se régaler autant, à tel point que ces bons repas rendaient son emprisonnement presque tolérable. Il n'est pas dupe, et il a bien compris que tous ces plats si appétissants sont trop savoureux, trop riches et subtilement relevés, salés ou épicés, pour qu'il s'empresse de s'empiffrer — mais aussi pour lui donner soif et pour qu'il se désaltère largement aux tonnelets de bière ou aux grandes jattes de lait contre lesquels il est adossé.
  Surtout, les desserts et même les plats qu'on lui sert sont trop sucrés, avec trop de miel, trop de fruits confits ou caramélisés, trop de sirop sur ses pâtisseries et toujours beaucoup trop de pâte d'amande... Hassan en a la langue, les lèvres et les doigts tout poisseux en permanence. Enfin, tous ces plats baignent dans l'huile et le beurre, avec trop de fritures et trop de sauces... 
  Son régime, très chargé en viandes et en féculents, est encore alourdi par cette abondance évidemment suspecte de sucreries et de graisses — afin qu'il se sente toujours "bien repu" et satisfait, en fin de repas.
  Le beau jeune homme soupire. On lui a donné pour mission de grossir, et de prendre du poids pour satisfaire l'horrible appétit de l'ogresse, qui se réjouit en songeant au monstrueux méchoui qu'elle pourra préparer, lorsqu'il sera devenu "raisonnablement gros et gras". En vérité, les deux ogresses travaillent à le rendre obèse, excessivement joufflu et bouffi !
  Depuis le premier jour, Hassan se régale... et il se remplit la panse.
  Il n'a pas tardé à trouver comment faire croire à la vieille sorcière, qui est presque aveugle, qu'il reste "maigre" — certainement "trop maigre" pour être rôti et dévoré... Par chance, il a trouvé quelques ossements dans le fond du silo, ceux d'une ancienne victime des ogresses. Lorsque Tsériel vient le tâter pour évaluer ses progrès, il fait passer un grand os très sec pour son avant-bras.
  Cette ruse lui permet de gagner un peu de temps. Il a aussi entrepris de séduire la fille de l'ogresse, Loundja, qui est bâtie en force, courte sur pattes, boiteuse, rondelette et grassouillette, très laide et presque aussi aveugle que sa mère, mais de bon conseil et plus rusée qu'il n'y paraît.
  Elle lui a fourni une grande peau de cuir pour en recouvrir l'os et faire patienter la vieille sorcière, qui apprécie de sentir qu'il grossit... un peu, lentement mais sûrement... Ce stratagème permet encore à Hassan de gagner du temps, et de reprendre espoir pour se sauver des griffes de l'ogresse qui attend — avec impatience — le jour où il aura suffisamment grossi pour être déclaré "dodu à point", et bon pour être dévoré !
  Pendant plusieurs semaines, les deux femmes le traitent comme un animal dans son enclos, et le laissent seul — terriblement seul... À toute heure du jour, même tard dans la nuit, elles lui apportent d'innombrables assiettes lourdement remplies de nourritures, sans lui dire un mot... Et le pauvre garçon se morfond, assis dans l'obscurité, très malheureux de n'avoir que ces grands plats, ces tajines, ces assiettes et ces bols, ces tonnelets de bière et ces énormes jattes de lait pour seule compagnie.
  Avec un soupir angoissé, Hassan comprend qu'il s'agit d'une méthode bien éprouvée par la sorcière et sa fille pour briser la volonté de leurs proies, si par hasard ils tentaient de résister, jusqu'à leur ôter tout espoir et même toute estime personnelle, afin de les rendre plus obéissants et plus dociles... ou pour les pousser encore à s'empiffrer, sans retenue — toujours plus et toujours plus vite, jusqu'à ce que leurs ventres soient sur le point d'éclater !
  Cette révélation ne le rassure pas du tout. Au contraire ! Il frissonne en s'apercevant que, tout en suivant son raisonnement, il s'est perdu dans ses pensées mais il a aussi englouti le contenu de plusieurs grands bols de nourriture et il tient encore un plat entre ses mains... Il mord déjà dans un gros morceau de poulet dégoulinant de beurre. Il s'en lèche les doigts, puis il saisit une poignée de couscous et une poignée de raisins secs, qu'il ne tarde pas à enfourner dans sa bouche.
  En toutes circonstances, son premier mouvement est de manger, son premier réflexe est de manger, sa seule satisfaction est de manger !
  Hassan n'éprouve aucun sentiment de fierté lorsqu'il n'est plus entouré que de plats, d'assiettes et de bols empilés, lorsque les mangeoires sont vides et que les tonnelets et les jattes sont à sec... Quelque chose lui manque. Il ressent le besoin physique d'avoir, à tout moment, quelque chose de bon à manger à portée de main. Et ses mains vont et viennent, toutes seules, sans qu'il y prête attention, pour se saisir des plats et des mangeoires. Elles vont et viennent jusqu'à sa bouche, sans relâche, et partent encore à la recherche d'autres plats bien nourrissants autour de lui. Et le gros garçon continue de se repaître et de s'empiffrer, encore et encore, en s'efforçant de penser à autre chose... Rien n'y fait. Quoi qu'il fasse ou tente de faire, Hassan se régale — et il s'engraisse !
  Le beau jeune homme a compris tout cela. En essuyant ses larmes, il interrompt enfin son repas pour respirer un instant.

— "Hélas ! Pauvre de moi... Je ne gagnerai rien à me plaindre ainsi sans cesse, surtout si je mange sans cesse, dans le même temps."

  Hassan lève les yeux, mais il ne voit pas la moindre lumière passer à travers la grande trappe qui ferme son silo... Il soupire, en se tâtant le ventre en longues caresses circulaires, très doucement.

— "C'est la seule issue, mais je ne peux pas l'atteindre... Puisque je ne peux pas sortir, il faut qu'on me fasse sortir. Voilà tout."

  Après avoir tâté son ventre, Hassan laisse ses mains partir à l'aventure pour trouver un nouveau plat ou un bol contenant quelque chose de bon à manger. Cependant, il s'aperçoit qu'il vient de finir son "repas" puisqu'il ne trouve que des plats bien nettoyés et des bols et des assiettes vides, empilés maladroitement dans l'obscurité.

— "J'ai encore bien trop bu et trop bien mangé, sans m'en apercevoir."

  Il se lève, et soulève les tonnelets à côté de lui. C'est à peine s'il restait quelques gorgées de bière et de lait, qu'il avale avec bruit... Satisfait et rassasié, il se hasarde à faire quelques pas, sur place, dans son silo. 
  Comme il devait s'y attendre, ses pas sonnent "lourds", et il entend la vieille Tsériel s'approcher. Il se rassoit juste à temps, lorsqu'elle ouvre la porte d'observation en lui adressant des reproches.

— "Si tu n'as rien à faire, Hassan, il faut manger ! Donne-moi tes plats, si tu les as bien nettoyés. Bien... Bien... Bien. Et maintenant, mange ! Et tâche de t'empâter un peu ! Il faut que tu sois bientôt... bien en chair."

  Elle n'a pas plus tôt fermé la porte que le gros garçon a déjà la bouche pleine : entouré de nourritures, dont les grands plats remplis comme des monticules encombrent tout l'espace disponible dans le fond du silo, il est encore en train de s'empiffrer... 
  Il se précipite même, en avalant toujours plus et en plongeant ses deux mains dans deux grandes mangeoires à la fois ! Ce n'est qu'après avoir vidé le contenu de ces mangeoires que le jeune homme comprend qu'il ne peut pas réfléchir et manger en même temps... Hassan doit se faire une raison : sa première pensée, désormais, est de manger !

— "Hélas ! Pauvre de moi... La vieille ogresse m'a rendu bien docile. Je ne peux pas lutter contre une telle abondance de nourriture..." Hassan songe, entre deux grandes bouchées. "Mon poids a certainement doublé, et plus que doublé... Mais je ne fais que me remplir comme une outre ! Ma panse a pris la place de ma cervelle, et mes idées ne sont plus que ce qu'on me fait ingurgiter... C'est tout ce dont j'ai besoin. Et il faut que j'en profite, puisque je me régale toujours autant !"

  Le gros garçon donne une petite tape sur son ventre, bien rond et bien rebondi, affectueusement. Il sourit.

— "Voyons... Je ne peux pas lutter, seul contre tous à la fois. Contre Tsériel, contre sa fille Loundja, et contre tous ces plats si savoureux... et si nourrissants. J'ai pris beaucoup de poids, et de ventre, mais c'est mon ventre ! Si je me sauve, ce sera grâce à lui, pas seulement avec lui. Mon corps n'est pas mon ennemi... Mon poids n'est pas mon ennemi. Et la nourriture aussi n'est pas mon ennemie, puisqu'en me nourrissant elle entre dans mon corps, et la graisse n'est pas mon ennemie puisqu'elle fait partie de moi... Si je me sauve, je dois aussi sauver toute la graisse qui me remplit le ventre, et je dois sauver mon ventre qui pèse si lourd. Mes adversaires, ce sont ces ogresses !"

  Tout en se remplissant toujours le gosier, Hassan considère son ventre déjà magnifiquement bien rempli, et il caresse son estomac d'une main, lentement et tendrement.

— "Allons, faisons la paix. J'ai bien grossi et pris du poids, et engraissé... La vieille Tsériel croit avoir l'avantage sur moi. C'est parce que je mange toute la journée qu'elle me laisse tranquille... Toute cette nourriture est une arme qui peut servir à l'un comme à l'autre. Mon estomac est mon allié. Mon poids fait ma force ! Même ma graisse est un atout, c'est mon arme secrète... Et mon corps bien épais, bien lourd et bien en chair, fait ma fierté. Enfin, avec tout ça, j'ai faim !"

  Et il tend les mains vers d'autres plats pour se repaître de couscous, de pois chiches, de boulettes de viande et de merguez, voracement...

■ ■ ■

  Un matin, Tsériel revient enfin le voir et ouvre la petite porte du silo.

— "Hassan ! Lève-toi, mon gros garçon... Et donne-moi ton bras et ton poignet à tâter !"

  Hassan l’attendait. Depuis la dernière visite de l'ogresse, il a enveloppé le grand os sec avec la peau de cuir bouilli, en faisant quatre fois le tour pour lui donner encore un peu plus d’épaisseur et pour que l’un paraisse faire corps avec l’autre. Il le place en travers de la porte d’observation pour la vieille sorcière... De ses doigts maigres et de ses ongles longs, celle-ci tâte et presse un peu le cuir. Elle croit ainsi qu’il s’agit toujours de son bras et de son poignet.

— "Enfin ! Voilà qui est beaucoup mieux, beaucoup mieux... Tu as encore grossi, mon bon Hassan. Je te trouve un peu plus dodu, comme un beau petit mouton, bien tendre."
— "Oui, je me régale toujours autant !" lui répond simplement Hassan. "Et je m’engraisse..."

  Pour une fois, le jeune homme est parfaitement sincère avec la vieille sorcière ! Celle-ci appelle sa fille pour faire l’éloge de sa cuisine. Hassan l’entend aussi chanter ses propres louanges.

— "Il était temps que tu engraisses ! Trop longtemps, tu n'as eu que la peau sur les os, mon pauvre garçon."

  Elle ne croit pas si bien dire... Mais elle se réjouit à l'idée que Hassan, enfermé dans son silo, lui montre d'aussi "beaux progrès" ! Paresseux et lourdaud, il dort et il digère magnifiquement... Docile, il se laisse encore gaver comme un canard gras. Enfin, avec un aussi gros appétit, le beau jeune homme devrait bientôt devenir dodu à souhait et... appétissant !
  Du lever au coucher du soleil — pour autant qu’il peut en juger, dans l’obscurité de sa prison — Hassan ne fait que se remplir la panse, de gré ou de force... Les deux ogresses lui servent d’énormes repas complets, très nourrissants et très copieux. Et chaque nuit, Loundja vient encore le gaver sans lui dire un mot, jusqu’à ce qu’il ne puisse plus rien avaler.
  Dans le noir, le pauvre garçon tâche de se convaincre qu’il lui reste des possibilités de se sauver. Après avoir été engorgé jusqu’à ce qu’il tombe de sommeil, il se trouve réellement "lourdaud"... Hassan comprend qu’il s’est laissé aller. Il a pris beaucoup de poids, peut-être beaucoup trop pour sa propre sécurité. Il s’est bien épaissi, appesanti et empâté, alors qu’il aurait dû se tenir sur ses gardes et s'entraîner pour se défendre ou se préparer à fuir. Il ne peut rien y faire, et il mange de plus en plus !
   Il a maintenant appris une prière personnelle qu'il répète, chaque nuit, pour se donner du courage.

— "Mon estomac est mon allié. Mon poids fait ma force ! Ma graisse est mon arme secrète, et mon corps bien épais, bien lourd et bien en chair, fait ma fierté..." 

  Le jeune homme éprouve durement ce besoin de retrouver un peu de confiance en lui, lorsque la fille de la sorcière vient le gaver, sans un mot, avec une sorte de plaisir frénétique pour qu'il avale très vite, et en très grandes quantités, les plats et surtout les innombrables pâtisseries et les sucreries qu'elle fait mitonner pour lui dans d'immenses bassines de cuivre... Ainsi, d'une semaine à l'autre, elle ajoute quelque nouvelle friandise à la longue liste de desserts dont elle régale son beau Hassan : des loukoums en gros cubes tendres, parfumés à la rose et saupoudrés de sucre, des baklavas au miel très épais, avec des noix finement pilées, parmi d'autres délices à base de pâte d'amande ou de pâte de coing...
  Le gros garçon qu'elle nourrit avec une telle insistance accueille ces nouveaux plats et ces nouveaux desserts avec un plaisir évident ! Il fait largement honneur à chaque repas, en rendant toujours des plats, des assiettes et des bols impeccablement vides et comme nettoyés. Tsériel a de quoi se réjouir... Sa proie est en progrès : les quantités de nourriture augmentent sans cesse mais son appétit n'est pas en reste, ce qui lui permet d’endurer au moins ces énormes repas vaillamment, sans trop d’efforts, et même les gavages où il se laisse faire sans protester. 

— "Oh ! Il doit bien avoir pris du ventre..." se dit-elle.

  À la grande surprise de l'ogresse, Hassan l'appelle parfois, ou il appelle sa fille pour réclamer encore à manger ! Loundja n'hésite pas un instant. Elle remplit simplement les grands plateaux qu'il a déjà vidés avec des pâtisseries, de gros beignets, des pâtes de fruits ou des friandises qu'elle tient toujours à sa disposition, en l'abreuvant largement de lait ou de thé à la menthe très sucré... Il se trouve toujours bien assez de mangeailles dans la cuisine pour le régaler ! 
  Sa vieille mère est juste un peu troublée. 
  Avec son ouïe si subtile, elle s'approche du silo fermé où se trouve sa proie et elle l'entend qui s'empiffre, se saisit d'une poignée de loukoums et les engloutit avec une grande gorgée de lait, en gémissant. 

— "Hmmmph... Hmmmph..."

  Il en mange encore une poignée, et encore une poignée, à vive allure. La vieille sorcière ricane, cruellement, et elle se frotte les mains — ses longues mains maigres et déformées, aux doigts noueux et fins.
  Son nez crochu se plisse, un instant, et ses narines s'élargissent.

— "Comme ce garçon mange de bon appétit !" murmure-t-elle. "Il fait toujours frais dans ce silo, mais il transpire et sa sueur sent bon le lard, le beurre et la chair fraîche. Oh ! La jolie pièce que ce doit être ! Hassan ne devrait plus tarder à devenir tout-à-fait... succulent !"

  Elle en a l'eau à la bouche... Tant que la porte d'observation n'est pas fermée, elle entend distinctement chaque bouchée de Hassan qui se hâte d'avaler une poignée de dattes caramélisées ou un beignet dans lequel il mord à belles dents. Il doit avoir la bouche pleine et les mains pleines... 
  En fermant la porte du silo, les deux ogresses ont encore la satisfaction d'entendre un rot très sonore, suivi d'un soupir de soulagement.

— "Nourris-le bien, ma fille. Puisque ce gros garçon à faim, qu'il mange ! Qu'il mange... à s'en faire éclater la panse ! Il n'en recevra pas moins de victuailles pour son prochain repas. Les poulets doivent être prêts ! Jette les saucisses dans la poêle, et ajoute encore du beurre... Au travail !" 
— "Oui, ma mère..."
— "Mais surtout, pas un mot ! Puisqu'il reste bien sage, qu'il reste seul !" ajoute la sorcière, d'un ton féroce. "Qu'il reste à mijoter ainsi, à petit feu dans son silo. Il doit bien s'y ennuyer, le pauvre garçon, sans personne à qui parler... Aha ! C'est bien fait pour lui ! Qu'il s'occupe tout seul en se remplissant l'estomac, encore et encore... Il devrait bientôt se gaver lui-même comme une oie ! C'est ce qu'il a de mieux à faire... Ha ha ha !"

  En écoutant le rire de la vieille ogresse qui s'éloigne, Hassan a bien de la peine à retenir ses larmes... La bouche pleine, il ne tarde guère à finir le supplément de friandises que Loundja vient de verser généreusement, directement dans la mangeoire en face de lui. Et, dès qu'il a fini de s'en lécher les lèvres et les doigts, tout poisseux et tout collants de sucre, de caramel et de beurre, il s'ennuie...
  La solitude lui pèse au moins autant que son ventre. Assis par terre, il essaie de se lever. Très lentement, il fait quelques pas mais il doit vite se rasseoir. Il est si lourd, et son estomac est si bien rempli qu'il lui réclame du repos avant tout !
  Hassan soupire. Il songe qu'il doit reprendre au plus tôt ses tentatives de séduction avec la fille de l'ogresse, et la séparer d'avec sa mère. C'est la seule possibilité qu'il lui reste pour espérer se sauver...
  Il n'attend jamais longtemps pour la revoir, puisqu'elle ne se prive pas d'aller et venir pour remplir sa mangeoire de pâtisseries, le plus souvent possible, avant que la vieille sorcière vienne lui servir encore un copieux repas, très savoureux et plus que nourrissant !
  Loundja lui prépare encore une douzaine de très gros beignets avec un glaçage au beurre citronné, remplis de confiture d'oranges, d'abricots et de mandarines. Elle ouvre la petite porte du silo et les jette directement sur l'estomac de Hassan, qu'elle trouve toujours un peu somnolent, pour qu'il se ressaisisse en les attrapant au vol, et qu'il se précipite pour les manger... En effet, le beau garçon se retrouve aussitôt avec un beignet dans chaque main, et il en a déjà enfourné de larges bouchées.

— "Mange bien, mon beau Hassan ! Mange..."

  Hassan relève la tête. La fille de l'ogresse lui a parlé ! Elle rougit, et elle lui sourit. Loundja sourit toujours en faisant la fine bouche, les lèvres en cœur et les yeux baissés pour paraître un peu moins laide. Il en faudrait bien davantage pour qu'elle paraisse à peu près jolie... Mais le cœur de Hassan bondit dans sa poitrine. Il lui sourit, et il mange de bon appétit.

— "Reviens vite, ma petite Loundja... pour bien me nourrir."

  Ils n'échangent pas un mot de plus, mais la fille de la sorcière prend tout son temps pour fermer la petite porte du silo...
  Tard dans la nuit, terriblement seul, Hassan se lamente en songeant à tout ce que les ogresses lui ont encore fait ingurgiter d’appétissant et de nourrissant, depuis le début de la journée. Il a payé cher son audace, ou son insolence, mais il se sent fier d'avoir aussi bien mangé.

— "Hélas ! Pauvre de moi..." gémit-il en caressant son ventre bien rond, rempli si lourdement, et en souriant. "J'ai beaucoup trop mangé... Quel festin ! Je suis certainement devenu suffisamment gros et gras pour que Tsériel me trouve bon à rôtir... et me dévore ! Et Loundja me nourrit et m’engraisse encore pour me dévorer des yeux ! Pauvre de moi... Si cette vieille sorcière ne me fait pas rôtir, sa fille va finir par me faire éclater !"

  Le beau jeune homme cesse ses lamentations. Soudain, il reprend ses esprits et il reprend sa prière, après ce moment de panique.
  Il respire profondément, et il se couche sur le dos pour mieux digérer, en écoutant les conseils de la nuit. En songeant à son ventre bien lourd, bien gras, et à sa corpulence dont il est fier, il décide qu’il doit profiter de la situation et ne plus songer à la sorcière ou à sa fille, mais seulement à cette abondance de plats appétissants et nourrissants qu’il reçoit pour chaque repas, et même entre les repas ! Il s’endort en caressant et en tâtant toujours son estomac, si rebondi et si saillant... Il se promet de réclamer encore à manger, au moins deux fois par jour, chaque matin et chaque soir, pour provoquer la vieille sorcière. 
  Il s'endort en se sentant parfaitement rassuré sur son sort.

■ ■ ■

  Plusieurs jours se passent ainsi, où Hassan reste complètement seul et ne fait que se régaler, se remplir le gosier et s’engraisser. Il s'efforce de toujours manger très bruyamment, avec des soupirs, des gémissements et même des gloussements de plaisir... La sorcière et sa fille sont sous le charme, l’une et l’autre, en l’écoutant se repaître ainsi.

— "Hmmmph... Que ces plats sont savoureux ! Comme ces poulets sont tendres... et gras ! Je suis tout couvert de sauce et de beurre... Ces noix sont délicieusement craquantes et salées, mais comme j'ai soif ! Je ne me suis jamais autant régalé... Mon estomac va éclater, mais je ne fais que le remplir encore ! Encore !"

  Avec beaucoup de courage, il relève son propre défi de réclamer encore à manger, chaque jour, le matin et l'après-midi, par gourmandise et par fierté... La vieille Tsériel est trop contente de lui préparer un somptueux couscous garni comme plat de "résistance", avec deux poulets entiers, beaucoup de légumes et de féculents noyés dans l'huile d'olives, des boulettes de viande et des merguez plus épaisses. Le pauvre Hassan ne se dérobe pas devant une telle épreuve, mais il a fort à faire pour tenir sa promesse et rendre à l'ogresse des plats parfaitement nets et vides.
  Après un aussi gros couscous et les quelques tajines qu'il réclame, en plus de tout ce dont il est déjà nourri si "généreusement" par les deux ogresses — sans pitié, plutôt ! — il étouffe à la fin de chaque repas, et il aurait besoin d'une longue sieste pour se reposer...
  Chaque soir, Loundja vient le gaver encore de pâtisseries, de sucreries et de toutes sortes de mangeailles excessivement nourrissantes, qu'elle enfourne dans son gosier. Hassan sent son ventre s'alourdir et s’arrondir avec chaque bouchée, presque à vue d’œil ! La sorcière se tient toujours près d'eux, pour s'assurer de la bonne tenue de sa fille et de la docilité de leur proie. Sa présence, si indésirable, et qui devait les tenir séparés, les amuse et les rapproche dans une sorte de complicité inattendue...

— "Approche, mon gentil Hassan..." lui dit Loundja, en tenant sa grande louche pleine de friandises. "Approche-toi plus près, mon petit homme, et ouvre grand la bouche ! Je vais bien te nourrir... Et toi, tu vas enfin engraisser comme il faut... pour ma mère."
— "Hmmm... Comme tout cela est bon pour me gaver !" répond le beau garçon, en avalant le plus vite possible. "Nourris-moi encore ! Encore... Encore, s’il te plaît... pour que je m’engraisse."

  La vieille ogresse est enchantée de trouver son prisonnier dans de si bonnes dispositions... En écoutant attentivement comme il dévore, elle l'imagine au moins "convenablement dodu" !
  De son côté, Hassan fait de beaux efforts pour se repaître et pour ingurgiter de plus grandes quantités, de repas en repas, de jour en jour, du lever au coucher du soleil, et même tard dans la nuit... Et chaque journée passe toujours trop vite à son goût.
  La sorcière et sa fille cuisinent sans relâche pour le nourrir encore, impatientes de le trouver bientôt gros et gras "à point". Même lorsqu’il paraît uniquement occupé à engloutir un plat après l’autre, enfermé dans le silo, Hassan les entend se quereller parfois... Il comprend qu’elles ne sont pas toujours d’accord, et sans doute à son sujet. Il s'amuse même à les interrompre, lorsqu'il sent qu'elles seraient prêtes à se réconcilier, pour réclamer des pâtisseries ou des friandises ! Il entend le pas lourd et boiteux de Loundja, qui ouvre la porte du silo, remplit sa mangeoire avec deux seaux débordant de mangeailles, et referme la porte sans dire un mot... La querelle reprend aussitôt entre les deux femmes, plus criarde et plus envenimée qu'auparavant ! 
  Le gros garçon s'en réjouit, tout en plongeant ses deux mains dans la mangeoire pour se régaler de loukoums, de beignets, de raisins secs ou de pâtisseries aux fruits confits. 
  Malgré leur parfaite entente autour des plats, des bols, des tajines et des fourneaux, la vieille sorcière se montre de moins en moins patiente avec sa fille, qui se montre de moins en moins soumise envers elle. En les écoutant s'adresser ainsi des reproches qui témoignent de longues rancunes, aussi aigres et acides que la nourriture qu'elles préparent est sucrée, Hassan sourit... sans cesser de se remplir la panse comme un animal de ferme. Cette distraction le met de bonne humeur. Il tâte son ventre bien rebondi, et il s'engraisse de bon cœur, joyeusement !
  Les querelles entre la mère et sa fille occupent tout le temps où elles ne sont pas au travail, en cuisine, ou devant le silo pour gaver leur proie, qui semble avoir définitivement cessé de se montrer "récalcitrant". 
  Pour la sorcière, Hassan est un "bon garçon" maintenant, qui se laisse faire comme toutes les proies qu’elle a capturées au cours de sa longue existence. Elle a pris au piège un voleur de figues maigre, effronté, agile et souple, pour en faire un "bon gros lourdaud" qui passe tout son temps à bien se remplir la panse, qui se laisse gaver sans résister, qui réclame même encore "un peu" à manger, par gourmandise, et qui se laisse aller à engraisser, en restant paresseusement assoupi dans sa petite prison ! Elle commence à songer à son propre festin, avec une magnifique pièce de viande accompagnée de beaucoup de lard...
  Loundja la laisse dire, mais elle prétend que sa mère se trompe et que c’est uniquement parce que la nourriture qu’elle prépare pour Hassan lui plaît toujours autant qu’il se remplit le ventre aussi lourdement ! L’une comme l’autre rêve du jour où elles le feront sortir du silo, mais pas de la même manière.
  À la grande déception de Hassan, les deux ogresses lui prêtent toujours aussi peu d’attention, pendant quelques jours. Elles se contentent de lui servir d’énormes repas avec une régularité parfaite, de le gaver comme un canard gras, chaque soir, et de remplir ses mangeoires au moins six fois par jour. Avec beaucoup de nourriture, elles lui prodiguent vraiment trop peu de soins. Hassan se sent très seul, et souvent très malheureux. Il se console en dévorant d'énormes quantités de couscous et de ragoûts de mouton, des tomates farcies, des boulettes de viande baignant dans la sauce, d'épaisses merguez et du poulet rôti avec trop de beurre... Il boit aussi de pleins tonnelets de bière. Il s'engraisse pour se réconforter.
  Le pauvre garçon n'a pas d'autre consolation que de manger !
  Devant l’appétit de leur prisonnier, qui semble augmenter de jour en jour et devient presque "insatiable", le nombre des repas et les quantités de nourriture ont encore sensiblement augmenté. Les deux femmes ont fort à faire pour préparer les plats et soutenir cette cadence éprouvante, qu'elles lui ont imposée elles-mêmes...

— "BUUUUUUUUUUURRRRRRRRRRRP !"

  Plusieurs longues journées se passent ainsi, où Hassan ne fait que se repaître, plus que jamais. Ses rots résonnent comme des appels à l'aide, mais la vieille Tsériel considère seulement que sa proie se montre enfin bien disposée à s’engraisser "sans aucune retenue"... La détresse de ce beau gros garçon, bien repu, la met en joie — et, plus secrètement, son appétit vorace met sa fille en effervescence.
  Tard dans la nuit, Hassan se couche sur le dos pour mieux digérer. Il se répète sa prière à voix basse, plusieurs fois. Il se tâte les joues et il se trouve vraiment très joufflu. Il se tâte les flancs et il se trouve très dodu. Il se tâte le ventre et il se trouve énormément ventru !
  Le jeune homme soupire. Depuis quelques jours, il est beaucoup trop nourri, vraiment — de plus en plus, trop souvent et trop lourdement, à longueur de journées ! Il a encore grossi et il s’est encore empâté. Bien rassasié, repu et gavé au point où il craint que son estomac éclate d'un instant à l'autre, il se trouve trop lent, somnolent et lourdaud... 
  Si la porte de la maison était ouverte devant lui, il ne pourrait peut-être même plus s’enfuir. Il ne pourrait peut-être plus se battre, même contre une vieille femme comme Tsériel !
  Hassan frissonne en songeant au sort qui l’attend, s’il ne peut pas se sauver par la ruse.

— "Hélas ! Pauvre de moi ! Je n’ai vraiment plus d’autres ressources..." se lamente-t-il, en tapotant son ventre parfaitement rond, et rempli trop généreusement, trop lourdement.

  Pour finir, il tâte son propre bras. Il se trouve objectivement "bien en chair", et parfaitement "dodu à point".

  En soupirant profondément, il reprend sa prière, les yeux fermés.

— "Mon estomac est mon allié. Mon poids fait ma force ! Ma graisse est mon arme secrète, et mon corps bien épais, bien lourd et bien en chair, fait ma fierté..." 

  Ses intestins grognent doucement. Il se sent enfin un peu détendu.

— "Hélas ! C'est évident, je suis devenu suffisamment gros et gras pour que Tsériel me trouve "bien dodu" et enfin bon à rôtir ! Pourvu qu’elle s'y laisse prendre, même si elle ne songe qu'à m'égorger, sinon sa fille va encore tellement me nourrir et m'engorger tellement... qu’elle va me faire éclater la panse !"

  Hassan respire profondément, et il reprend courage. 
  En écoutant les conseils de la nuit, le beau gros garçon décide qu’il a bien profité de cette énorme abondance de nourritures, comme des bons et mauvais traitements de la sorcière et de sa fille. En tâtant ses flancs excessivement arrondis et rebondis, le jeune homme conclut qu’il ne doit pas rester enfermé plus longtemps. 
  En essayant d’en rire, pour lui-même, Hassan considère à quel point les deux ogresses l'ont déjà poussé à s'engraisser.

— "Plus encore, ce serait de la gourmandise !" 

  Surtout, s’il se laissait aller à manger encore un peu et à se laisser gaver quelques journées de plus, il prendrait encore du poids, et il serait trop tard pour qu’il puisse se sauver de cette affreuse prison, où il est retenu comme un animal de ferme dans son enclos...
  Hassan espère seulement qu'il n'est pas déjà trop tard.
  Cependant, plusieurs longues journées se passent encore, où le gros garçon s’efforce d’attirer l’attention de la sorcière en enfournant toujours plus de nourritures dans son gosier, toujours plus bruyamment et en poussant des gémissements de plaisir un peu forcés, avec des éloges de tous les plats qu’il dévore, les uns après les autres, jusque très tard dans la nuit où il s'empiffre de toutes sortes de mangeailles...

— "BUUUUUUUUUUUURRRRRRRRRRRRP !"

  En vain. Les deux ogresses ne font que lui apporter à manger, toujours plus, et encore un peu plus, et un peu plus souvent... Loundja resterait peut-être un peu plus longtemps auprès de lui, pour lui parler, mais sa mère la surveille de près, d'autant plus près qu'elle est presque aveugle. Elle l'appelle sans cesse et la fait travailler très dur dans la cuisine.
  Après quelques jours, même les rots que pousse Hassan deviennent un peu moins sonores. Le gros garçon se sent si seul et si malheureux qu'il n'est pas loin de céder au désespoir.
  Cependant, sans dire un mot, la vieille ogresse inspecte tous les plats qu'elle récupère, après chaque repas, en grattant le fond de ses doigts maigres et de ses ongles si longs... Elle sourit et ne peut s'empêcher de pousser un petit rire cruel. Certainement, sa proie engraisse de mieux en mieux, et il ne devrait plus tarder à être parfaitement "à point" !

■ ■ ■

  Un matin, Tsériel revient enfin pour ouvrir la petite porte du silo.

— "Hassan ! Lève-toi, mon bon gros garçon... Et donne-moi ton bras et ton poignet à tâter !"

  Il n’attendait que ce moment. Le malheureux garçon a passé toute la nuit à retenir ses larmes, pendant qu'il dévorait toutes les pâtisseries et les pâtes de fruits que Loundja lui avait apportées encore, en cachette, puis à pleurer lorsqu'il avait trouvé toutes ses mangeoires vides autour de lui, et son estomac rempli à éclater.
  Après un instant d’hésitation, Hassan repousse le grand os enveloppé de peau de cuir bouilli... Pour la première et la dernière fois, il offre son propre bras à tâter devant la petite porte d’observation pour la sorcière. De ses longs doigts maigres comme des pattes d’araignée, celle-ci tâte et presse longuement le bras et le poignet de Hassan. 
  Elle en a le souffle coupé.

— "Oh ? Mais... Mais voilà qui est beaucoup mieux ! Beaucoup mieux... Comment est-ce possible que... Oh ! Comme tu as grossi, mon garçon ! Mais que s'est-il passé ? Tu as énormément grossi, mon beau Hassan... Comme tu as engraissé ! Je te trouve enfin magnifiquement dodu ! Dodu à souhait... Oh ! oui, très dodu !"
— "Je me suis tellement bien régalé." lui répond simplement Hassan. "Et je me suis bien engraissé..."
— "Oui... Oui... Bien engraissé !" reprend la vieille sorcière, en tâtant et en pressant doucement son bras, de plus en plus fébrile et admirative. "Et comment te sens-tu ? Plus épais ?"
— "Oh, très épaissi !" répond-il franchement, fier de lui.
— "Plus arrondi ?"
— "Oh ! Très rond... Je suis bien joufflu et rondelet, maintenant."
— "Plus lourd ?"
— "Oh... Très lourd ! Je suis toujours tout en sueur, du matin au soir... Et je bouge très lentement, maintenant."
— "Et... comment dire ? Plus... gras ? Disons "bien en chair", Hassan ?"
— "Oh, oui... Je suis bien en chair, et bouffi... et vraiment gras comme du beurre, maintenant !"

  Le jeune homme considère avec attention, mais avec inquiétude, les réactions de la vieille sorcière... Elle murmure comme une marmite en ébullition. Elle aussi semble hésiter, un instant, avant de se décider enfin à passer à l’action.

— "Aha ! Malheureux garçon ! J’ai longtemps attendu cette journée... Je désespérais de pouvoir te faire grossir, tant tu étais maigre, et sec, et musculeux ! Mais la vieille sorcière Tsériel a toujours plus d’un tour dans ses mains, et tu t’es laissé prendre au piège... Aha ! Ha ha ! Et la vieille ogresse Tsériel n’avait pas capturé une aussi belle proie pour son propre festin, depuis des années et des années... Oh ! comme j'ai attendu ce moment... Mais tu t’es bien régalé, mon garçon ! Tu t’es bien engraissé ! Et comme ma fille a bien su te gaver... Tu es parfaitement gros et gras maintenant, Hassan ! Bien tendre et bien appétissant... Et c’est moi qui vais te dévorer ! Aha ! Ha ha ha !"
— "Me dévorer ? Oh, non... Par pitié, Tsériel, ne me mange pas. Je ne serai pas bon à manger..."
— "Comment cela, pas bon à manger ? Lorsque tu es bien en chair, bien rondelet et dodu à souhait ? Je vais te faire rôtir comme un agneau pour mon méchoui... Tu seras parfaitement tendre et savoureux !"

  Hassan proteste faiblement, sans conviction. La sorcière a déjà refermé la petite porte du silo... Elle appelle sa fille et lui ordonne de préparer les repas pour la dernière journée de Hassan, pendant qu’elle va préparer tout ce qu’il faut pour son propre festin. 
  Demain sera un jour de réjouissances pour elle...
  À la grande surprise du jeune homme, la journée se passe comme les précédentes. Après un petit-déjeuner complet, Hassan se retrouve obligé d’engloutir encore des plats de couscous monstrueusement copieux pour sa dernière journée dans sa prison, et une quantité plus impressionnante que jamais de pâtisseries saupoudrées de sucre, de bananes, de dattes, de figues, de loukoums, de raisins et d’abricots secs, de fromage blanc et de miel, de beignets à la confiture et de pâte d’amande...
  La vieille Tsériel a au moins relâché sa surveillance. Lorsque Loundja vient lui apporter encore de pleines mangeoires de ce qu'elle appelle des "bonnes choses à manger" pour le rendre plus dodu, il l'accueille avec un rot bien grave et bien mâle.

— "BUUUUUUUUUUUUURRRRRRRRRRRRRP !"

  Elle rougit, mais elle ne semble pas disposée à lui sourire.
  En essayant de suivre du regard la fille de l'ogresse qui va et vient avec ses énormes mangeoires sans dire un mot, l’air sombre, et comme elle lui jette seulement un regard brûlant de sous-entendus lorsqu’elle ouvre et ferme la porte pour lui apporter plus de nourriture, le jeune homme comprend qu'il va devoir redoubler de ruse et d'amabilités mais que le moment de sa délivrance est proche... si son estomac, soumis à rude épreuve, n’éclate pas d’abord !

■ ■ ■

  À la fin de la journée, Loundja revient enfin le voir... Elle porte encore d’autres mangeoires, pour achever de le gaver. 
  Comme elle semble décidée à l’accabler de mangeailles excessivement nourrissantes, Hassan soupire... Tous ces "bons petits plats" qu'elle lui prépare avec insistance depuis quelques semaines sont si riches qu'ils le mettent en sueur, et qu'ils le font s’appesantir et s’arrondir presque à vue d’œil ! Il se montre bien docile, cependant, et il parvient à lui parler doucement pour la convaincre de le sauver, pendant qu’elle l’engorge en le forçant un peu plus rudement que lors des soirées précédentes.

— "Mais pourquoi as-tu montré ton gros bras et ton poignet bien potelé à ma mère ?" ronchonne-t-elle. "Tu n’avais qu’à lui faire tâter l'os, avec encore une épaisseur appréciable de cuir bien tendre... Nous avions tout le temps devant nous !"
— "C’est que..."

  Hassan doit avaler de grandes louches de fromage blanc, de loukoums et d’abricots poêlés au beurre, à vive allure... Son estomac gémit et le supplierait presque de mettre un terme aux "bons traitements" de cette parfaite future petite épouse ! Il prend pleinement conscience qu’il était temps de ne plus encourager Loundja dans cette illusion prénuptiale. Elle gagnerait à épouser plutôt un énorme tonnelet de beurre, ou une outre remplie d’huile à éclater !

— "C’est que... Je n’ai pas fait attention. Je m’étais tellement régalé, grâce à toi, cette nuit... Je ne pensais qu’à mon premier repas du matin, pour me repaître. Je ne pensais déjà qu’à m’engraisser, pour te faire plaisir ! Alors je n'y ai plus pensé, je lui ai montré mon poignet et mon bras, comme elle me l’a demandé... Mais je ne savais pas que ta mère voulait me rôtir, et me manger !"
— "Oh, Hassan... Comme tu es lourdaud !"
— "Par pitié, sauve-moi des griffes de cette vieille ogresse cruelle !" la supplie-t-il, en avalant encore avec efforts. "Sauve-moi, pour qu’elle ne me mange pas..."

  Loundja le regarde sans dire un mot, l’air sombre, tellement sombre qu’Hassan éprouve un frisson qui lui parcourt tout le corps. Elle achève de le gaver de fromage blanc avec les derniers baklavas et les derniers abricots... Puis, en passant à une autre mangeoire remplie de différentes sortes de noix et de friandises à base de pâte d’amande, elle lui sourit et lui murmure son propre secret en confidence.

— "Approche, mon gros Hassan... Approche-toi plus près, plus près... Et ouvre grand la bouche. Tu n’es pas encore assez rassasié... à mon goût ! Tu vas bien te régaler, encore, pour bien te remplir le ventre..."

  Résolu, résigné en apparence, le jeune homme reste à genoux devant elle... Avec un profond soupir, il ouvre grand la bouche. Aussitôt, la fille de l'ogresse enfourne de véritables pelletées de noix séchées, beurrées et salées, à vive allure.

— "Dépêche-toi d’avaler, mon petit homme..." l'encourage-t-elle. "Il y a encore beaucoup de bonnes choses à manger. Beaucoup !"

  La bouche pleine, Hassan écoute la fille de la sorcière se confier enfin à lui, pendant qu’elle continue de le gaver sans ménagements.

— "Hmmmph... Hmmmph..."
— "Comme tu es lourdaud, Hassan... Dès que ma mère t’a capturé et enfermé dans ce silo, c’était en pensant à son prochain festin. Si tu as trouvé un grand os près de toi, c’était celui d’un garçon que ma mère a dévoré, il y a longtemps... Et tu n’as été nourri que pour cela. Tu n’as été gavé que pour cela, et tu n’as été engraissé que pour cela ! Tu peux être fier de toi : il paraît que tu as bien grossi... Ma mère doit être fière aussi. La plupart des garçons que nous avons capturés refusaient de se nourrir comme il faut, bien copieusement, ou de se laisser gaver... Même ceux-là résistaient juste un peu plus longtemps. Bientôt, ils se régalaient comme tu t'es régalé... Ils avalaient toujours toute la nourriture que je leur préparais, et les énormes quantités que ma mère leur imposait ! Enfin, bien repus, ils acceptaient doucement leur sort. Cela nous prenait souvent beaucoup de temps pour les dresser, mais il finissaient par se montrer bien dociles et obéissants. Alors ils s’engraissaient eux-mêmes, tout seuls, jusqu’à ce qu’ils soient devenus bien lourds et bien ronds, et dodus à point... Nous avons toujours dû les faire rouler jusqu’au four ! Mais toi, mon beau Hassan, tu n’as pas attendu pour te régaler. Oui, tu t’es mis à grossir tout de suite, et tu as été particulièrement bien traité. Demain matin, nous te ferons enfin sortir de cette prison et nous allons voir comme tu es devenu gros et gras à point... et bien appétissant !"
— "Hmmmph... Hmmmph..."
— "Mange encore, Hassan ! Mange... Oui, nous allons te nettoyer tout le corps, te laver, t’enduire d’huile, te préparer, t’assaisonner et te mettre à rôtir dans notre grand four..."

  Même en rassemblant son courage, Hassan éprouve encore un frisson qui le fait trembler comme le fromage blanc qu’il ingurgite avec effort. Le jeune homme considère avec angoisse toute l’épaisseur, l'ampleur et la souplesse de la couche de graisse qui l’enrobe si généreusement sur tout le corps, en le tâtant de ses deux mains. Il interroge du regard la fille de la sorcière qui le force toujours à se repaître, et qui l'engorge comme un canard gras... La bouche pleine, les yeux fermés, il a bien de la peine à avaler encore des beignets à la confiture et de la pâte d’amande.

— "Mais... tu vas laisser ta mère... me manger ?"
— "C’est ce que j’ai toujours fait. Et puis, tu t’es bien régalé, toi aussi ! Chacun son tour..." grogne-t-elle, d’un ton rogue. "Dépêche-toi d'avaler encore, mon petit homme ! Plus vite... Avale ! Tu as bien engraissé, à ce qu'il paraît. Ma mère me disait que tu te serais prodigieusement épaissi."
— "Mais... Ce sont tes bons petits plats qui m’ont fait grossir. C’est parce que tu cuisinais pour moi que j’ai toujours aussi bien mangé, et que je suis devenu aussi dodu. Bien dodu... Oh ! Comme je souhaiterais que ta mère me croie toujours terriblement maigre, et sec... et immangeable !"
— "Vraiment ?"
— "Oh ! vraiment... Je ne veux pas être rôti et dévoré par ta mère..."
— "Mais alors... Tu resteras ici, avec moi ?"
— "Bien sûr ! C’est tout ce que je désire..."
— "Et tu mangeras encore beaucoup, beaucoup... Oh, Hassan ! j'ai tant de bonnes choses encore pour bien te nourrir !"

  Joignant le geste à la parole, Loundja dévoile une autre mangeoire remplie de crêpes épaisses, couvertes de miel et baignant dans le sirop avec de la pâte de coing, entre autres mangeailles... 
  Tout luisant de sueur, Hassan fait un suprême effort et, prenant son courage à deux mains, il reprend son souffle et s’écrie vivement, avant d’ouvrir grand la bouche.

— "Ma petite fiancée, je t’en supplie... Sauve-moi des griffes de ta mère et je serai ton époux ! Et tu auras tout le temps de me nourrir, et de me gaver... Oui, de me gaver... autant que tu voudras !"
— "Vraiment ?"
— "Oh, oui ! Vraiment... Et je serai tout à toi..."

  Heureusement, il n’en fallait pas tant pour convaincre Loundja d’oublier tout-à-fait qu’elle est la fille d’une sorcière, et d’une ogresse qui n'attend plus que le prochain lever du jour... pour le dévorer. À la façon dont elle a régalé son futur époux de crêpes et de pâtes de coing, Hassan ne peut pas s’empêcher de penser que, malgré ses belles promesses, elle reste la digne fille de sa mère — et certainement une ogresse, elle-même !
  Il lui faut encore être patient. Lorsque la jeune femme se retire, après avoir enfin achevé de gaver son "petit homme", Hassan se couche sur le dos pour respirer et mieux digérer, en caressant son énorme ventre douloureusement tendu et en écoutant les conseils de la nuit... Lorsque la petite porte du silo est ouverte une dernière fois, il soupire. Loundja vient encore pour verser quatre grands seaux de pâtisseries et de friandises dans la mangeoire du malheureux, qui en déborde !
  Assis dans le noir, les jambes toujours écartées pour laisser son ventre se reposer sur le sol, le gros garçon s'empresse de saisir des poignées de baklavas, de crêpes, de dattes caramélisés et de gâteaux de fruits confits pour se remplir encore le gosier. Il entend le pas lourd et boiteux de sa "petite fiancée" qui s'éloigne — et il lui semble qu'elle soupire, ou qu'elle se retient d'émettre un petit rire que sa mère pourrait entendre...
  Gavé à bloc, Hassan se lamente en songeant à tout ce que la fille de la sorcière lui a fait encore ingurgiter d’appétissant et de trop nourrissant. Il considère toutes les mangeailles dont il se régale encore à cette heure trop tardive, et à tout ce qu’elle a l’intention de lui faire encore engloutir — s'il n'est pas rôti demain !

— "Hélas ! Pauvre de moi ! Je suis énormément repu, et tellement lourd que je ne peux presque plus bouger ! Et je crois bien que Loundja veut m’engraisser jusqu’à ce qu’elle m’ait fait éclater comme une bulle..."

  En respirant profondément, il répète sa prière. Il en a besoin, plus que jamais, pour se donner du courage.

— "Mon estomac est mon allié. Mon poids fait ma force ! Ma graisse est mon arme secrète, et mon corps bien épais, bien lourd et bien en chair, fait ma fierté..." 

  À la seule pensée que la vieille Tsériel prépare son grand four pour le rôtir, il sent la peur monter en lui comme une main invisible qui viendrait l'étrangler dans le noir. Il doit lutter contre ces mauvaises pensées... En avalant bruyamment une dernière poignée de loukoums et d'amandes séchées, beurrées et salées, il porte toute son attention vers son ventre en le caressant doucement.

— "Décidément, ces femmes en veulent après toi, mon gros... Demain, il nous faudra bien du courage pour leur faire face. Tu as bien travaillé. Tu as bien grossi... Je sais que je peux compter sur toi. Maintenant il faut dormir et bien digérer, pour leur montrer que tu es parfaitement gros et gras... à souhait !"

  Hassan répète sa prière, à voix basse. Son estomac ronronne comme un gros chat. Pendant qu'il dort, c'est lui qui travaille... et qui l'engraisse. Le beau garçon s’endort en souriant, lourdement repu mais satisfait. Il songe que la sorcière le fera enfin sortir du silo, dans la matinée... Il soupire profondément. Il a besoin de garder la tête froide, et les idées claires. Il s’endort et il digère paisiblement. 
  Au réveil, il se tâte sur tout le corps et il se trouve bien épaissi, bien empâté, bien dodu, gras et tendre comme du beurre... Il se sent fier de lui, fier de son ventre et de son appétit, et il sourit.

■ ■ ■

  Le jeune homme voit enfin la lumière du jour, au-dessus de lui. Tsériel a ouvert la grande trappe ronde du silo, à deux battants. Hassan avait oublié à quel point le puits en est profond... Ses yeux doivent s’habituer à cette lumière lorsqu’il regarde vers le ciel. Il voit des cordes descendre jusqu’à lui, avec plusieurs grands nœuds coulants.

— "Hassan ! Réveille-toi, mon bon gros garçon... bien dodu ! Lève-toi, et enroule ces cordes solidement autour de tes bras, sous tes aisselles et derrière tes épaules ! Allons... obéis !"

  Hassan se doutait bien que les deux ogresses allaient devoir le hisser hors de sa prison. Lentement, l’un après l’autre, il passe ses bras potelés dans les nœuds coulants... Il sent bientôt que les cordes se tendent et le saisissent sous les aisselles, en serrant très fortement au-dessus de sa poitrine et au niveau de ses épaules bien rondes, pour le soulever... Petit à petit, le gros garçon se retrouve ainsi en position debout, bien droit, ce qui ne lui était plus arrivé depuis longtemps.
  D’autres cordes descendent dans le puits, avec de plus grands nœuds coulants. Il retient sa respiration.

— "Hassan !" vocifère la sorcière, au-dessus de lui. "Écoute, mon gros... Enroule ces cordes solidement autour de tes cuisses, et sous tes fesses. Lorsque tu seras bien pris, nous allons les tirer et te faire enfin remonter jusqu’à nous... Allons, obéis !"

  Lentement, Hassan passe une jambe après l’autre dans les plus grands nœuds coulants... Ses cuisses sont bien rondes et bien en chair. Même les cuisses des poulets dont il s’est régalé si copieusement n'étaient pas si dodues... Il sent les nœuds se resserrer. Il est enfin saisi de tous côtés par ces grosses cordes, solidement tressées.

— "Hassan !" interroge la vieille Tsériel. "Es-tu pris dans ces cordes ? Es-tu bien pris et bien serré ?"
— "Oui..."

  Les deux ogresses échangent un sourire cruel.

— "Quel bon lourdaud !" dit la sorcière à sa fille. "Il s'est laissé ligoter sans résister, sans protester. Quand je pense que nous avons toujours dû menacer ou tisonner nos proies, par la petite porte du silo, pour les faire obéir ! Comme ce bon gros Hassan est devenu docile... Et bientôt, nous allons pouvoir enfin nous régaler ! Cela sent déjà la sueur, le bon lard et la bonne chair fraîche."

  Le gros garçon sent que les cordes se tendent et qu’il va être hissé par l'ogresse et sa fille. Bientôt, ses pieds ne touchent plus le sol... Il se laisse porter. Hassan ne se sent pas du tout léger, au contraire ! même alors qu’il s’élève lentement, lentement...
  Tsériel transpire à grosses gouttes, en tournant la roue qui entraîne ces cordes. Sa fille et elle ont fort à faire pour manœuvrer lentement, avec obstination, cette puissante mécanique. Elles poussent de toutes leurs forces puis tirent de toutes leurs forces pour que les cordes s'enroulent autour de l'immense tambour. Et les poulies grincent rageusement.

— "Quelle épreuve ! J’ai pourtant bien huilé ces roues, et les cordes sont toutes neuves... Je ne pensais pas qu’il était aussi lourd ! Que c’est dur, de le faire remonter jusqu'à nous... Hassan a bien dû prendre du poids !"

  Lentement, lentement, leur proie remonte jusqu’à la surface, au niveau du plancher puis au-dessus des femmes qui tournent la roue... À la grande surprise d’Hassan, ses pieds ne touchent toujours pas le sol mais il se trouve hissé, toujours tenu si serré dans ses liens, sous ses fesses et sous ses aisselles, jusque sous le plafond de l’étage et sous un jeu de poulies... Il est ensuite conduit, par un jeu compliqué de cordes croisées, jusqu’à une pièce attenante, toute carrelée de blanc et de bleu. Hassan comprend qu’il a été tiré jusqu’à une sorte de hammam, avec un vaste bassin d'une eau très claire, très propre et avec de nombreuses douches, comme la fille de la sorcière le lui avait annoncé.
  Après quelques craquements sinistres, les cordes et les poulies cessent enfin de grincer, avec les derniers gémissements que poussent les deux ogresses, qui n’ont certainement pas ménagé leurs efforts ! Elles sont à bout de souffle comme lui, mais épuisées... 
  Suspendu ainsi, Hassan est très déçu, et très inquiet, de se trouver immobilisé avec les jambes dans le vide. Il prend conscience aussi de son poids, certainement considérable, et de son embonpoint vraiment démesuré, maintenant que ses pieds se tiennent à un mètre au moins au-dessus du sol. Ses liens le serrent beaucoup trop !
  Hassan entend un robinet qui se tourne, et soudain il reçoit une averse d’eau très froide sur la tête et tout le corps. Pendant quelques minutes, le gros garçon reste immobile sous la douche... Il ne peut que tourner, lever ou baisser la tête, mais il en profite pour se rafraîchir. Cela fait longtemps qu’il n’a même pas bu une goutte d’eau ! Depuis qu’il a été capturé, on l’a seulement abreuvé de lait entier, de thé à la menthe très sucré, de jus de fruits et de bière à base d’orge, d’avoine et de mil, en abondance, pour forcer son ventre ballonné à gonfler...
  Désaltéré, Hassan passe sa langue sur ses lèvres. En ouvrant les yeux, lorsque la douche a enfin cessé, il s’aperçoit qu’il n’est pas le seul à se lécher les babines... Après avoir planté de grandes cales de bois pour bloquer la plus grande roue et les cordes, Tsériel et sa fille l’ont rejoint. Hassan frémit. Loundja est déjà en train de le dévorer des yeux... Quant à sa vieille mère, elle s’approche de lui et vient le tâter avec curiosité. 
  Elle pousse un petit cri en tâtant ses cuisses, puis ses flancs, et en soupesant son ventre magnifiquement rond, bien rebondi et beaucoup trop en évidence à son goût !

— "Malheur ! Comme ce garçon est gros !" s’écrie-t-elle, émerveillée. "Et comme il est gras ! Moi qui pensais ne pas pouvoir te faire engraisser, même pour te rendre un peu dodu... Oh ! Hassan, mon bon lourdaud... Je n'ai jamais vu un garçon grossir autant que toi ! Oui, tu es devenu obèse, bien en chair, et magnifiquement bedonnant... Mais comment as-tu fait pour prendre autant de poids ?"
— "Je me suis juste régalé..." répond Hassan, tout ruisselant après la douche, mais avec une sueur froide qui lui parcourt le bas du dos et ses poignées d’amour bien enrobées.
— "Oh ? Oui... Oui, vraiment... Aha ! Ha ha ha ! Mais comment as-tu fait pour prendre autant de ventre ?"
— "Mais... Je me suis juste régalé, vraiment, et engraissé..." dit-il en rougissant. "Bien engraissé..."

  La sorcière ordonne alors à sa fille de préparer le four en entretenant le feu et l'eau bouillante, pour le véritable festin ! 
  Elle continue de tâter le corps du gros garçon, trop bien nourri, qu’elle va bientôt rôtir... Elle tâte de tous côtés, en le pressant et en le pinçant durement. Elle pousse de petits cris de joie, comme des glapissements de bête sauvage, tant elle trouve sa proie dodue et bien en chair en tous points, dans tous ses membres. Pendant qu’elle l’examine ainsi, de ses longs doigts maigres comme des pattes d’araignée, Hassan retient sa respiration et ses larmes. 
  Comme elle le complimente, il se lamente d’autant plus.

— "Aha ! Ah ! Vraiment, voilà qui est tout-à-fait bien !" se réjouit-elle, férocement. "Tu t’es bien régalé, mon beau Hassan... Oui, tu t’es bien épaissi, bien arrondi et bien empâté ! J’en ai déjà l’eau à la bouche..."
— "Hélas ! Pauvre de moi... Vous m’avez jeté un mauvais sort pour que je me remplisse autant la panse et pour que j’engraisse à ce point !"

  Les cheveux d’Hassan ont poussé, pendant sa captivité. Ils sont très crépus, et un collier de barbe ombre sa mâchoire. La sorcière continue de préparer sa proie pour le festin en coupant ses cheveux très court, soigneusement. Elle rase sa barbe et tâte ainsi ses joues, son menton et son cou avec insistance.

— "Tu es bien joufflu, mon gros Hassan !" commente-t-elle. "Ton cou est bien large et bien épais... Tu as double et triple menton, et ce bourrelet tout potelé à la base de la nuque me suffit pour me faire une idée de ton embonpoint ! Oh ! La jolie pièce, gras et dodu à souhait... Comme toute cette viande doit être tendre, et savoureuse."
— "Pauvre de moi... Si je n’avais pas englouti autant de nourriture, je ne serais pas si rondouillard !"

  Après avoir fini de complimenter Hassan pour son embonpoint, Tsériel sort de la pièce. Le gros garçon est douché une seconde fois, longtemps, puis les cordes se tendent, les poulies grincent et il est ramené dans une grande pièce d'où il aperçoit l’énorme four, déjà rougeoyant... Hassan en frémit ! En tournant la grande roue puis d'autres, plus petites, les deux ogresses lui permettent bientôt de poser ses pieds sur une table.
  La surface lui paraît curieusement froide. Ce n’est pas du bois... La sorcière vient de le déposer au centre d’un grand plat, qu’elle se prépare certainement à enfourner... Hassan tremble d'effroi. Il retient ses larmes mais il ne résiste pas lorsque les ogresses l’invitent à s’asseoir dans cet immense plat.

— "C'est bien, Hassan ! Très bien... Repose-toi et détends-toi..." lui dit la sorcière, avec un sourire carnassier. "Tu seras bientôt bon à rôtir... et à dévorer ! Oh ! comme je vais me régaler..." 
— "Que dis-tu, ma mère ?" demande Loundja.
— "Euh... Comme nous allons nous régaler, ma fille !"

  Assis à peu près comme il l’était dans son silo, Hassan peut enfin voir clairement à quel point il a engraissé. Le malheureux garçon est devenu monstrueusement obèse... Sa poitrine est bien en chair. Son ventre est rond, démesurément rond... Il y a longtemps qu'il ne peut plus atteindre son nombril, et il pose ses mains croisées sur cette énorme masse... Ses épaules et ses bras sont très dodus aussi. Ses flancs largement rebondis, avec d’énormes poignées d’amour, servent de reposoirs pour ses coudes. Il ne voit pas ses cuisses, ni ses genoux, ni ses jambes, ni ses pieds... Dans cette position, il doit avoir l’air d’une énorme boule de pâte !
  La vieille Tsériel se montre toujours aussi peu patiente avec sa fille, qui va et vient dans tous les sens... Avec un frisson, Hassan la voit qui porte de gigantesques mangeoires, débordantes de boulettes de chair fraîche.

— "Eh bien, ma fille ? Eh bien... Au travail ! Occupe-toi plutôt de notre boulette de chair fraîche, pour commencer !"

  Loundja s'essuie le front avec la manche de sa robe... Sur la table, elle prend une assiette chargée de très gros loukoums saupoudrés de sucre, curieusement moins roses et plus pâles que ses loukoums habituels. Comme elle s'approche de lui pour le nourrir, Hassan ne comprend pas.

— "Ouvre grand la bouche, mon gentil Hassan... Détends-toi, laisse-toi faire. Tu vas bientôt dormir profondément."

  Elle lui sourit, en faisant toujours la bouche en cœur. Ce n'est guère le moment de minauder... Lui-même ne songe plus du tout à la séduire ou à discuter, ligoté comme il est !

— "Qu'allez-vous faire ?" demande-t-il timidement, entre deux bouchées.

  La sorcière, qui surveille le feu et l'eau bouillante, se tourne vers lui.

— "Nous allons te préparer pour te cuire, mon bon gros Hassan ! Et pour commencer, tu vas avaler tous ces loukoums que Loundja t'a préparé. C'est une recette que ma mère m'avait enseignée, à base de graines de pavot et d'essences de plantes soporifiques."
— "Tu vois, nous ne sommes pas si cruelles..." murmure Loundja, tout en le gavant de ces loukoums trop sucrés, tendres et parfumés.
— "Lorsque tu seras lourdement assoupi, nous allons t'ébouillanter dans notre marmite ! Ensuite, nous allons te nettoyer, et nous allons bien te farcir avec toute cette chair fraîche... Ensuite, nous allons t'enduire et te badigeonner d'huile avant de t'embrocher pour te faire rôtir ! Ensuite, je surveillerai la cuisson, en tournant la broche et en t'arrosant d'huile et de sauces... Oh ! comme tu vas bien rôtir, mon gros Hassan ! Allons, ma fille... Au travail ! Au travail !"
— "Ce beau garçon est vraiment très gros..." suggère Loundja. "Il faut encore une ou deux assiettes de loukoums pour qu'il soit bien endormi." 
— "Tu as raison... Il faudrait encore un grand baquet de chair à saucisse pour le farcir proprement. Au travail, ma fille ! Il ne devrait pas tarder à fermer les yeux, ce bon gros lourdaud... Je le plongerai moi-même dans l'eau bouillante. Et toi, tu le rempliras de farce comme il faut !" 

■ ■ ■

  Après avoir ingurgité quatre grandes assiettes de loukoums au pavot, le malheureux Hassan se sent un peu somnolent mais certainement pas au point où il pourrait trouver le sommeil... 
  Immobile et frissonnant de terreur, assis dans ce vaste plat de métal, il a le souffle court. Cependant, Loundja l’observe attentivement. 
  Elle lui sourit malicieusement, la bouche en cœur.

— "Malheur ! Oh ! ma mère, nous ne pourrons jamais faire rôtir ce gros garçon !" s’écrie-t-elle. "Il est beaucoup trop gras, et trop rondelet... Son ventre déborde du plat où il est assis !"
— "Comment ?" s’étonne la vieille sorcière. "Oh ! Que dis-tu, ma fille ? C’est dans ce plat que nous avons toujours fait rôtir nos proies ! Ce n’est pas possible ! Je n’ai jamais connu qu’un garçon se trouve trop gros pour ne pas entrer comme il faut dans mon four..."
— "Si tu le voyais comme je le vois, ma mère, tu comprendrais qu’il est beaucoup trop gros, si bien qu’il n’y rentrera pas !"

  C’est Tsériel qui cède alors à la panique.

— "Oh ! Oh... Comment cela ? Hassan ! Je ne peux pas croire que tu sois devenu si gros..."
— "Hélas ! Pauvre de moi..." se lamente le beau garçon. "Je me suis tellement régalé, vous m’avez tellement bien nourri que je me suis laissé aller... Je me suis beaucoup trop arrondi, et je me suis bien trop empâté. Je suis si rondouillard que mon ventre déborde largement de ce plat !"

  Incrédule, Tsériel s'approche de lui, tend les mains et tâte longuement ses formes généreuses, grasses, sensuelles et abondantes, des poignées d’amour aux flancs bien épaissis et rebondis d’Hassan, qui trouve enfin à se réjouir d’avoir pris autant de poids et autant de ventre... 
  Le jeune homme se sent fier et soulagé d’être aussi bouffi, joufflu, bien en chair et bedonnant à l'excès !

— "Hélas ! Malheureuse que je suis... Je ne te croyais pas si grassouillet, Hassan. Si rondelet... Oh ! Tu t’es vraiment bien empâté ! Que faire ?"

  La vieille ogresse pince et presse la chair bien tendre de sa proie, au niveau de son nombril dodu à point, de ses longs doigts maigres comme des pattes d'araignée... Hassan, tout en sueur, est bien prêt de pleurer, tant elle lui fait peur.

— "Tu n'as pas l'air très endormi, mon bon lourdaud..." ronchonne-t-elle. "Ma fille ! Prépare encore quatre assiettes de loukoums ! Nous avons un problème à résoudre, et nous avons le temps... Hassan s'est un peu trop engraissé, en effet ! Il a un peu trop bien grossi, et il est tellement gras que ces quelques loukoums soporifiques n'ont aucun effet sur lui. Tu vas devoir le gaver encore ! Encore ! Et lorsqu'il en sera bien repu, il dormira d'un sommeil dont il ne se réveillera pas..."
— "Par pitié, Tsériel, ne me mange pas..." supplie le jeune homme. "Je ne serai pas bon à manger !"
— "Au contraire... Aha ! Ha ha ha ! J'ai hâte de te rôtir et de te dévorer, mon bon gros Hassan... Tu es à croquer, dodu et potelé ! Ma fille va bien te gaver de loukoums, si bien que ton lard sera doucement parfumé au pavot... Oh, oui ! La jolie pièce pour mon méchoui !"

  Elle s'en frotte les mains, l'eau à la bouche...
  La sorcière ordonne alors à sa fille de mesurer autour du ventre de leur proie avec une très longue cordelette, pour s’assurer qu’il peut être au moins plongé dans sa grande marmite, ou poussé dans son grand four, malgré sa corpulence et son obésité si impressionnantes... Elle ouvre la gueule rougeoyante à deux battants, et surveille l’eau qui bout dans la gigantesque marmite de bouillon, sous la broche.
  Hassan frémit en voyant ces ustensiles de cuisine préparés pour lui...
  Soudain, Loundja pousse sa mère dans le brasier, d’un coup d’épaule, puis de tout le corps ! Tsériel pousse un cri de surprise, et tombe dans le bouillon brûlant... Sa fille referme la porte du four, vivement, malgré les hurlements de la sorcière.
  Bientôt, ces cris étouffés s'essoufflent, s'éteignent et tombent dans le silence : c’est à peine si on l’entend brûler, s’ébouillanter, se noyer ou se consumer comme une poignée d’herbes sèches...

■ ■ ■

  Hassan peut enfin respirer. La vieille ogresse est morte !
  Il est toujours retenu par ses liens de cordes très serrées, cependant, et il est toujours assis dans ce grand plat sur la table du festin. Loundja se tourne vers lui. Elle reprend son souffle, et s'essuie le front avec sa manche. Hassan rougit en voyant la fille de la sorcière tâter son ventre bien rebondi et bien tendre, avec satisfaction.

— "Nous sommes enfin seuls maintenant, mon petit homme..." dit-elle, dans un murmure. "Détends-toi, et ouvre grand la bouche, mon gentil Hassan. Je vais bien te nourrir, et te gaver... Tu vas te régaler, et je vais enfin pouvoir te regarder pendant que tu t’engraisses !"

  À la surprise du jeune homme, Loundja le laisse assis sur la table, et ligoté ainsi, toujours suspendu au plafond par ces cordes trop serrées... Elle ne montre aucune hâte pour le délivrer de ses liens. Hassan la voit d'abord aller et venir, portant de grands baquets de chair fraîche et des mangeoires débordant de nourriture, qu'elle pose devant lui. 
  Le soleil est à peine levé. C'est l'heure où Hassan reçoit toujours une vingtaine d'énormes plats pour commencer sa journée... Son estomac grogne déjà pour réclamer quelque chose de plus consistant et de plus nourrissant que des loukoums !

— "Comment cela se fait-il que je ne tombe pas de sommeil ?" demande le jeune homme. "Après avoir englouti tous ces loukoums au pavot !"
— "Ce n'étaient pas des loukoums soporifiques, juste des loukoums..." lui dit-elle simplement, en allant et venant avec des mangeoires pleines de bonnes choses à manger. "Mais j'ai préparé tout ce qu'il faut pour te nourrir largement et pour que tu sois bien rassasié, cette nuit... Tu vas bien te remplir la panse ! Et ce sont mes bons petits plats qui te feront tomber de sommeil, mon petit homme."

  En vérité, Loundja n’avait pas seulement préparé le four et la marmite pour y plonger sa mère. Elle monte quelques marches sur un escabeau pour arriver à sa hauteur, en boitant toujours un peu. Elle pose un large plateau sur son ventre, contre sa poitrine dodue, et l'invite à se régaler. Elle s'apprête à lui servir un véritable festin, magnifiquement abondant...
  Comprenant ce qu’il doit faire, puisqu’il ne peut pas se dégager de ces cordes si serrés, Hassan montre un bel appétit pour sa "petite fiancée". Il commence par ingurgiter un couscous extraordinairement copieux, où au moins une douzaine de poulets ont été rôtis et coupés en morceaux, bien beurrés, avec d'innombrables merguez bien épaisses... 
  Il doit encore avaler d’énormes quantités de pâtisseries, de baklavas et de beignets saupoudrés de sucre, d’énormes quantités d'oignons frits, de bananes et d’abricots poêlés, d'olives et de noix, de figues et de dattes caramélisées, de tomates farcies et de raisins secs, d’énormes quantités de crêpes, de fromage blanc et de miel, et encore des pâtes d’amande et des pâte de coings dans les mangeoires que Loundja pose sans cesse sur son ventre... La jeune ogresse ajoute quatre pieds sous le plateau, à la bonne hauteur pour que son cher Hassan ait beaucoup de nourriture sous ses yeux, à tout moment, et à portée de mains.
  Pendant des heures, le malheureux garçon s'empiffre sans dire un mot. Il s’épuise à engloutir toutes ces mangeailles, qui le font s’appesantir, s’arrondir et s'engraisser à vue d’œil !

— "Dépêche-toi d’avaler, mon petit homme. Il y a encore beaucoup de bonnes choses à manger pour bien remplir ton ventre... Avale !"
— "Hmmmph... Hmmmph..."
— "C'est bien. Mange bien, mon gentil Hassan ! Régale-toi..."

  Au lieu de le régaler, Loundja semble avoir entrepris de le gaver encore sans ménagements, et de lui remplir la panse, de gré ou de force !
  Hassan se montre bien docile, et elle se réjouit de le voir s'empiffrer. 
  Tout en allant et venant, Loundja veille à ce que toutes ses mangeoires restent copieusement fournies. Elle ne cesse de les remplir... Elle ajoute encore des pâtisseries, d'épaisses crêpes et des omelettes aux patates douces, des oignons frits et du ragoût de mouton bien relevé. Son beau gros garçon n'a même pas le temps d'avaler qu'elle l'a déjà resservi ! 
  Les quantités de nourriture augmentent devant lui...

— "Quel festin pour toi, mon beau Hassan ! Et comme tu manges bien ! Il faut que tu sois vraiment bien rassasié, ce soir. Vraiment.. bien repu."
— "Hmmmph... Hmmmph..."
— "Continue de manger ainsi, mon gros... C'est bien ! Ton beau ventre doit être parfaitement rempli pour notre nuit de noces."

  Lorsqu'elle descend l'escabeau, la petite ogresse rondelette tâte, pince ou pique la peau bien tendre de son ventre, qui se tend douillettement, lentement mais sûrement, à chaque nouvelle bouchée... Hassan, occupé à se remplir le gosier de nourritures si savoureuses, songe qu'elle a des doigts courts et potelés mais des ongles aussi longs et pointus que ceux de sa mère — ce qui le fait frémir encore...
  Elle sourit, en faisant la fine bouche.

— "Bien, très bien... Tu as encore beaucoup de bonnes choses à manger, mon petit homme ! Ton gros ventre devrait être confortablement rempli avant midi ! Oh, oui ! Bien rempli..."
— "Hmmmph... Hmmmph..."

  Quelque chose a changé dans l'atmosphère de la cuisine, et dans les petites attentions dont Loundja entoure Hassan, qui se sent plus pesant, et surtout plus "lourdaud" avec chaque nouvelle bouchée. Bientôt, son ventre bien rempli déborde vraiment, largement, du plat où il est assis ! 
  Cependant, la jeune ogresse met de côté une mangeoire vide après l’autre, en apportant d'énormes  quantités de pâtisseries et de friandises sirupeuses qu’elle déclare "bonnes à manger" pour lui... À la grande surprise d’Hassan, elle pose encore deux saladiers sur le plateau devant lui, débordants de grosses boulettes de farce qu'elle vient de retirer de l'huile de friture.

— "Un petit effort, mon petit homme... Et tu vas tout bien avaler !"
— "De la farce, aussi ?" proteste-t-il en s'étouffant. "Vraiment ?"
— "Oh, oui ! Ce serait dommage de ne pas te régaler avec toute cette bonne chair à saucisse que ma mère préparait pour farcir son rôti... Elle ne te rôtira pas, mais je vais bien te farcir, mon beau Hassan. Mange !"

  Maintenant qu'il n’était plus en danger d'être ébouillanté ou rôti, le gros garçon n’avait plus qu’une crainte : il pensait que son nombril éclaterait si Loundja le forçait encore à se remplir le ventre, même juste une ou deux journées de plus... Mais il comprend que sa "future petite épouse" a décidé de mettre les bouchées doubles, et qu'elle pourrait bien le faire éclater avant le coucher du soleil ! 
  Hassan ne connaît presque pas un instant de répit avant d’avoir vidé et nettoyé ces mangeoires, qu'elle remplit sans cesse d'impressionnantes quantités de nourriture et surtout de boulettes de farce. Loundja le sert et le ressert avec insistance. Elle l'encourage à manger plus vite, et elle n'hésite pas pour le forcer à les avaler. Toute cette chair à saucisse est trop grasse, et mêlée à trop de beurre. Hassan se rengorge, en avalant.
  Il laisse enfin échapper un long rot de soulagement, très grave.

— "BUUUUUUUUUUUUUURRRRRRRRRRRRRRP !"
— "Comme tu manges bien, Hassan !" soupire-t-elle, émerveillée. "Je me suis aperçue tout de suite que tu avais bon appétit et que tu serais bien glouton, mais je ne pensais pas que tu te montrerais aussi goinfre ! Il te reste encore deux grands baquets de farce à manger... Oh ! Comme je suis fière de toi, mon petit homme. Tu vas manger encore, et encore ! Et cette nuit, tu seras vraiment... bien repu !"

  En observant Loundja qui va et vient, prépare encore de la nourriture et s’affaire au-dessus des poêles et des marmites, le jeune homme a perdu tout appétit... Résigné, il s’empiffre autant que possible de ces boulettes de farce et de ces "bons petits plats". Il ouvre grand la bouche comme sa petite fiancée lui en donne l’ordre avant d’y enfourner une banane ou un beignet, ou encore une louche pleine de purée de lentilles, d'oignons frits ou de patates douces avec beaucoup de beurre.
   Il songe qu'il est temps de renoncer à toute promesse de mariage...
  Cependant, il continue de couvrir d’éloges sa future épouse, en tâchant de se montrer toujours aussi séduisant. Pour mieux s’en assurer, le gros garçon secoue un instant sa torpeur de proie trop bien nourrie. Il ferme les yeux, afin de ne plus penser à elle ou à ses bons petits plats, en faisant un effort pour paraître plus convaincant.

— "Hmmm... Comme je me régale !" soupire-t-il. "Tu as raison, Loundja. Je suis un goinfre ! Je suis vraiment bien repu, mais comme tout cela est bon à manger... Nourris-moi encore, encore ! Encore, s’il te plaît..."

  La jeune ogresse est enchantée de trouver son "petit homme" dans d’aussi bonnes dispositions.

— "C’est pour moi que tu engraisses maintenant, mon gentil Hassan... Mange ! Et remplis-toi le ventre autant que tu pourras !"
— "Comme je me sens lourd !" soupire-t-il en avalant avec efforts. "Mais comme je m’empiffre ! Tu as raison, je m’engraisse..."
— "Et tu engraisses pour moi !" ajoute-t-elle, toute fière.
— "Oui, je suis tout à toi, ma chère petite épouse... Comme je me sens rondouillard, et en bonne pâte... Mais ces liens me serrent cruellement les épaules et les cuisses ! Ne peux-tu pas les retirer ?"
— "Mange d’abord, mon petit homme grassouillet. Il te reste encore tout un baquet de farce pour bien te remplir... Mange ! Mange !"

  Hassan engloutit encore d'énormes mangeoires remplies de couscous et de ragoût de mouton, de poulet avec des olives et des citrons confits, des crêpes et d'énormes omelettes pour accompagner ses boulettes de farce, des pois chiches, des patates douces et de la purée de lentilles...
  Le beau jeune homme, à bout de souffle, s'efforce d'avaler toute la nourriture à sa portée, le plus vite possible et en faisant le plus de bruit possible. La petite ogresse le ressert largement, presque en battant des mains tant elle se réjouit de le voir se goinfrer sans retenue... Il aura bientôt avalé jusqu'à la dernière boulette de farce, dans le vaste baquet à côté d'elle.

— "Comme tu manges de bon appétit, mon gros Hassan ! Tu vas bien dormir, comme un petit goinfre... Pour notre nuit de noces, tu dois être enfin vraiment repu, bien rempli... et gavé à point !"
— "Oui... Oui... Comme je me sens gras, et lourd, et bien en chair ! Mais ces cordes me serrent les épaules et les cuisses si cruellement... Ne peux-tu pas les trancher ?"
— "Mange d’abord, mon petit homme, et tu seras dodu à souhait. Ouvre grand, et mange encore ! Encore !"

  Patiemment, Hassan trouve la force d’ingurgiter jusqu'à la dernière boulette de farce, et d'énormes mangeoires remplies de couscous avec beaucoup de poulet au beurre et beaucoup de pois chiches, des merguez bien épaisses, des tomates et des aubergines farcies, et des légumes baignant dans l’huile d’olives...

— "Comme tu manges docilement, mon petit homme... Je te nourris vraiment bien comme il faut !" murmure-t-elle, sous le charme. "Remplis bien ton ventre, Hassan... Le soleil est à son zénith. Cette journée passe trop vite à mon goût ! La nuit ne tardera pas à tomber, et tu devrais être enfin tout-à-fait repu... et gavé..."
— "Oui... Oui... Je me sens lourdement repu, et gavé à point ! Mais, ma petite épouse chérie, ces cordes me serrent les épaules et les cuisses si cruellement... Ne peux-tu pas m’en libérer ?"
— "Tu dois beaucoup manger encore, mon petit homme, pour être bien repu et ton ventre bien rempli à point ! Mange encore... Mange !"
— "Sois raisonnable, ma petite épouse... Tu l’as dit toi-même, la nuit ne tardera pas à tomber, mais je tombe déjà de sommeil. Depuis ce matin, je ne fais que me régaler, me repaître, et beaucoup manger pour mieux m’engraisser... Pour toi ! Mais ces cordes me serrent si cruellement... Ne peux-tu pas m’en débarrasser ?"

  Loundja observe Hassan attentivement. Elle le trouve généreusement dodu, bien lourdaud et bien replet, naturellement un peu assoupi après toute une matinée consacrée à se remplir autant de mangeailles... Elle lui sourit. Pour la première fois, elle ouvre de grands yeux pour les plonger dans ses yeux... Le jeune homme est surpris de lui trouver de si grands yeux — si clairs et si pâles, presque blancs — avec des reflets de nacre et d'opale. Ce regard le fascine.
  Le jeune homme se sent plus apaisé, soudain, plus tranquille et un peu somnolent. Il ne peut pas lui résister. Elle ne le quitte pas des yeux, et elle lui parle à voix basse, sur un ton étrange et un peu chantant qu'il n'avait jamais entendu. Comme un serpent, elle charme et elle endort sa proie, très doucement...

— "Tu dois encore beaucoup manger, mon petit goinfre..."
— "Hélas ! ma chère petite épouse..." soupire-t-il, débordant de charme lui aussi. "Ces cordes me serrent si douloureusement les épaules que je me trouve embarrassé pour saisir la nourriture dans ces mangeoires, me repaître... et me gaver..."

  Il n’en fallait pas plus pour la convaincre. Loundja dénoue vivement les liens qui retenaient Hassan, et le gros garçon peut enfin bouger un peu. 
  Lentement, avec beaucoup de précautions, il s’assied en laissant ses jambes ballantes devant la table... Puis il pose doucement les pieds sur le sol, et se relève... Son ventre rond et bien rempli lui pèse tellement, lorsqu'il se tient debout ! Il peut à peine s'en saisir en empoignant ses flancs bien dodus. Exténué, dégouttant de sueur, d'huile et de sauces, le jeune homme est démesurément obèse ! Lentement, il fait un pas puis un autre, résolument "lourdaud", en se dandinant un peu pour avancer, comme un canard gras. Il est tout près d’embrasser sa petite fiancée.

— "Que fais-tu, Hassan ?"
— "J’avais besoin de m’étirer un peu..." murmure-t-il, enfin plus à son aise pour respirer. "Oui, de m’assouplir au lieu de m’assoupir... Je n’en reviens pas de me trouver aussi gros, et aussi lourd ! Et avec un ventre aussi rond..."
— "Tu dois manger encore, mon petit homme... Il est midi... À table ! Assieds-toi proprement, et remplis bien ton ventre !"
— "Sois raisonnable, ma petite épouse. Je ne fais que manger, depuis ce matin..." dit-il en bâillant et en tâtant son estomac rebondi. "Je me suis régalé, mais j’ai tellement avalé aussi... Je suis épuisé. J'ai besoin de me reposer quelques heures."
— "Tu dois manger encore, jusqu'à ce soir ! Nous n'avons pas une heure à perdre. Tu vas t'asseoir à table, et tu vas manger ! Encore ! Encore..."
— "Allons, sois raisonnable, ma chère petite épouse..." murmure-t-il. "Je ne peux vraiment plus rien avaler... J’ai l'estomac et le gosier si remplis que je ne pourrais même pas y enfourner un grain de raisin sec !"
— "Tu mens ! Oh ! Méchant garçon ! Comment oses-tu me mentir, après tout ce que j’ai préparé pour bien te nourrir et te remplir ?"
— "Comment pourrais-je te mentir, ma douce petite épouse ? J’ai bien mangé, je suis bien repu et bien rassasié... Oh, Oui ! Tellement repu et si bien rassasié que je ne pourrais plus rien avaler de la journée."
— "Tu mens ! Tu dois encore manger, beaucoup manger pour notre nuit de noces... Méchant garçon ! Tu vas t’asseoir à table, et tu vas manger encore, pour moi... Encore ! Beaucoup..."

  Le jeune homme se tourne et considère la table où un large banc de bois, de construction solide, semble l’attendre... Il comprend qu’il ne se relèvera plus de ce banc, s’il accepte l’invitation de Loundja. Ce n’est pas un festin comme les autres qu’elle a préparé ! La jeune ogresse ne fera que l’engorger de nourriture, s’il se laisse convaincre et s’il la laisse faire. Hassan est obligé de reconnaître aussi qu’il est devenu vraiment obèse, et lourdaud, avec un très gros ventre et un appétit énorme...

— "Allons, mon gros garçon..." murmure-t-elle, après ce coup de colère, d'une voix devenue étrangement douce. "Sois bien docile et suis-moi... Tu vas t’asseoir sur ce petit banc. Et lorsque tu seras confortablement installé, tu n'attendras pas un instant pour recommencer à manger, à te repaître et à te régaler, pour t'engraisser à point... et bien te remplir la panse comme il faut ! À table, Hassan !"

  Il devine qu’elle ne lui accordera aucun répit, mais la jeune femme le regarde dans les yeux, de son regard de serpent si blanc, si insinuante qu'elle se croirait presque séduisante, en l’invitant à trouver encore un peu de place dans son gosier pour forcer son ventre à se remplir, encore un peu plus, et encore un peu plus — sans pitié...
  Cette pensée lui procure un frisson qui lui parcourt tout le corps.
  Malgré ses efforts pour tenter de résister au charme de ce regard si étrange et de cette voix si douce, Hassan la suit en faisant un pas, puis un autre, lourd et lent... Elle lui tient la main et elle le mène comme un animal de ferme bien nourri vers son enclos.

— "Eh bien ! Que fais-tu ? Suis-moi, mon bon gros Hassan..." ronronne-t-elle, avec un peu d'impatience dans la voix. "Je t’ai dit de t’asseoir à table... Fais ce que je te dis ! Tu dois encore beaucoup manger, pour être parfaitement gavé, et bien rempli avant d’aller dormir."
— "Je suis déjà repu à souhait, ma petite épouse chérie... et tellement bien nourri ! Comment peux-tu me demander de me repaître encore ?"
— "Fais encore quelques pas, mon petit homme... Tu vas t'asseoir, et tu vas bien manger... Lorsque tu seras trop fatigué pour avaler encore, je t’engorgerai moi-même ! Si tu ne remplis pas ton estomac, c’est moi qui vais te gaver, comme une oie... Tu vas manger tellement de crêpes, de beignets, de dattes, d'abricots, de raisins secs et de miel que tu ne t’en relèveras pas ! Va t’asseoir à table, mon gros, et prépare-toi à manger."
— "Comment cela ?"
— "Assieds-toi, ouvre grand la bouche et laisse-moi faire..." lui dit-elle en le poussant doucement vers son banc. "Reste assis, reste bien docile, et tu seras bientôt repu et replet comme il faut..." Elle sourit. "N’oublie pas que tu m’as promis de t'engraisser bien à point, pour me satisfaire."
— "Je n’ai pas oublié..." répond-il doucement. "Je me suis bien nourri et bien gavé, autant que j’ai pu, pour mieux m’engraisser... pour toi. Mais sois raisonnable, ma petite épouse chérie... Si tu m’engorges encore, même juste un peu, tu vas me faire éclater !"

  Rien n’y fait... Hassan se tient encore debout, à quelques pas du banc et de la table, mais Loundja se précipite soudain pour lui enfourner une poignée d’abricots poêlés au beurre dans le gosier.

— "Tu n'as pas à discuter mes ordres. Mange, Hassan !"
— "Hmmmph... Hmmmph..."
— "Encore ! Mange plus vite, mon gros... Avale !"

  Hassan respire profondément, avant d’avaler. Pour l’apaiser, il laisse la jeune ogresse l’engorger un peu plus longtemps, jusqu'à ce qu’il n’y ait plus d’abricots, de figues ni de dattes caramélisées, d’amandes grillées, de noix de cajou ni de raisins secs dans la mangeoire qu’elle tient à deux mains, devant lui, pour l’empêcher au moins de s’éloigner de la table.

— "Eh bien !" s’exclame-t-elle. "Tu vois que tu n’as pas éclaté..."

  Le gros garçon se contente d’acquiescer, les yeux fermés, la bouche pleine. Il se sent très somnolent, trop repu et trop lourd... Son estomac est douloureusement rempli, et il gémit comme si la peau de son ventre allait se rompre d'un instant à l'autre, malgré les paroles étrangement apaisantes de la jeune ogresse qui le pousse toujours si gentiment vers son but. Elle n'attend que de le voir assis à table...

— "Sois raisonnable, mon gentil Hassan..." dit-elle. "Assieds-toi à table, et reste bien docile... Repose-toi, mon petit homme, je vais te préparer encore des bons petits plats, bien nourrissants. Tu vas te régaler... et tu vas beaucoup, beaucoup manger pour bien te remplir le ventre !"

  Elle lui fait encore ingurgiter quelques pâtes d’amande et le conduit doucement jusqu'à la table, où son prochain festin l'attend. Hassan se laisse faire et il la suit, la bouche pleine... Loundja écarte le banc, qui devra supporter le poids de son bon gros garçon lorsqu'il y aura posé ses fesses rondes, ses cuisses bien en chair et le bas de son dos si charnu, encore élargi par ses poignées d’amour, bien arrondies et empâtées. La jeune ogresse les tâte justement, de ses petites mains potelées.

— "Assieds-toi, mon gros Hassan..." murmure-t-elle près de son visage. "Laisse-toi faire... Et laisse-moi m'occuper de toi pendant quelques jours encore ! Un jour ou deux seront amplement suffisants..." ajoute-t-elle en donnant une claque sur son ventre bien rebondi.
— "Un jour ou deux ?" se demande-t-il, inquiet.
— "Oui... Avant notre nuit de noces. Tu seras bientôt à point, Hassan. Tu vas tellement te régaler de couscous, de poulet, de ragoûts de mouton, d’œufs brouillés, de boulettes de viande, de merguez, de tomates et d’aubergines farcies, de patates douces et d’oignons frits... Et je vais encore te gaver de fruits confits, de pâtes d’amande, de loukoums et de raisins secs, t’abreuver de bière et de lait entier... Tu n’auras qu’à ouvrir grand la bouche, mon petit homme bien rondouillard !"
— "Oui... Oui..." murmure-t-il, la bouche pleine.
— "Suis-moi et assieds-toi, mon gros... Tu comprendras pourquoi tu dois encore beaucoup manger. Oh ! Oui... Lorsque tout sera clair pour toi, tu mangeras de bon appétit, et tu mangeras encore lorsque tu n'auras plus faim, et tu mangeras jusqu'à ce que tu sois replet à souhait !"

  Le malheureux garçon en a le vertige... Hassan fait un dernier effort pour secouer sa torpeur, juste à temps.
  S’il s’asseyait sur ce banc, son destin serait de manger sans cesse, de s’empiffrer sans relâche et de s’empâter jusqu'à ce que la peau de son ventre éclate comme celle d'une saucisse trop grasse dans la poêle !
  Il s’efforce d’ignorer la douce voix, si charmante et enveloppante, de sa fiancée. Hassan se sent excessivement lourdaud et même "balourd", tant il s'est montré docile, mais son instinct de survie se réveille soudain. 
  Sans comprendre exactement ce qui lui arrive, tous ses sens sont en alerte... Il ouvre enfin les yeux et contemple sa petite épouse, rondelette et grassouillette. Elle ne se tient plus d'impatience.

— "À table !" rugit-elle, en le poussant à s'asseoir sur le banc.
— "Tu vas me faire... éclater..." soupire-t-il, à bout de forces.

  Il entend Loundja rire, d'un petit ricanement sombre et cruel.

— "Oh ! Hassan... Comme tu es lourdaud ! Tu n'as pas encore compris que c'est ce qui t'attendait, depuis le début ? Assieds-toi, mon gros... Tu vas te repaître si lourdement, et te remplir l'estomac et le gosier à bloc, pour bien arrondir ton ventre ! Et lorsque tu seras parfaitement repu et gavé, pratiquement farci à point, parfaitement dodu et replet, bien en chair et tout en graisse, lorsque ton ventre bien rempli sera sur le point d'éclater... Tu vas t'évanouir, mon petit homme... et je te dévorerai d'une seule bouchée !"

  Surpris, Hassan regarde la jeune ogresse qui ouvre ses grands yeux clairs et pâles, démesurément ronds mais sans âme et sans profondeurs, pour le rendre bien docile et somnolent, juste assez pour qu'il continue à ingurgiter toujours plus de nourriture. 
  Elle lui sourit — mais ce n'est plus un petit sourire pincé, minaudant, la bouche en cœur... Comme ses yeux sont immenses, grands ouverts pour tenir le beau gros garçon sous son emprise, Loundja lui montre un grand sourire qui ouvre son visage d'une oreille à l'autre, comme un immense coup de sabre, en dévoilant de longues et vilaines dents brillantes, fines et acérées comme de grandes lames de couteaux !
  Le pauvre garçon, terrorisé, a un mouvement de recul et il se retrouve assis sur le banc, face à la table déjà dressée, surchargée de victuailles, et face au festin qu'il va devoir engloutir maintenant...
  La jeune ogresse rit de le voir tout tremblant. Elle passe sa langue sur ses lèvres, avec un bruit de lames que l'on croise pour les affûter.
  Elle contemple sa proie désemparée, de ses grands yeux pâles et vides. Hassan, pétrifié, n'ose même plus bouger de son banc... Elle pose alors une main sur son épaule et lui parle doucement.

— "C'est bien, mon beau Hassan... Il était temps que tu te montres plus docile. Mais je vais devoir te punir pour avoir été si méchant avec moi ! Tu vas manger tout ce que je te donnerai à manger, maintenant... Sans discuter, sans hésiter, sans attendre ! Et tu mangeras jusqu'à ce que ton ventre bien rempli te fasse éclater comme un ballon !"

  Elle lui présente un vaste baquet, rempli à ras-bord de mangeailles et, sans qu'elle ait un mot à dire, le gros garçon y plonge les deux mains à la fois, et il commence à enfourner des pâtisseries et des friandises dans sa bouche. En se précipitant pour avaler, il a l'air plus joufflu que jamais.

— "Hmmmph... Hmmmph..."
— "Mange, mon petit homme ! Maintenant que tu es assis à table, nous allons pouvoir te remettre à l'engrais..."

■ ■ ■

  La punition de Hassan ne consiste pas à manger plus de nourritures, ou des plats plus "lourds", puisque la jeune ogresse l'oblige à se repaître sans cesse de tous les plats les plus savoureux, les plus copieux et les plus consistants qu'elle peut préparer. Pendant qu'elle va et vient autour de lui en remplissant toujours les mangeoires sur la table, le gros garçon doit l'écouter lui expliquer le sort qui l'attend, comme "petit homme" ou "petit mari" d'une ogresse — le sort qui l'attendait, prétend-elle, depuis le début de son aventure ou de sa capture...
  Hassan se sent très malheureux, mais il est toujours paralysé par la panique, ou par une sorte d'angoisse qui le fait littéralement se jeter sur les énormes quantités de mangeailles que Loundja verse devant lui en cataractes nourrissantes, pratiquement incessantes !
  Assis, les pieds sous la table et comme timidement ramassé sur lui-même, il doit avoir l'air d'une monstrueuse boulette de viande, alors que Loundja lui présente encore un plein baquet rempli de farce, une énorme masse de chair à saucisse et de beurre, passée à la poêle et découpée en pavés rissolés.

— "Hmmmph... Hmmmph..." grogne-t-il, sans cesser de manger.
— "Mon bon gros Hassan... Comme tu es lourdaud ! Tu croyais pouvoir te montrer le plus habile, et le plus rusé. Passe encore avec ma mère puisqu'elle était aveugle mais pas avec moi, mon petit homme ! J'ai tout de suite compris que tu essayais de gagner du temps. Tu n'étais pas si docile que Tsériel le pensait, mais tu mangeais... Tu mangeais toujours de si bon appétit. Oh ! Un vrai petit goinfre, comme nous les aimons !"
— "Hmmmph... Hmmmph..."
— "Lorsque tu as commencé à me séduire, j'ai compris que je pourrais te mener par le bout de ton joli museau, exactement où je voudrais... Je t'ai laissé dire et j'en ai profité pour bien te nourrir, juste pour moi !"

  La jeune ogresse veille sur les mangeoires à portée du gros garçon, qui se jette sur les énormes beignets remplis de confiture qu'elle verse par plateaux entiers. Pour l'aider un peu, elle met parfois les pâtisseries dans ses mains, directement, et il s'en repaît en quelques bouchées.

— "C'est bien, Hassan... Oh ! Je n'ai eu aucun mal à te gaver. Il suffisait de te donner des bons petits plats, bien nourrissants, et tu mangeais. Tu t'es laissé faire si docilement... Comme je me suis amusée à te nourrir, et à te gaver, pour que la vieille sorcière en perde la tête... Et comme tu t'es laissé aller, mon bon garçon ! Comme tu es devenu bouffi et joufflu, et lourd... et balourd ! Oh ! Comme tu t'es bien engraissé... Ha ! Ha !"

  En tournant autour de lui, elle tâte ses flancs rebondis et ses poignées d'amour qui s'arrondissent doucement, en se remplissant peu à peu.

— "Plus vite, plus vite... Régale-toi un peu plus goulûment, mon gros... La nuit va bientôt tomber. Allons, un petit effort ! Tu ne te remplis pas le ventre assez vite à mon goût !"
— "Hmmmph... Hmmmph..."
— "Oh, Hassan... Comme tu es lourdaud ! Mais j'ai compris en t'écoutant me faire de belles promesses, jour après jour, et en te voyant toujours aussi bien manger, que tu serais le parfait petit époux que j'attendais... Oh ! Tu ne savais pas ce que c'est qu'une ogresse, mon petit homme !"

  Elle lui sourit de toutes ses dents, de ce sourire effroyablement large qui lui fait apercevoir d'innombrables crocs, très brillants — longs, effilés et tranchants comme des lames de rasoir.

— "Alors j'ai commencé à vraiment te chérir, mon beau Hassan... J'ai compris que le moment serait enfin venu où je pourrais me venger de la vieille Tsériel, et prendre sa place dans cette maison. Depuis que je suis née, elle m'a toujours traitée comme une esclave ! Elle se comportait plutôt comme une sorcière, alors que je suis une ogresse toute pure... Lorsque nous faisions sortir un garçon du four, magnifiquement rôti et juteux à souhait, elle se réservait toujours les meilleurs morceaux et ne me laissait que du lard, avec la peau et les os à rogner. Il y a bien des beaux garçons que j'aurais dévorés tout crus, et entiers..."

  Hassan frémit en l'écoutant. Des larmes coulent sur ses joues, toutes bouffies, qu'il s'efforce de remplir de ragoût de mouton et de boulettes de viande, avec des poignées de couscous garni de raisins secs.

— "Pour devenir sorcière ou ogresse, il faut tuer celle qui nous a élevée. C'est la loi naturelle... Tsériel ne s'est jamais occupée de moi. Elle me faisait travailler sans relâche, du matin au soir, et cuisiner pour préparer les énormes repas de nos proies... Oh ! Il y a longtemps que j'attendais ce moment, mais la vieille sorcière se méfiait aussi depuis longtemps. Et il fallait une puissante distraction pour qu'elle ne fasse plus attention à moi... Quelle meilleure distraction qu'un beau et gros garçon, bien gras, dont le ventre serait encore plus rempli qu'elle ne s'y attendait ?"
— "Hmmmph... Hmmmph..."
— "Tu as été parfait, Hassan ! Une proie bien docile, jusqu'au bout... Et bien ventru, bien rondouillard ! Allons, dépêche-toi un peu d'avaler, mon gros ! Tu as encore beaucoup de boulettes de viande à manger, pour être bientôt farci et repu à point. Tu n'es pas encore prêt à éclater... Avale !"
— "Hmmmph... Hmmmph..."
— "Maintenant que la vieille sorcière est morte, toutes ses possessions et tous ses pouvoirs me reviennent. Cette maison m'appartient, avec les cuisines, le four et le silo pour mettre mes futures proies à l'engrais... Et je n'aurai pas à partager mon festin ! Lorsque je t'aurai dévoré, ce sera moi... l'ogresse de la savane."

  Toujours toute souriante, Loundja tâte un peu le ventre de Hassan pendant qu'il se remplit le gosier de patates douces, d'oignons frits, de beignets à la confiture et de toutes sortes de mangeailles, à vive allure.
  Le malheureux jeune homme frémit en sentant les doigts ou les ongles de l'ogresse sur sa peau bien épaisse et bien tendre, qui se tend peu à peu... Il frémit encore en sentant son souffle brûlant lorsqu'elle vient lui parler à l'oreille.

— "Dépêche-toi encore un peu, mon gros... Je suis bien contente de te voir manger de si bon appétit !" minaude-t-elle. "Et ton ventre se remplit bien, petit à petit. Je vais encore te faire avaler des boulettes de viande pour bien te farcir, et toute une motte de beurre pour que tu sois bien en chair et bien onctueux !"
— "Hmmmph... Hmmmph..."
— "S'il ne s'agissait que de faire un festin, et de te dévorer, tu serais déjà bien assez gros et gras, mon beau Hassan... Mais j'ai besoin de toi d'une toute autre façon. Lorsque tu m'as promis d'être mon époux, j'ai compris que mes vœux allaient être enfin exaucés. Tuer la vieille Tsériel n'avait rien de si difficile... Je pouvais toujours prendre sa place, mais il me faudrait une ogresse plus jeune pour m'assister. Une ogresse qui vit seule doit se monter vraiment trop patiente pour engraisser sa proie... Même une sorcière ne peut pas se satisfaire d'un maigre festin ! Et les ogresses travaillent toujours avec leur mère, ou avec leur fille..." 

  Elle lui tourne toujours autour, de plus près.

— "Eh bien, mon gros Hassan ? Tu t'endors ? Il est tard... Il fait nuit... Il faut que tu manges ! Encore ! Oh ? Mais tu es fatigué... Je crois bien que je vais devoir t'engorger moi-même, comme promis. Pour commencer, tu vas boire un peu..."

  Loundja verse un tonnelet de bière dans le gosier de Hassan, qui boit à longs traits, lentement mais goulûment.

— "BUUUUUUUUUUUUUUUURRRRRRRRRRRRRRRRP !"
— "Voilà qui est mieux... Ouvre grand la bouche, mon gros Hassan ! Il faut bien te remplir la panse, et tu seras bientôt replet à point..."

  Elle apporte d'autres mangeoires et d'autres baquets à côté de lui.

— "Bien ! Maintenant, avale... Des boulettes de viande, du couscous, du beurre et des abricots secs... Tout ce qu'il faut pour bien te nourrir, et te farcir !" annonce-t-elle, en se réjouissant de l'engorger ainsi. "Encore !"
— "Hmmmph... Hmmmph..."
— "Encore un peu... Encore ! Mange un peu plus vite... Encore un peu, mon gros Hassan. Il faut que tu éclates !"
— "Hmmmph... Hmmmph..."
— "Laisse-toi faire, tu seras bientôt repu et gavé... comme il faut !" lui murmure-t-elle à l'oreille. "Encore ! Encore, mon petit homme... Voilà ! Tu manges bien... Et ton ventre commence à être vraiment bien rempli... Dépêche-toi d'avaler, mon gros ! Ce n'est plus qu'une question d'heures, et tu seras sur le point d'éclater..."
— "Hmmmph..."
— "Reste bien docile, et avale... Encore du beurre ! Encore du poulet ! Encore des pâtes d'amande... Tu vas être parfaitement dodu pour notre nuit de noces, Hassan ! Oh ! Comme je suis heureuse... Et comme j'ai hâte, mon petit homme !"
— "Hmmmph... Hmmmph..."
— "Voilà... Laisse-moi t'engorger comme un canard gras. Ce sera bientôt notre nuit de noces, mon beau gros garçon. Lorsque tu seras bien repu, et très lourd, sur le point d'éclater, tu vas perdre connaissance... Alors, je te dévorerai ! Oui, je ne ferai qu'une bouchée de toi, malgré ta belle corpulence... Je t'avalerai comme un serpent gobe un œuf ! Et lorsque tu seras dans mon ventre, tu éclateras en moi et je serai si grosse que je devrai me reposer... J'attendrai un enfant de toi, mon gentil Hassan. Et je donnerai naissance à une petite fille... Elle viendra au monde pour devenir une ogresse, comme moi, et comme ma mère avant moi !"
— "Hmmmph... Hmmmph..."
— "Et bientôt, elle et moi, nous capturerons un beau garçon que nous ferons bien grossir... Et lorsqu'il sera enfin gras et dodu à souhait, nous le ferons rôtir et je le mangerai ! Euh... Nous le mangerons !"

  Hassan ne résiste plus. Il est sur le point de s'évanouir, tant la jeune ogresse lui fait peur... En se laissant gaver ainsi, dans ce demi-sommeil, il se repose un peu. Il sent bien son ventre se remplir, douloureusement. Il lui semble plutôt qu'il gonfle à vue d'œil !
  Loundja ne lui accorde aucun répit... Lorsque le soleil se lève, elle est toujours occupée à l'engorger.
  Le jeune homme éprouve un frisson soudain, comme un courant d'air frais qui le fait sursauter, toujours confortablement assis sur son banc. Il se réveille, la bouche pleine, et ses joues ne sont pas seulement bouffies de sommeil... Sa petite épouse lui présente déjà une louche remplie de fromage blanc au miel, avec une poignée de gros loukoums.

— "Eh bien, mon petit homme... Tu te décides enfin à ouvrir les yeux ? Ouvre grand la bouche, puisque tu es un peu plus éveillé ! Avale..."
— "Hmmmph..."
— "Ton ventre a pris une belle ampleur et une belle rondeur, pendant la nuit... J'ai fait du bon travail ! Je t'ai bien rempli et tu as bien grossi... Je n'ai pas pu m'empêcher de te préparer encore un magnifique et délicieux couscous, comme tu les aimes tant, et comme tu t'en es si bien régalé. Si nous avions encore un peu de temps, je te le donnerais à manger... pour que tu t'engraisses ! Tant pis... Mais finis d'avaler tes pâtisseries et ces petites friandises pour combler ton estomac !"
— "Hmmmph... Hmmmph..."

  Après l'avoir encore forcé à se repaître, en le pressant beaucoup pour qu'il se réveille un peu, Loundja tâte les flancs et l'estomac de sa proie. Hassan se sent tellement rond qu'il peut à peine bouger !

— "Oui... Oui... Je crois que nous n'aurons plus beaucoup de temps pour te nourrir encore, mon beau Hassan ! Mais je ne veux plus attendre... Et tu es enfin assez gras ! Le moment est proche où tu seras parfaitement repu à point, et tu vas t'évanouir... Allons, avale ! Encore une crêpe au beurre, mon gros, et encore un beignet au beurre... Et encore quelques noix, quelques pâtes de fruits et quelques raisins secs... Très bien. Quel parfait petit goinfre, Hassan ! Tu n'es plus qu'à deux ou trois bouchées de l'éclatement ! Oh ! Je suis si heureuse..."
— "Hmmmph... Hmmmph..." répond le jeune homme, tout en sueur, en se forçant toujours à saisir toutes sortes de pâtisseries et de mangeailles pour les enfoncer dans son gosier.
— "Continue de bien te remplir la panse, mon bon lourdaud ! Il restera encore tant de bonnes choses à manger... Mais il est temps pour moi de t'enduire d'huile, et de me préparer à te dévorer tout cru, tout lisse et tout nu ! Oh, comme tu es enfin devenu bien appétissant..."

  Le malheureux jeune homme la voit s'éloigner, toute guillerette, toute frétillante, toute sautillante en boitant toujours un peu, si rondelette et si impatiente de ne faire qu'une bouchée de sa proie, si beau et si dodu...
  Il a toujours un gros beignet rempli de confiture dans chaque main, et il ne peut même pas s'arrêter de s'empiffrer !

■ ■ ■

  En le laissant seul à table, Loundja avait murmuré à l'oreille de Hassan.

— "Tu n'as jamais été qu'un ventre sur pattes, pour moi. Maintenant tu n'es plus qu'un ventre, parfaitement rond, gros et gras ! Tu n'aurais pas dû te croire plus malin que les autres, ni te montrer si docile... Quand tu seras tout badigeonné d'huile, mon petit homme bien dodu, tu entreras tout seul dans mon gosier !" 

  Le jeune homme sent qu'il ne peut plus rien avaler. Il est bien près de s'évanouir, tant son ventre est lourd... Il ferme les yeux pour reprendre sa prière personnelle. Il la répète pour se donner du courage.

— "Mon estomac est mon allié. Mon poids fait ma force ! Ma graisse est mon arme secrète, et mon corps bien épais, bien lourd et bien en chair, fait ma fierté..." 

  Avec un effort presque surhumain, Hassan se retient de prendre deux autres beignets. Il pose une main sur le bord de la table, et il tente de se lever. Il est si massif et si imposant que son banc se renverse derrière lui, mais il parvient à se lever... Lorsqu'il est debout, il tente de trouver un nouvel équilibre. Il parvient enfin à faire un pas, puis un autre... Et le sol semble protester, sous ses pieds, d'avoir à le supporter !
  Il étouffe, en essayant de trouver un second souffle. Il doit répéter sa prière, dans sa tête, pour se motiver à bouger un peu, même à lever les bras. Il n'est pas loin de dormir debout, tant il est épuisé...
  La jeune ogresse revient déjà de la remise, avec un grand seau rempli d'huile à ras-bord et un pinceau assez large pour le badigeonner sur tout le corps avant de l'avaler, d'une seule bouchée.

— "Eh bien ! Que fais-tu, mon gros Hassan ?" demande-t-elle.
— "Avant de me rasseoir, et de me repaître pour... achever de bien me remplir le ventre... Je souhaiterais te prendre dans mes bras. Laisse-moi t’embrasser, ma chère petite épouse..."

  En s’avançant jusqu'à elle, d’un mouvement de hanches, Hassan fait rebondir soudain la petite ogresse contre son énorme ventre bien rond, et dont la peau est généreusement épaissie mais aussi tendue comme la peau d’une outre remplie jusqu'au goulot.
  Surprise, Loundja recule d’un pas et Hassan s’approche encore un peu. Il la fait rebondir aussitôt contre son gros ventre, ce qui la fait reculer encore... encore... Il fait encore quelque pas en transpirant à grosses gouttes et en la poussant avec son ventre trop rond et trop lourd. Elle boite, et trébuche, perd l'équilibre, et soudain elle tombe à la renverse ! 
  Elle tombe dans la trappe du silo, la tête la première, en poussant un cri de stupeur étouffé.
  En l’entendant tomber au fond du puits, si profond, Hassan respire... Il laisse échapper un rot triomphal.

— "BUUUUUUUUUUUUUUUUUURRRRRRRRRRRRRRRRRRP !"

■ ■ ■

  Enfin débarrassé de ces deux abominables ogresses, Hassan apprécie le calme qui règne dans la vieille maison. Il fait quelques pas, lentement, cherchant toujours le bon équilibre avec son ventre énormément rempli. Le beau gros garçon appuie son dos contre un mur, et se repose.
  Peu à peu, il reprend son souffle et il se trouve un peu plus détendu.
  Hassan caresse doucement ses flancs, bien rebondis et bien épaissis. Il trouve trop dangereux de se rasseoir. Ce seraient trop d'efforts pour qu'il se relève... Après une longue sieste réparatrice, il ouvre les yeux et il lève la tête. Hassan voit enfin le ciel bleu, et de beaux rayons de soleil lui procurent un sentiment de bien-être intense. Il se sent apaisé.
  Toujours très lentement, il fait quelques pas jusqu'au four. L'immense marmite de bouillon est toujours brûlante et bouillonnante, même si le feu a sensiblement baissé. 

— "La vieille Tsériel doit avoir fondu, là-dedans..." se dit-il.

  Hassan considère les gros crochets de fer, sur les bords de la marmite. Il prend des cordes, qui pendent toujours du plafond, et les accroche une à une pour tenter de soulever cette énorme pièce de fonte remplie d'eau bouillante... Ce n'est pas une tâche si aisée, pour un garçon aussi lourd, si bedonnant et si peu entraîné physiquement !
  En tournant la roue, il éprouve une grande satisfaction en considérant que sa force est toujours présente, et qu'il ne manque pas de muscles épais, noueux et bien bandés dans ses bras et dans tout son corps... En tirant sur les cordes, il considère ses mains potelées. Il sourit.

— "Sans doute, mes muscles sont bien là, et certainement bien épais... Je les ai juste recouverts d'une couche de graisse encore plus épaisse, et bien confortable pour les protéger !"

  La marmite pèse un poids formidable, évidemment... Hassan la soulève très peu au-dessus du sol, mais il la dirige bientôt jusqu'au bord du puits. Avec précautions, il s'en approche mais il ne se penche pas : le silo est trop sombre, et trop profond, pour qu'il puisse espérer y voir quelque chose... Surtout, son ventre est si gros qu'il ne voit même pas où il pose les pieds ! Il tend l'oreille, puis il appelle. 

— "Loundja ? Ne t'es-tu pas fait mal en tombant, ma petite épouse ?"

  Hassan n'entend qu'un râle lointain, assez vague. Pour se rassurer, il pose la marmite sur le bord du puits, et la fait pencher de plus en plus, versant des cataractes d'eau bouillante et fumante jusque dans le fond du silo... Peut-être la jeune ogresse pousse-t-elle un hurlement, aussitôt noyé par le bouillon et la distance.

— "Voilà ! Vous resterez ainsi ensemble, ta mère et toi ! Vous m'en avez assez fait subir, Tsériel et Loundja... Je devrais vous renommer Prudence et Sûreté, cruelles ogresses ! Puisqu'il paraît que prudence est mère de sûreté..."

  En versant toujours des flots de bouillon, l'énorme marmite finit par se renverser au-dessus du silo. Elle se retrouve enfin à l'envers mais, au lieu de tomber, elle forme un bouchon de fonte pour le puits... Hassan se sent enfin parfaitement rassuré : les deux ogresses sont mortes !
  Le gros garçon est tout en sueur... Les vapeurs du bouillon sont encore lourdes dans la pièce, autour de lui. Il fait quelques pas jusqu'à la table, qu'il trouve toujours magnifiquement chargée de victuailles.

— "Ah ! Cruelles ogresses... Comme vous en aviez après mon ventre ! Comme vous étiez pressées de bien me nourrir pour bien m'engraisser... Toujours aussi pressées, toutes les deux, si impatientes... Eh bien ! Voilà ce qui arrive, quand on se presse toujours autant, tête baissée... On se brûle, on trébuche. C'est bien fait pour vous ! Et maintenant, moi, je suis libre... Et j'ai enfin le temps pour en profiter un peu."

  Hassan redresse le banc, en utilisant seulement ses pieds, puis il se rassoit. Il reprend sa respiration... Mais il tend déjà une main vers la table, à côté de lui, et il sourit lorsqu'il sent qu'il vient d'attraper un gros beignet à la confiture.
  En savourant longuement chaque bouchée, avec des gémissements de plaisir, il se régale d'un beignet après l'autre, et encore de loukoums et de dattes caramélisées, d'abricots poêlés au beurre et de pâtisseries !

— "J'ai tout mon temps..." se dit-il, en soupirant d'aise. "Et mon ventre est déjà bien rempli... Si je mangeais trop vite, je serais peut-être bien prêt d'éclater pour de bon ! Il faut se gaver avec modération..."

  Le bon gros garçon satisfait largement son appétit, cependant. 
  Alors qu'il va croquer encore une pleine poignée de baklavas, il entend une voix qui appelle au loin, depuis le sous-sol.

— "Holà ? Quelqu'un ?"

  Hassan sent son cœur bondir dans sa poitrine. Il tend l'oreille. C'est un appel curieusement hésitant, inquiet, presque timide. Surtout, c'est une voix d'homme — et même plutôt une voix de jeune homme...

— "Qui est là ?" demande-t-il, assez fort pour être entendu.
— "Est-ce que..." L'autre jeune homme semble hésiter encore un peu. "Est-ce que les deux sorcières sont mortes ?"
— "Oui ! La sorcière et l'ogresse sont mortes... Je les ai tuées !" 
— "Oh ? Le Ciel soit loué !"
— "La voie est libre. Tu peux me rejoindre."

  À vrai dire, Hassan ne comprend pas qui pouvait rester ainsi caché dans les cuisines du sous-sol ou dans les profondeurs de l'étrange vieille maison, mais il accueillerait volontiers la compagnie d'un garçon de son âge. En se relevant doucement pour sortir de table, il songe qu'une aide serait aussi bienvenue pour l'aider à marcher jusqu'à son village...
  Il entend des pas qui se rapprochent, lents et lourds, puis la porte qui mène aux sous-sols s'entrebâille et Hassan a la surprise de voir un bel adolescent passer la tête, avec prudence... Il a la peau sombre mais très luisante, les cheveux ras, et le visage remarquablement joufflu.
  Les deux garçons semblent aussi surpris l'un que l'autre.

— "Entre, je t'en prie. Tu n'as pas à avoir peur..."
— "C'est que... Oui, j'ai eu peur ici, en vérité ! J'ai beaucoup souffert, et je ne me sens presque pas le courage de revenir dans cette pièce..."
— "Pourquoi ?"

  Lorsque l'adolescent se décide à entrer dans la cuisine, Hassan a la confirmation que ce beau garçon n'est pas seulement joufflu mais bien empâté, très dodu, avec un énorme ventre rond et luisant... Il peut le contempler tout à loisir, puisqu'il est tout nu comme lui et que celui-ci l'observe aussi en ouvrant de grands yeux, émerveillé. En effet, Hassan est beaucoup plus gros et beaucoup plus rond, certainement plus lourd et certainement plus rempli et plus largement repu que lui, même s'il est magnifiquement obèse et grassement ventripotent !
  Les deux jeunes hommes échangent un sourire complice.

— "Dans mon village, on me nommait Amin. Et toi, qui es-tu ?"
— "Je m'appelle Hassan. Mais d'où viens-tu exactement ?"
— "Je viens... Comment dire ? Tu ne vas peut-être pas me croire..."
— "Dis toujours."
— "Je reviens du sous-sol... Mais je devrais dire aussi que je reviens du passé. Je pense que je suis la première proie que Tsériel a capturé."
— "Sa première proie ? Mais alors, tu as... Et elle t'a..."

  Le garçon acquiesce, d'un petit mouvement de tête.

— "Oui... Lorsque la vieille sorcière a déclaré que j'avais suffisamment grossi et que j'étais assez "bien en chair" pour leur festin, sa fille m'a fait remonter jusqu'ici... pour..."
— "Je comprends. Elle comptait en faire autant avec moi, évidemment."
— "C'est pour ça que son énorme four me fait toujours peur... Lorsque tu as tué cette abominable sorcière et sa mère, tu as dû mettre fin à leur puissance magique. Enfin, je ne sais pas... mais tu m'as rendu à la vie." 
— "Sa mère ? Tu veux dire sa fille..."
— "Non, Tsériel vivait ici avec sa mère, la vieille sorcière."
— "Tsériel était déjà une vieille sorcière, lorsqu'elle m'a capturé..."
— "Oh ? Alors, tu n'es pas... Je pensais que tu devais être sa deuxième proie, pour son horrible festin ! Et comme elle t'a bien..."

  Hassan sourit en le voyant hésiter.

— "Comme elle m'a bien engraissé ! C'est ce que tu voulais dire ?"
— "Oui !" Il rougit et sourit. "Moi qui me trouvais monstrueusement gras et obèse, lorsqu'elle m'a fait sortir de ma prison... Je pensais que jamais aucun homme ne pourrait grossir autant qu'elle m'y avait poussé, en me gavant comme une oie... jour et nuit !"
— "Je comprends. Tu n'avais pas tort."
— "Mais toi aussi, alors, elle voulait..." Il rougit encore.
— "Elle voulait quoi ?"
— "Comme elle t'a vraiment bien engorgé, je me demandais..." Il hésite juste un instant. "Elle voulait te faire éclater, toi aussi ?"
— "Oh ? Je comprends... Oh, oui ! Elle voulait vraiment me faire éclater la panse, à force de me remplir de farce et de graisse ! Et il s'en est fallu de peu pour qu'elle réussisse..."

  Il caresse son estomac bien rebondi, et la couche de lard trop épaisse qui le recouvre. Les deux garçons échangent encore un regard complice, en laissant chacun tâter le ventre de l'autre, très doucement... Hassan observe attentivement ce beau jeune homme qui l'a rejoint. Il est tout ruisselant d'huile et de sueur, et parfaitement rond comme une boule de pâte, comme s'il n'avait fait que se goinfrer toute la matinée pour tendre la peau de son ventre autant que possible, encore et encore — beaucoup trop copieusement et en se forçant à ingurgiter sans retenue, même sans réfléchir... jusqu'à la limite de l'éclatement !
  Cependant, les courbes de son corps sont généreusement dodues, et témoignent d'un engraissement intensif mais longuement prolongé, avec une patience et une obstination féroces...
  Intimidé, il frémit et il n'ose pas regarder la table, toujours surchargée de mangeailles.

— "N'hésite pas à te faire plaisir..." dit Hassan, en prenant un bol rempli d'abricots poêlés au beurre, de noix et de raisins secs, et en l'invitant à partager ces provisions trop abondantes. "Tu as dû en avaler beaucoup d'autres, et en grandes quantités... pour devenir bien gros !"
— "Oh ! Oui... Et bien gras !" répond son compagnon, en se caressant la panse. "Pour être honnête avec toi, je me suis bien régalé mais la jeune Tsériel voulait que je m'empiffre en permanence... Elle m'a forcé à me nourrir jusqu'à ce que je m'évanouisse, la bouche pleine. Comme j'étais sa première proie, elle était curieuse de découvrir jusqu'à quel point je pourrais faire du lard, et d'apprendre jusqu'à quel point la peau de mon ventre pourrait se tendre et s'arrondir... Elle n'a plus cessé de me remplir le gosier de boudins aux épices, de beignets et de loukoums sirupeux... jusqu'à ce que mon ventre éclate ! Alors je dois dire que, maintenant, je n'ai plus faim."
— "Je comprends bien." Hassan sourit en appréciant les résultats d'un gavage aussi primitif et aussi barbare, mais aussi parfaitement abouti.

  Soudain, le bel adolescent pousse un rot très bruyant, interminable et d'une sonorité que Hassan connaît bien — le rot irrépressible, satisfait, d'un ton grave et bien "gras", d'un garçon repu trop copieusement pour son propre appétit, de bonnes choses trop nourrissantes pour son propre équilibre... Ils en rient ensemble, de bon cœur.

— "Ouf ! Je respire mais je me sens toujours gavé, lourdement gavé ! J'avais oublié à quel point j'étais devenu joufflu... Et mon estomac me pèse toujours comme un boulet ! Ou plutôt, je me sens... Comment te dire ? Complètement rempli, comme si tout mon corps avait été..."
— "Farci ?" suggère Hassan, en croquant une poignée de noix et de fruits secs, à belles dents.
— "C'est exactement ce que je pensais... Mais alors, que s'est-il passé ? Si Tsériel est morte avec sa fille, beaucoup de temps a dû passer avant qu'elle te capture, toi aussi..."
— "Hmmmph... Oui, et je crois qu'il y en a eu bien d'autres, entre toi et moi... Je suis loin d'être sa deuxième proie."
— "Tu as raison..." dit une voix.  

  Les deux jeunes hommes se tournent. Ils voient la porte du sous-sol s'ouvrir doucement et un autre beau garçon entre, également nu... Il a la peau bronzée, comme celle de Hassan, mais toute luisante d'huile comme celle de son compagnon. Et comme il fallait s'y attendre, il est aussi rondelet, obèse et joufflu que ce dernier. Il les salue timidement.

— "La deuxième proie de Tsériel, je pense que c'était moi..."

■ ■ ■

  Toute la journée, à intervalle régulier, un nouveau garçon se présente et rejoint le groupe qui s'est formé peu à peu autour de Hassan. Chacun est accueilli à bras ouverts, et on l'entoure d'attentions pour le rassurer, lui expliquer ce qui leur est arrivé à tous, et le réconforter.
  Parmi les premiers venus, certains parlent de leurs familles, de leurs parents dont Hassan n'avait jamais entendu parler, et de leurs villages dont il ignorait même qu'ils avaient existé... Tout cela doit être enseveli dans les sables, depuis longtemps.
  Le nombre de ces gros garçons ne cesse d'augmenter. L'un d'eux a la bonne idée de suggérer qu'ils prennent place dans le grand hammam, où ils seront plus à leur aise, allongés dans les bassins ou sur le carrelage, au frais. Comme ils étouffent tous, amplement badigeonnés d'huile, une douche froide leur fera le plus grand bien !
  Après quelque temps, un dernier garçon se présente. Hassan a observé que les huit ou dix proies les plus récentes des deux ogresses semblent avoir été traitées encore un petit peu plus durement que les autres : à la façon dont ils tâtent leurs flancs rebondis, et en voyant leurs estomacs très ronds et saillants, on devine que la captivité a été particulièrement pénible pour eux... On les entoure de caresses, ventres contre ventres, en les tâtant sur tout le corps pour les aider à se détendre.
  Hassan reconnaît le gros garçon qui vient d'entrer. En remontant dans ses souvenirs d'enfant, il retrouve son nom et il se souvient d'avoir suivi ce bel adolescent qui grimpait plus haut que tous les autres, dans les branches des arbres. Il semble toujours aussi jeune, et il n'aurait pas du tout changé, s'il n'avait pas pris autant de poids et de ventre. Le jeune homme le reconnaît aussi, après un instant d'hésitation... Il a le souffle court et il est particulièrement lourd, mais il pleure de joie en retrouvant un ami après une si longue captivité, marquée par la solitude la plus éprouvante. Il se place derrière lui pour l'embrasser avec tendresse... En effet, Hassan est beaucoup trop rond et beaucoup trop gros pour pouvoir être embrassé face à face, surtout par un autre garçon aussi largement obèse ! Ils en rient de bon cœur, tous les deux.

— "Nous sommes au complet, alors..." s'interroge-t-on, autour des deux jeunes hommes enlacés. "Mais combien sommes-nous ?"
— "Passons sous la douche, chacun à notre tour, et nous saurons."

  Un jeune homme ouvre un des robinets. Une eau fraîche se répand sur le premier bassin, à l'entrée du hammam... L'un après l'autre, les gros garçons prennent une douche, sous les yeux de leurs camarades. En fait, dès le début, on les assiste pour mieux les débarrasser de cette huile de cuisson dont ils sont recouverts, et pour leur laver le dos. On emploie de grosses éponges et des serviettes pour les nettoyer et les sécher.

— "Trente-quatre... Trente-cinq..."

  Amin, le beau garçon à la peau sombre qui était la première proie de Tsériel, a entrepris de faire le compte sans se laisser distraire.
  De son côté, Hassan fait quelques observations pour lui-même, dont il est très satisfait. Tous les jeunes hommes autour de lui sont à peu près du même âge : le plus jeune a dix-sept ans, le plus âgé n'a que vingt-et-un ans. Ils ont tous à peu près la même taille : le plus grand d'entre eux ne dépasse le plus petit que d'une courte tête... Ils doivent tous peser un poids considérable, et ils sont tous très rondelets, bien dodus et bien obèses ! Loundja n'exagérait pas, lorsqu'elle lui disait avec fierté que les ogresses faisaient rouler leurs proies jusqu'au four, pour les rôtir...

— "Cinquante-huit... Cinquante-neuf..."

  Les garçons qui ont été douchés, nettoyés et séchés prennent place dans le vaste hammam où ils ont dû passer, l'un après l'autre, lorsque la terrible Tsériel les faisait enfin sortir de son silo. Ils ont tous les cheveux coupés très court. Certains ont le crâne rasé. Assis contre des coussins, ils caressent tous leurs ventres ronds, douloureusement lourds après avoir été trop remplis de mangeailles, trop longtemps.
  Hassan les entend discuter, par petits groupes, ou simplement deux par deux, à voix basses pour se confier. Ils comprennent peu à peu qu'ils ont encore l'estomac et le gosier bien engorgés, mais que leur ventre aussi est pratiquement rembourré de farce, de chair à saucisse et de beurre...

— "Soixante-neuf..." Amin a enfin achevé de compter. "Avec toi, Hassan, nous sommes exactement soixante-dix."
— "Quel nombre effroyable de victimes !" soupire un garçon.
— "Et quelle masse abominable de victimes..." plaisante un autre, en se donnant une claque sur le ventre. "Parlez-moi d'un meurtre de masse !"

■ ■ ■

  Tous ressentent le besoin de se confier, de conter leur histoire.
  On décide d'accorder toute l'attention à chacun des adolescents que les deux ogresses ont capturés, sans ordre particulier, en laissant tout le temps nécessaire à chacun pour s'exprimer. Dès les premiers récits, les conteurs et les écoutants comprennent qu'ils ont tous affronté un certain nombre des mêmes épreuves — chacun à sa manière : la capture, la captivité, la terrible solitude et les longues heures d'ennui, dans le silo, les quantités proprement abrutissantes de nourriture qu'ils étaient forcés de manger pour mieux s'engraisser, l'appréciation si cruelle de Tsériel qui venait tâter leur bras pour juger de leur embonpoint, enfin le jour où elle décidait de les faire sortir de leur sinistre prison... pour les rôtir !
  Cependant, chaque garçon a vécu sa propre aventure, seul, avec ses émotions, ses espoirs et ses terreurs. Tous les autres respectent cela, et aucun conteur n'est interrompu. Au contraire, on lui pose des questions pour l'encourager à se libérer de certains souvenirs trop pesants. 
  Les récits des uns et des autres révèlent aussi des différences ou des particularités inattendues. Hassan découvre les méthodes des anciennes ogresses pour gaver leurs proies. On n'aurait pas soupçonné que Tsériel chassait parfois de jeunes garçons, au lieu de les prendre au piège, et qu'elle avait longtemps chassé seule ainsi, avant d'adopter Loundja.
  Tous les garçons écoutent avec attention les récits de trois d'entre eux qui ont subi une captivité beaucoup plus longue que les autres... Hassan comprend alors pourquoi le plus âgé parmi les proies de Tsériel a vingt-et-un ans : la sorcière l'a retenu prisonnier dans le silo pendant plusieurs années, comme elle était seule pour cuisiner, le gaver, et veiller sur son engraissement ! Il avait résisté pendant des mois, mais elle avait fini par briser sa volonté... Même lorsqu'il était devenu plus docile, elle avait dû attendre longtemps pour s'assurer qu'il avait pris suffisamment de poids, et du lard en abondance pour satisfaire son horrible appétit !
  Certains récits les font frémir... D'autres les font pleurer, lorsqu'ils en viennent au moment fatidique, quand le malheureux garçon engraissé à point et très bouffi, très dodu, va être rôti à la broche !
  D'autres récits les amusent, pourtant, et les font bien rire. Parmi les anciennes proies de Tsériel — et de Loundja aussi, pour les plus récents — Hassan en a distingué une bonne douzaine qui sont sensiblement plus arrondis que ceux qui les entourent : un peu plus dodus et un peu plus empâtés, comme s'ils avaient été traités avec un soin tout particulier... 
  L'un d'entre eux, encouragé par ce qu'il a déjà entendu et les sourires de sympathie qu'on lui adresse, déclare en toute sincérité que, dès les premières heures de sa captivité, il s'est régalé de tout ce que Tsériel lui donnait à manger, sans retenue et sans songer aux conséquences, tant la nourriture était savoureuse. À tel point que la sorcière avait longtemps attendu... avant de se décider à lui demander de lui présenter son bras et son poignet, dans le silo, pour qu'elle puisse les tâter à son aise !

— "Mais comment faisait-elle, alors, pour vérifier que tu grossissais ?"
— "Elle me demandait de temps en temps "Rahim ? Ne te sens-tu pas un peu plus lourd ?" Ou "Rahim, mon garçon, n'aurais-tu pas un peu forci ?" Ou encore "Rahim ? Ta culotte ne te serre-t-elle pas un peu, autour de la taille ?" Enfin, elle me demandait..."
— "Mais... Que lui répondais-tu ?"
— "Je lui disais "Oui, Tsériel. Je me sens bien lourd, après un aussi bon repas..." Et "Oui, Tsériel. Je pense avoir un peu grossi..." Et encore "Oui, Tsériel. Ma culotte me serre, surtout comme je reste assis longtemps..." Je ne lui cachais rien, et c'est ce qui l'a fait patienter pendant des mois !"
— "Tu lui disais vraiment tout ?"
— "Oui... Un jour, je lui ai même dit que le bouton de ma culotte avait sauté ! Elle m'a dit qu'elle allait en coudre un autre... Elle m'a demandé d'ôter mes vêtements et de les lui remettre. Ensuite, elle m'a dit que sa mère les avait brûlé avec son fer, en voulant les repasser... À partir de ce moment, je suis resté enfermé tout nu dans le silo. Et, curieusement, je me suis mis à grossir de plus en plus vite !"

  Tous les garçons autour de lui éclatent de rire, mais ils lui posent des questions et ils demandent toujours à en savoir plus. 

— "Elle te donnait déjà beaucoup trop à manger ?"
— "Oh ! Oui..." Rahim rougit, en caressant doucement son estomac. "De plus en plus ! Elle m'appelait déjà son "petit agneau", son "beau mouton noir", en me cajolant... Mais comme elle me demandait toujours "Rahim, mon garçon, ne te serais-tu pas encore un peu arrondi ?" ou "Rahim ? ne te sens-tu pas un peu plus empâté ?" elle a commencé à m'appeler son "petit mouton... bien gras !" Elle me traitait déjà comme un animal dans son enclos, qu'elle venait gaver à longueur de journée."
— "Et tu lui disais toujours la vérité ?"
— "Oui, comme je faisais depuis le début. Je lui disais "Oui, Tsériel. Mon ventre est bien rond, surtout après un si bon repas..." Et "Oui, Tsériel. Je pense que mes joues sont un peu plus bouffies..." Mais je lui demandais "Tsériel, pourquoi me sers-tu encore deux grands plats de pâtisseries ? Je n'ai pas encore fini mon ragoût aux boulettes de viande, et il n'y a déjà plus de place autour de moi, même pour y poser un bol..." Mais elle encombrait le fond du silo, avec toujours plus de nourritures, pour que mon estomac reste toujours rempli. Elle m'ordonnait de "tout avaler". Et puis, un jour, elle a demandé à tâter mon poignet, parce qu'elle trouvait que je ne mangeais plus assez vite et assez bien, à son goût."
— "C'est une drôle de raison !"
— "Elle avait patienté longtemps, et elle voulait aussi que je m'empiffre toute la journée, toute la nuit... En tâtant mon bras, elle m'a trouvé bien épais, mais elle m'a expliqué que je devrais devenir beaucoup plus dodu, et beaucoup plus ventru ! Même mon appétit ne lui suffisait plus..."

  Sur les soixante-dix jeunes hommes assemblés dans le hammam, tous avaient montré un bel appétit, dès le début de leur captivité, mais une bonne vingtaine d'entre eux avaient fait preuve d'une telle gourmandise qu'ils s'étaient aussitôt comportés comme de parfaits petits goinfres... 
  Naturellement, les ogresses en avaient profité pour les combler puis les accabler de mangeailles !
  Omar, un autre beau garçon parmi les plus rondouillards, avait passé des mois et des mois en captivité sans se douter ou se soucier de ce que Tsériel attendait de lui. Elle remplissait de véritables mangeoires, autour de lui, et il se gavait lui-même jusqu'à en être toujours bien repu... 
  Lorsque la vieille sorcière était venue lui demander s'il n'aurait pas un peu engraissé, il lui avait tendu son poignet lui-même par la petite porte d'observation, dans l'épaisseur du mur. Elle s'était jetée dessus pour le tâter, avidement, et elle l'avait encouragé à toujours bien "se régaler".

— "À quel moment l'attitude des ogresses t'a paru suspecte ?"
— "Oh... Je pense que c'est lorsque les quantités de nourritures qu'on me donnait pour chaque repas sont devenues vraiment trop... copieuses. Et quand la vieille ogresse a trouvé qu'il restait un peu de ragoût de mouton et un peu de couscous au fond des plats, ou un peu plus que des miettes de pâtisseries, elle est entrée dans une colère si terrible qu'elle m'a obligé à tout avaler ! Elle m'avait toujours parlé si doucement que j'ai commencé à me douter de quelque chose..." 
— "Il était temps !"
— "Elles appréciaient mon "bel embonpoint", j'avais bien engraissé, mais elles sont devenues très impatientes... Je n'avalais plus assez vite, et surtout je ne grossissais plus assez vite à leur goût. À partir de ce jour, je n'ai fait que me goinfrer, encore plus qu'avant... mais sans gaîté, sans appétit. Je me régalais toujours, mais ce n'était plus le même festin !"

  Il cligne de l'œil à ses amis, et tâte ses flancs magnifiquement rebondis pour leur montrer qu'il a su résister aussi, à sa manière. D'autres beaux et très gros garçons avaient fait la même expérience. Il s'était parfois écoulé neuf mois avant que Tsériel entreprenne de vérifier comment sa proie s'épaississait, tant il mangeait bien... et s'engraissait !
  Le récit le plus divertissant est celui d'un de ces garçons, Djamil, qui avait cru de bonne foi que les ogresses ne lui voulaient aucun mal. Au contraire ! Elles ne songeaient qu'à son bien-être, et à satisfaire son bel appétit, en le nourrissant toujours plus copieusement...

— "Mais tu les croyais, vraiment ?"
— "Oui... Après tout, elles me traitaient aussi bien qu'elles me l'avaient promis. Elles me nourrissaient en abondance, et je n'avais même pas de travaux à faire pour les remercier... Je devais juste "bien manger", tout manger, et nettoyer les plats même si elles les nettoyaient ensuite, dans la cuisine. Je me remplissais lourdement la panse, et je dormais bien..."
— "Mais... Tu étais enfermé dans le silo !"
— "Elles m'avaient dit qu'il y avait une terrible épidémie dans la région, très contagieuse, et qu'il était préférable de rester à l'abri..."
— "Et tu avais gardé tes vêtements ?"
— "Oh ? Non... Elles me les ont pris tout de suite, pour les désinfecter. C'est ce qu'elles me disaient, mais elles les ont brûlés. Alors je suis resté assis, tout nu, jusqu'à ce qu'elles me fassent sortir de ma prison, et elles ont commencé à "bien me nourrir"... Grassement, copieusement."
— "Et tu ne trouvais rien à redire ?"
— "Non, la nourriture était vraiment... très savoureuse."
— "Et la sorcière ne demandait pas à tâter ton bras ?"
— "Non, elle me demandait parfois si j'avais suffisamment bien mangé... Comme j'étais toujours bien repu, je lui disais que tout était parfait. Je ne me plaignais pas. Je ne me trouvais pas à plaindre, vraiment."
— "Et les ogresses en ont profité !"
— "Moi aussi, j'ai bien profité !" répond le beau gros garçon, en donnant une claque sonore sur son ventre, largement rebondi. "J'ai commencé à grossir très vite, évidemment... Tsériel ne me demandait jamais si j'étais satisfait. Elle me disait "Djamil ? Tu n'es pas assez rassasié... Mange !" Ou "Djamil ? Je te trouve toujours bien trop frêle... Mange !" Ou encore "Djamil ? Tu ne me sembles pas encore assez lourd. Mange ! Mange !" Et bientôt, elle me disait "Djamil ? Tu n'es pas encore assez rondelet... Il faut que tu t'empâtes !" Et Tsériel et sa mère me faisaient avaler, avaler, avaler... C'était beaucoup de travail, finalement !"
— "Mais cette petite comédie a duré longtemps ?"
— "Certainement, des mois et des mois... Je dirais bien une année, mais elles avaient décidé que chaque jour serait mon anniversaire pour mieux me régaler avec de nombreux grands repas de fête, du matin au soir !"  
— "Mais tu as fini par te rendre compte de quelque chose..."
— "Oui... Un jour, j'ai trouvé qu'elles insistaient beaucoup trop pour que je finisse mon cinquième gâteau d'anniversaire au beurre, celui du repas du soir. Je leur ai dit que j'avais assez mangé pour la journée, mais elles sont entrées dans une colère terrible... Alors, elles m'ont révélé qu'elles m'avaient juste capturé pour me mettre à l'engrais ! Elles m'ont dit que j'avais "confortablement grossi", mais elles ont commencé à m'engorger et à me harceler pour que je m'empiffre encore, et encore, toute la journée... Sans relâche ! J'ai dû leur obéir et je me suis bien engraissé, jusqu'à ce qu'elles me disent que j'avais pris suffisamment de poids et de bonne chair fraîche pour satisfaire enfin leurs appétits d'ogresses."

  On ne rit plus autour de lui... Tous ces jeunes hommes avaient vécu, avec épouvante, le moment où Tsériel était venue leur annoncer le triste sort qui leur était réservé.
  Cependant, le gros garçon ajoute un dernier mot, si spontanément et si naïvement qu'ils en sont stupéfaits.

— "Si j'avais su... Ah non, alors ! Je ne laisserai plus jamais une femme m'engraisser... pour me manger !"

  Tout le monde éclate de rire, dans le hammam.
 
■ ■ ■

  Les récits des uns et des autres font passer le temps agréablement.
  Hassan comprend que les adolescents capturés par Tsériel étaient tous un peu marginaux comme lui, solitaires ou délaissés par leur entourage. Cela le fait sourire. En les écoutant, l'un après l'autre, on reconnaît des caractères bien trempés, intrépides, certains plus conquérants, d'autres plus aventureux et portés à explorer des régions inconnues... Tous ces beaux jeunes hommes devaient être dynamiques, vigoureux et agiles — avant d'être engraissés à point... Même sous l'épaisse couche de graisse qui les enveloppe, on devine que certains d'entre eux sont encore assez athlétiques, lourdement empâtés mais toujours bien bâtis et musclés.
  Comme ils étaient toujours restés seuls, dans le silo, chaque beau garçon avait de bonnes raisons de croire qu'il était l'homme le plus gros, et le plus lourd, que cette terre ait jamais porté, lorsque Tsériel l'avait poussé jusque dans le four ! En rencontrant leurs semblables, et d'une manière à ce point inespérée, ils éprouvent un plaisir indescriptible.
  Sans surprise, pour ces adolescents si obèses, la sensation la plus troublante, et la plus longuement désirée, leur est procurée par la simple caresse d'une main autour de leur nombril, qui n'était plus à portée de leurs propres mains depuis longtemps. Conscients de satisfaire un besoin essentiel, aussi bien pour tâter que pour être tâtés, tous ces beaux gros garçons se couvrent de câlins et de caresses, toujours très tendres, avec des murmures réconfortants et des gémissements de pur plaisir...
  En vérité, la différence entre les "plus gros" et les "moins gros" est encore moins visible qu'entre les "plus grands" et les "plus petits"... Ils sont tous aussi rondelets et aussi obèses que des ogresses pouvaient le souhaiter ! Il faut y regarder de près ou les tâter aux bons endroits pour découvrir une légère différence...
  Comme ils sont tous aussi bien arrondis et enrobés, ces particularités individuelles sont justement ce qui est le plus apprécié des uns et des autres. On fait l'éloge de celui-ci parce que son nombril est parfaitement dodu, bien rebondi et doux au toucher. On complimente celui-là pour sa poitrine bien en chair et ses énormes tétons... Cet autre a des poignées d'amour voluptueusement arrondies, et cet autre encore... 
  L'attention des écoutants et des observateurs est détournée par un long grondement sourd et grave... Il est tard, et l'estomac de Hassan a bien travaillé pour digérer une bonne part des mangeailles dont Loundja l'a gavé au-delà de toute limite raisonnable.
  Tous les jeunes hommes se tournent vers lui, et ils lui sourient.

— "Eh bien, Hassan ! Tu as faim ?"

  Le gros garçon rougit et sourit, en acquiesçant doucement.

— "Et vous... Vous n'avez pas faim ? C'est curieux." 
— "Oui, c'est curieux..." se disent les uns et les autres, en tâtant leurs ventres arrondis si lourdement, et leurs estomacs amplement remplis. 
— "Quelqu'un a envie de manger ? Quelque chose ?"

  On se tourne à droite et à gauche... Tous hésitent, visiblement. Hassan invite ses camarades à faire un effort. Leurs derniers repas sont si loin... Mais les garçons autour de lui ne sont pas convaincus.

— "Mon dernier repas est encore dans mon ventre... Et je me sens trop durement rempli, comme si j'avais été farci de boulettes de viande et de pâtisseries, là, maintenant, ou il y a juste quelques minutes... Comme si l'ogresse venait de finir de me gaver."

  Tous les autres l'approuvent, et ils confirment qu'ils se sentent aussi repus. Avec un frisson d'effroi, les gros garçons en viennent à considérer qu'ils sont revenus à la vie exactement tels qu'ils étaient — sur le point d'être rôtis et dévorés, lorsque l'horrible Tsériel les avait ébouillantés.
  On comprend pourquoi ils se ressemblent tous autant, comme s'ils étaient sortis du même moule : engraissés à en éclater, couverts d'huile sur tout le corps, et remplis de farce à ras-bord... La dernière chose dont ils se souviennent, péniblement, ce sont ces loukoums au pavot qui les avaient plongés dans leur dernier sommeil.

— "Mais toi, Hassan... Tu n'as pas été rôti. C'est pour ça..."
— "Ou c'est parce que vous avez été dévorés par les ogresses que vous n'avez plus faim... Je ne devrais peut-être pas encore trop manger, mais j'ai faim. Et c'est normal, pour un garçon comme moi, d'avoir faim."

  On ne lui donne pas tort, évidemment. Un jeune homme se décide.

— "Je vais juste goûter la moitié d'un baklava..."

  Il s'en saisit, le croque et le mâche longuement, avec efforts. Tout son corps semble protester contre cette nouvelle intrusion de nourriture dans son gosier. Après quelques minutes, découragé, il finit par le recracher.

— "J'avais oublié à quel point ces pâtisseries étaient grasses... Mais il n'y a pas moyen, vraiment. Je suis repu à bloc ! On ne pourrait même pas me forcer à boire une gorgée de lait..."

  Tout ces beaux jeunes hommes se tournent alors vers Hassan, avec des regards aussi caressants que leurs mains sont douces et potelées. Les plus proches de lui viennent le tâter doucement sur tout le corps.

— "Il faut que tu nous racontes ton aventure... Certainement, nous y trouverons la clef de ce mystère. Mais tout d'abord, Hassan, tu as faim ! Il faut commencer par bien te nourrir, pour te réconforter."

  D'un commun accord, ils décident que chacun choisira et prendra dans la cuisine toutes sortes de bonnes choses à manger, en commençant par les viandes pour finir avec les desserts et les sucreries. À tour de rôle, sans se presser, un garçon après l'autre se présente à côté de Hassan avec un beau plat généreusement rempli et porte la nourriture jusqu'à lui, au bout d'une fourchette ou d'une grande cuillère, à bout de bras. Le beau gros garçon sourit, ouvre la bouche, avale et se prépare à manger encore, en toute confiance... Il se sent beaucoup mieux traité ainsi !
  Pour chaque plat bien nettoyé, la récompense est un baiser que chacun est libre de porter où il le souhaite. La bouche pleine, les yeux fermés, Hassan frissonne de plaisir en sentant des lèvres se poser sur sa joue mais aussi, parfois, sur ses lèvres...
  Certains sont plus coquins et posent de doux baisers sur ses tétons, si charnus, en les mordillant sensuellement. 
  Après une quarantaine de plats, Hassan se sent bien repu, et il gémit en suggérant de le laisser se reposer un peu pour reprendre son souffle. Il ouvre les yeux, et il comprend que la curieuse impression qu'il vient de ressentir — celle d'une vague de chaleur, torrentielle, qui aurait déferlé dans le hammam avant de s'apaiser mollement — se retrouve dans les regards que tous ses compagnons portent sur lui : des regards tendres, complices, câlins mais brûlants, torrides, et même... gourmands !
  Hassan laisse échapper un long rot, très sonore, par reconnaissance pour leurs bons traitements, et il leur conte comment Tsériel l'a pris au piège, et comment...

■ ■ ■

  Tous ses amis sont captivés. Ils s'étonnent de sa ruse, mais aussi de la présence d'ossements dans le fond du silo... La sorcière était devenue bien négligente, en vieillissant ! Ils sont impressionnés par sa décision de séduire sa fille, si laide et si repoussante... Beaucoup de ces garçons n'ont connu que Tsériel, et certains ont aussi été maltraités par sa mère, mais ceux qui ont connu Loundja frémissent d'horreur au seul souvenir de la petite ogresse. Ils sont désolés lorsque Hassan évoque sa solitude et sa détresse... Ils s'émerveillent de sa ténacité, de son audace, de son courage — et de son appétit.
  Hassan est, de très loin, l'adolescent le plus gros et le plus gras qui soit jamais tombé entre les mains de Tsériel ! Il se sent bientôt entouré de caresses plus câlines et plus insistantes, pour mieux le tâter. Autour de lui, tout le monde estime que Hassan n'a pas grossi "deux fois plus" que les autres mais, pour toute la masse et toute la graisse que chacun d'eux a dû assimiler dans son corps, Hassan en a encore accumulé une bonne moitié en supplément. Cet excès de chair fraîche et de lard doit lui peser considérablement : cela fait vraiment beaucoup de poids !

— "Ce n'est pas du tout étonnant que Tsériel ait paniqué, en te voyant déborder du plat où elle nous posait quand nous étions rôtis ! Elle n'avait jamais vu ça... Il y avait de quoi y perdre la tête !"
— "Ou plonger dans son propre bouillon, la tête la première !"

  Tous admirent surtout comment Hassan a réussi à se débarrasser de la sorcière et de sa fille, et ils sont très impressionnés par ces deux morts si cruellement méritées ! On se trouve bientôt d'accord pour expliquer ainsi ce retour à la vie de toutes leurs anciennes proies. Lorsque Hassan a réuni, et peut-être mélangé, les corps de Tsériel et de Loundja dans le bouillon écumant et brûlant, tous les garçons qu'elles avaient dévorés ont été libérés — d'une manière ou d'une autre...
  Couvert de compliments, Hassan hoche la tête. Il ne croyait pas si bien faire, et il ne trouve aucun mérite si éclatant dans ses actions, mais tous les garçons autour de lui le couvent littéralement de regards complices, de sourires et de caresses... Il les devine même quelque peu impatients de le nourrir encore, pour un autre somptueux repas.
  Un jeune homme se lève et s'adresse à lui.

— "Tu nous as tous sauvés, Hassan ! Je te dois la vie. Je ne l'oublierai jamais... Nous sommes du même village. Tu nous as dit que tu étais très pauvre, ma famille était très riche. J'avais des frères et des sœurs, qui sont peut-être toujours vivants et qui ont eu des enfants. Lorsque nous rentrerons ensemble, je te présenterai à tous comme mon frère et ils te traiteront comme leur fils."

  Tous les autres lui témoignent la même gratitude et lui promettent de toujours rester ses amis. Lorsque chacun s'est exprimé, les uns comme les autres comprennent qu'ils n'ont aucune envie de se séparer les uns des autres. Un silence plane sur eux, dans le hammam...
  Spontanément, ils décident aussitôt que Hassan a faim, et qu'il faut lui montrer comme ils le chérissent, comme leur petit frère, en lui apportant de quoi bien le nourrir !
  Un long cortège de garçons, chargés de grands plats, se met en place. Ils rient dans la cuisine, s'amusent à remplir les plats de gros morceaux de poulet, de nombreuses louches de ragoût de mouton, de grands tas de beignets ou de pâtisseries... Quelques-uns explorent l'arrière-cuisine, où ils trouvent de vastes et magnifiques bassines de cuivre débordant de friandises qui se caramélisent doucement, parmi d'énormes quantités de mangeailles entassées ça et là, où ils vont puiser largement pour revenir à leur beau Hassan, qui fait honneur à ce repas bien copieux.
  Sans le presser, un beau jeune homme après l'autre s'approche pour le nourrir généreusement, tout en l'encourageant et en faisant son éloge, d'une voix très douce.
  Pendant que Hassan mange de bon appétit, on l'interroge encore sur son aventure. Tous ses compagnons sont curieux d'en apprendre un peu plus à son sujet, même simplement sur ses goûts et ses préférences... pour le régaler toujours mieux, plus tard !

— "Tu as été plus rusé que cette horrible sorcière..."
— "Peut-être... Mais Tsériel était bien vieille, et presque aveugle. Et je n'ai pas été aussi rusé que sa fille, qui s'est bien joué de moi !"
— "Mais tu as été plus fort que cette abominable ogresse..."
— "Peut-être... À vrai dire, je ne crois pas. Loundja s'est montrée plus maline, plus rusée que moi, vraiment très forte... Et vraiment obstinée à me remplir le ventre !"
— "Mais tu as été plus résistant, lorsqu'elle essayait de te charmer avec son regard de serpent ! Tu ne t'es pas laissé faire..."
— "Oui, peut-être. Il s'en est fallu de peu, vraiment... J'ai réussi à me relever, juste à temps !"
— "Mais tu l'as poussée au fond du silo..."
— "Oui, c'est vrai ! En vérité, je n'étais pas le plus rusé, je n'étais pas le plus fort, et je n'étais pas le plus courageux. Si j'ai triomphé de ces deux ogresses, c'est parce que j'étais le plus gros !"

  Hassan ressent encore une vague de chaleur envahir tout le hammam, lorsqu'il dit ces derniers mots pour ses amis, fièrement, avant de mordre dans un énorme beignet à la confiture de mandarines, à belles dents !
  C'est une immense vague de désir, pure et irrésistible comme l'océan, qui monte jusqu'à lui... Tous ces beaux garçons autour de lui le dévorent des yeux. Il leur fait une confidence.

— "J'avais composé une petite prière, pour lutter contre la solitude et l'ennui. Je la récitais chaque soir, lorsque j'étais bien repu... Enfin, assez souvent, dans ma tête ou à voix basse, pour me donner du courage."
— "Et que disait-elle, cette prière ?"

  Hassan respire profondément, et il retrouve le ton de sa prière dans le silo... Il se souvient aussi du suprême effort qu'il a dû fournir pour tuer la jeune ogresse.

— "Mon estomac est mon allié. Mon poids fait ma force ! Ma graisse est mon arme secrète, et mon corps bien épais, bien lourd et bien en chair, fait ma fierté !"

  En ouvrant les yeux, il s'aperçoit que tous les garçons assemblés dans ce hammam portent sur lui des regards d'une douceur inexprimable. Il ne peut pas soutenir autant de regards à la fois — d'autant plus qu'il est à peu près convaincu maintenant que tous ces beaux jeunes hommes sont amoureux de lui...
  
■ ■ ■

  Le repas de Hassan dure encore quelques heures, jusqu'à ce qu'il soit confortablement repu. La nuit est tombée. Chacun passe encore sous la douche pour se rafraîchir avant d'aller dormir, mais aucun de ces jeunes hommes n'envisage de sortir du hammam où ils se trouvent si bien, tous ensembles... Hassan est entouré par six ou huit beaux garçons qui lui massent lentement les épaules, les flancs, les cuisses, les bras et les jambes, même les pieds et les mains. 
  Tout le monde s'endort. Hassan, qui digère lentement et en gémissant de plaisir, entend de doux murmures, des embrassements, des caresses et des baisers un peu partout autour de lui, dans la nuit...
  À son réveil, il devine que certaines amitiés plus fortes se sont déjà nouées. À la dérobée, il voit bien des garçons se tenir tendrement par la main ou s'adresser mutuellement des gestes câlins et discrets, par petits couples ou par petits groupes.
  Tous les garçons, bien lourds et obèses, s'étirent pour se réveiller. On entend de nombreux rots qui résonnent dans le hammam. Enfin, les uns comme les autres se lèvent avec efforts... Ils ont l'air bouffis et pesants, malgré cette bonne nuit de sommeil pour se reposer.
  L'un d'eux, posant ses mains sur son ventre toujours magnifiquement arrondi et rebondi, exprime ce qu'ils étaient tous en train de penser sans parvenir à le saisir ou à le formuler.

— "Vraiment, je ne désemplis pas..."
— "Moi non plus !" se plaint un autre gros garçon. "Moi qui pensais que j'aurais bien digéré toute cette farce, pendant mon sommeil, mais non ! Je me sens toujours aussi repu et aussi lourd qu'hier... Et pourtant, j'ai bien dormi !"
— "Qu'est-ce que cela veut dire ?"
— "BUUURRRP !"
— "Moi aussi, je me sens toujours autant... farci, et rempli. C'est comme si j'avais été engorgé pendant mon sommeil, jusqu'à me faire éclater... ou me remplir le gosier comme une grande jatte, jusqu'au goulot !"

  Tous les autres éprouvent la même sensation, qu'ils se confirment en tâtant mutuellement leurs estomacs — tous très ronds et saillants, bien enveloppés sous une épaisse couche de graisse mais chauds, et parfois presque brûlants...

— "Qu'est-ce qui nous arrive ?"
— "La sorcière m'appelait son "petit rôti sur pattes", quand elle tâtait mon bras..." suggère l'un des plus jeunes, timidement. "Mais lorsqu'elle a tâté mon estomac, avant de me gaver de loukoums pour me faire dormir, elle m'appelait son "bon gros rôti, bien farci", parce qu'elle allait me remplir de chair à saucisse, exactement comme tu viens de le dire."
— "Je suis bien d'accord..."
— "Si la vieille Tsériel nous voyait, elle nous appellerait ses "bons gros rôtis sur pattes, bien gras et bien farcis". Nous sommes tous obèses, et bien rondouillards... C'est normal, puisque nous étions tous prêts pour passer dans son four monstrueux !"
— "Mais alors... Comme hier, nous n'allons pas pouvoir avaler, même un grain de raisin sec ?"
— "Oh ! Moi, je n'ai pas faim..."
— "Moi non plus... Et si je reste toujours aussi repu, je crois bien que je n'aurai plus jamais faim !"
— "Mais alors... Nous n'aurons plus jamais faim ? C'est quand même une bonne nouvelle, non ? Je... BUUUURRRRRP !"
— "C'est exactement ça, en un mot... Nous n'aurons plus jamais faim, et nous allons rester repus et remplis comme si nos ventres allaient éclater d'un instant à l'autre ! Mais, au fait..."

  Hassan sent tous les regards se poser sur lui, encore une fois.

— "Tu n'as pas été rôti, Hassan..."
— "Non, évidemment."
— "Tu as digéré pendant la nuit ?"
— "Oui, j'ai bien digéré... BUUUUUUUUUUURRRRRRRRRRRP !"

  Tous les jeunes hommes autour de lui échangent un regard complice.

— "Mais alors... Hassan, tu as faim !"

■ ■ ■

  Une semaine se passe ainsi, en joyeuse et heureuse compagnie.
  Hassan a pu se reposer, enfin, des mauvais traitements de Tsériel et surtout de Loundja. Autour de lui, tous ses amis ont eu la satisfaction de confirmer combien leur première impression était juste : de jour en jour, à leur réveil, ils ont tous l'estomac rond, lourd, plein et dur comme un œuf passé à la casserole...
  Parmi eux, Hassan est bien le seul dont le ventre a un peu diminué de volume, après avoir été engorgé... pour le faire mourir par éclatement ! Sous les massages et les douces caresses de tous ces jeunes hommes, il s'est douillettement assoupli et ses formes ont gagné en rondeur et en onctuosité, depuis sa poitrine bien en chair jusqu'à ses poignées d'amour et de toute la masse de son corps, toujours plus généreuse.
  Sans surprise, après avoir si bien digéré, Hassan a encore engraissé...
  Son appétit lui fait honneur, comme tous ses amis prennent plaisir à le voir se régaler de tous les plats, si nourrissants, dont ils le gavent avec infiniment plus de patience que les deux ogresses !
  Leur beau gros garçon dévore et se remplit la panse, de bon cœur, en préparation de son prochain massage, auquel tous participent à tour de rôle, en rivalisant presque de sensualité pour le couvrir de caresses...
  Après une semaine où ils n'ont fait que nourrir et gaver Hassan jusqu'à ce qu'il tombe de sommeil, tous ses amis ont la surprise de se trouver un peu plus épaissis et appesantis, eux aussi... En se réveillant, chacun estime que son propre ventre et ceux des autres sont sensiblement plus larges, plus arrondis et rebondis, et plus débordants de tous côtés.

— "Encore un mystère ?" s'interrogent les uns.
— "Pourquoi un mystère ?" suggère un autre. "Cela fait une semaine que je me sens lourdement repu, avant de m'endormir. J'ai dû commencer à en digérer une part..."
— "Ce n'est pas possible ! Je me sens aussi repu que tous les matins... Mais c'est vrai aussi que je sens une couche de lard encore un peu plus épaisse autour de mon ventre."
— "Et même si je pense avoir bien digéré, je n'ai toujours pas faim..."
— "Mais alors... Nous sommes tous en train d'engraisser encore ?"
— "Il faut croire..." bâille un jeune garçon. "Moi, ça ne me dérange pas plus que d'être bien repu en permanence..."
— "Ah ? Ah ! Mais alors..." plaisante encore un autre jeune homme. "Si nous sommes patients, nous allons tous devenir aussi gros et aussi gras que notre magnifique Hassan, bien rondouillard ?"

  Tous éclatent de rire, mais cette idée ne les quitte plus — et ils sourient toute la journée, en tâtant leurs ventres ronds, dans une douce rêverie.
  Hassan et d'autres jeunes hommes ont fait le tour de toute la maison. Ils ont pu constater, avec un frisson d'inquiétude, que les quantités de nourriture ne diminuent pas dans les grands plats posés sur la table, dans les baquets ou dans les immenses bassines de cuivre... 
  Il y a toujours autant de mangeailles que lorsque Hassan a tué les deux ogresses ! Il en frissonne en tâtant la masse de son ventre, bien rond et bien tendre.

— "Pauvre de moi ! Loundja était vraiment décidée à me faire éclater..."

  Les plus adultes d'entre les jeunes hommes qui l'entourent décident qu'il est temps pour eux de s'en retourner vers le village de Hassan. Ils sont tous décidés à rester ensemble. Pour ceux dont les parents ou les familles sont toujours en vie, on chargera un parent pour les prévenir. Pour le plus grand nombre des proies de Tsériel, il n'y a plus de village et peut-être plus de famille à retrouver...

— "Nous allons rassembler tout le trésor de ces ogresses, et nous le ramènerons jusqu'au village."
— "Quel trésor ?"
— "Leurs plats toujours remplis de couscous et de poulet, leurs tajines toujours remplis de ragoût de mouton, de merguez et de boulettes de viande, leurs assiettes toujours pleines de pâtisseries, et leurs bassines de cuivre toujours débordantes de mangeailles... Voilà le trésor de la vieille Tsériel !"
— "Nos familles et nos amis nous accueilleront à bras ouverts."
— "C'est sûr !" répond l'un des plus jeunes, en se donnant une puissante claque sur le ventre. "Nous n'allons pas coûter cher à nourrir..."

  Tous rient de bon cœur, et se tournent vers Hassan.

— "Tu veux bien être notre guide ? Nous ne retrouverions plus le chemin de nos maisons, de toutes façons..."
— "Donnant, donnant..." sourit Hassan. "Si vous m'aidez à marcher, un pas devant l'autre, je vous guiderai jusqu'au village."
— "Nous partirons demain. C'est l'heure de prendre une bonne douche ! Et puis, cette nuit, nous allons fêter notre départ de cette maison avec un vrai festin, bien nourrissant !"
— "Un festin ?" s'étonne le beau jeune homme.
— "Oh ! Oui, un immense festin... pour toi ! Tu as faim, Hassan !"

■ ■ ■
 
  Le lendemain, enfin libres de sortir de la vieille maison isolée, tous les garçons rassemblent les trésors dont ils ont décidé de se charger. 
  Plusieurs d'entre eux, considérant la belle journée d'été, se ravisent. Ils sont tous si douillettement obèses qu'ils sont déjà tout en sueur, à fleur de peau, et leurs corps luisent comme des boules de pâte baignant dans l'huile... Ils poussent un long soupir, en restant au frais.

— "Il fait trop chaud... et nous sommes tous trop gros pour affronter le plein soleil. Attendons le soir pour nous mettre en route !"

  Paresseusement, tous les jeunes hommes s'allongent pour une longue sieste. Ils ne manquent pas de se couvrir de caresses, les uns les autres, tant leurs ventres sont en bonne chair et leurs formes voluptueuses et bien dodues. Ils sourient en songeant qu'ils engraissent doucement...
  Lorsqu'ils trouvent l'air de la savane moins étouffant, ils prennent une douche froide et ils sortent tous de la maison, en attendant la fraîcheur du soir. Malgré la chaleur éprouvante, ils sont bien plus lourds que l'air !
  Hassan, assisté par deux beaux garçons, fait quelques pas dans la terre battue... Ses pieds s’enfoncent profondément et laissent des empreintes bien marquées derrière lui. Ses compagnons le suivent, chargés comme pour une caravane. 
  Il respire l’air du soir avec délices... Cela fait si longtemps qu’il ne s’est pas régalé d’une si bonne chose, et qui ne le fera pas engraisser à vue d’œil ! De temps en temps, un de ses amis l'appelle.

— "Hassan ? Mange quelques pâtes de fruits... Ton ventre est presque vide, depuis que nous sommes partis, et tu as faim !"
— "Bois un peu de lait, Hassan. Il fait chaud... Tu dois avoir soif !"
— "Hassan ? Mange encore un beignet à la confiture..."

  Patiemment, Hassan retrouve son chemin et prend la direction de son village. Malgré la fraîcheur des premières heures du soir, le beau garçon est si obèse qu'il transpire à grosses gouttes. Il y a longtemps qu’il n’a pas fait autant de pas...
  Bientôt, le jeune homme aperçoit les premières maisons et l'entrée du village. Il interrompt sa marche, et tous les autres s'accordent un instant de repos pour s'éponger et se désaltérer. 

— "Que ceux qui savent qu'ils ont des parents ou des proches qui les attendent passent devant. Entrez dans le village, et vous reviendrez pour nous dire si nous sommes les bienvenus..."

  On approuve cette proposition. Une dizaine de jeunes hommes quittent leur groupe et se dispersent, chacun cherchant la maison de sa famille... De son côté, Hassan reprend son souffle et se considère attentivement. 
  Il est vraiment très gros et gras. Son ventre est énorme, parfaitement rond et terriblement lourd... Il doit le pousser devant lui, à chaque pas ! Hassan est si joufflu et si dodu, avec une couche de graisse si épaisse et si enveloppante sur tout le corps qu'il se trouve vraiment "rondouillard", bien bouffi... et replet à souhait ! Pourtant, il se sent prêt à soutenir les regards des gens du village, à entendre leurs moqueries et même à en sourire sans baisser les yeux quand ils le pointeront du doigt.

— "Allons ! Il est temps de rentrer, mon bon gros lourdaud..." se dit-il.

  Comme on n'entend que des cris de surprise et de joie, d'une maison à l'autre, plusieurs autres garçons se décident à prendre les devants. On les entoure, on les accueille, on les embrasse avec attendrissement... On se réjouit de les trouver si "bien portants", potelés et ventripotents. Tous les voisins les félicitent pour leur généreux embonpoint, et beaucoup de parents et d'amis se proposent déjà de "bien les nourrir" pour fêter leur retour : on leur apporte déjà de bonnes choses à boire et à manger. Ces beaux garçons, rougissant et riant mais toujours repus à bloc, sont fiers d'être aussi rondelets et bedonnants. Ils ne peuvent s'empêcher de roter bruyamment, grassement, tant on les presse et tant on les caresse...
  Bientôt, tout le village est en effervescence. Des lampes sont allumées, de fenêtre en fenêtre, d'un quartier à l'autre, et des jeunes et des vieux sortent dans la rue. Hassan entend ces rots et ces rires, avec les autres garçons qui gardent précieusement les mangeoires et les plats magiques des ogresses. 
  Tout cela déborde toujours de mangeailles, baignant dans l'huile et la sauce... Ses amis lui proposent de manger "encore un peu", et de boire de la bière pour se donner du cœur au ventre. Hassan avale une poignée de loukoums et boit à longs traits, avant de roter comme ses amis, qu'il devine entouré de l'affection et du réconfort de leurs familles.
  Après un dernier instant d'hésitation, le jeune homme tâte son ventre, respire profondément et fait quelques pas, seul, en répétant sa prière à voix basse, pour se donner du courage... Il trouve un nouvel équilibre et il s'avance prudemment.
  En entrant dans le village, le gros garçon croise d'abord quelques passants qu’il connaît — ou qu’il ne connaît pas... Il ne se souvient plus très bien. Toutes ces personnes le dévisagent et le considèrent avec un étonnement qui les fige sur place, comme il s’y attendait... Il rougit mais il est si lourdaud qu'il ne peut plus reculer. Il s'efforce de sourire et il fait encore quelques pas — lentement, lentement.
  Après un instant, cependant, les visages s’éclairent. L'interrogation fait place à l’étonnement, puis à la reconnaissance. Hassan voit s’épanouir de grands sourires autour de lui... Et l'étonnement devient un véritable émerveillement ! Il se redresse et n'hésite pas à mettre son beau ventre en évidence, en le tâtant avec douceur. En continuant d’avancer jusqu'au cœur du village, il voit bien des jeunes femmes l’observer, depuis le pas de leur porte ou depuis leur balcon, puis le suivre des yeux et lui sourire aussi. Le beau jeune homme obèse connaît bien ces sourires.

— "Patience, mes petites fiancées !" se dit Hassan en rougissant. "Je suis encore trop jeune pour me marier... Et puis, je suis si gros et si gras que vous me feriez éclater avant ma nuit de noces !"

  Il voit ses amis revenir à lui. Débordants de joie, ils le prennent dans leurs bras, avec leurs mères, leurs pères et leurs frères lorsque ceux-ci les ont suivis... On l'entoure d'attentions et de caresses.
  Tous les autres jeunes hommes le rejoignent aussi, et Hassan se sent bientôt couvert de câlineries, d'embrassades et de baisers. Quelqu'un lui fait avaler une pâtisserie. Un autre l'invite à boire encore un peu de lait. On l'encourage déjà, de tous côtés, à bien se "régaler"...
  La bouche pleine, les yeux fermés, le gros garçon reconnaît quelques mains qui lui pressent les flancs, ou qui lui tâtent la poitrine — ou qui lui donnent une claque sur les fesses !

— "Hélas ! Vous avez laissé passer votre tour, mes petites fiancées..." se dit Hassan en souriant. "Je crois avoir trouvé à quel harem j'appartiens, pour satisfaire mon cœur... et mon ventre !"

  Et tout le village l’accueille comme un héros.