(Note : Cette histoire est une adaptation, contextualisée en français, de l'histoire intitulée Twins et publiée sur le site gainerweb, au début des années 2000. Même modifiés, les noms et prénoms des personnages ne renvoient à aucune personne réelle, toute ressemblance etc. etc. etc.
Traduire, c'est bien. Adapter, c'est mieux ! ^^)
Les jumeaux
“Ô lutteurs éternels, ô frères implacables !”
Charles
BAUDELAIRE
Les Fleurs du mal - “L'Homme & la Mer”
Les Fleurs du mal - “L'Homme & la Mer”
Mon
ami Carlos avait récemment embauché un cuisinier absolument
incroyable – un jeune italien dont il était très fier. Nous nous
disputions pour savoir si Giuseppe, son nouveau chef, était un
meilleur cuisinier que moi – je suis diététicien, je prépare des
plans alimentaires pour les cantines scolaires et les hôpitaux, je
donne souvent des conseils aux patrons de restaurants, et j'écris
des livres de cuisine. J’ai une telle passion pour la bonne bouffe
que j’en ai fait mon métier.
Pour
résoudre le problème de manière amicale, nous avions organisé une
soirée avec tous nos amis. Je mis en place un immense buffet à
volonté dans mon appartement, tout en laissant le même espace pour
que Carlos dispose un second buffet, tout aussi impressionnant. Il
convenait d’inviter une quarantaine de personnes, la plupart en
couples mais avec quelques célibataires aussi. En les accueillant,
Carlos tenait à être clair sur les enjeux de la soirée :
chacun était libre de goûter toute la nourriture que son chef et
moi avions préparée, et de se resservir autant que possible. Nous
pensions compter ou peser les restes, mais – sans trop de surprise
– il ne restait pas une miette à la fin de la soirée… Dans ces
conditions, nous avons invité les gens à voter pour le buffet n°1
ou le buffet n°2. On ne leur avait pas dit qui avait cuisiné quoi,
pour rester équitables.
Au
total, il y avait vingt-quatre votes pour Giuseppe, vingt-quatre
votes pour moi, et neuf abstentions – nous n’étions guère plus
avancés…
C’était
quand même frustrant – Carlos m’avait asticoté avec la
préparation de ce buffet pendant une semaine. Nous avions organisé
tout ça chez moi et, en partageant les frais, ça nous faisait une
sacrée ardoise. Tout ça pour un match nul ? Carlos me jeta un
regard complice : nous aurions dû en faire un pari.
Il
faut dire que Carlos a beaucoup plus d’argent que moi – il
possède une chaîne de casinos, des salles de jeux et pas moins de
quatorze grands restaurants dans la région et au-delà, tous
renommés, très bien fréquentés, bref : très chers – enfin,
comme la plupart des propriétaires de casinos, il aime jouer. Je ne
voulais pas me disputer avec lui, surtout pour de l’argent, mais je
n’allais pas me laisser marcher dessus non plus. Pas évident.
– "Allez,
ton cuisinier ne doit pas être irrésistible non plus,"
j’essayai de plaisanter. "Regardez comment vous êtes maigres,
lui et toi !"
C’était
exagéré, bien sûr : Carlos est un beau mec, bien bâti et
bien musclé – tous mes amis sont des beaux mecs, bien bâtis et
bien musclés – mais juste mince, et son cuisinier n’est pas
maigrichon non plus. Il faut reconnaître, malgré tout, qu’ils
étaient tous les deux assez fins pour passer par une porte
entrebâillée.
Contre
toute attente, mon commentaire le piqua au vif.
– "Il
nous prépare de bons petits plat, mais il sait cuisiner léger,
c’est tout." protestait Carlos. "S’il le
voulait, il pourrait cuisiner des plats hypercaloriques mais
tellement délicieux qu’on se laisserait grossir à vue d’œil."
– "Ouais
ouais… Mon œil." Ça m’amusait de le taquiner, en fait.
Après tout, il m’avait bien cherché.
– "Sans
déconner. Il pourrait même faire grossir les frères Dugay !"
Nos
invités étaient encore là. Carlos s’était emporté, et ce qu’il
venait de dire aurait pu jeter un froid – mais c’est tout le
contraire qui se passa. Julien et Jérôme avaient tendu l’oreille
en entendant leur nom jeté en pleine conversation, comme au hasard.
Mais tous les invités autour de nous avaient le sourire, et la
plupart n’avaient pu s’empêcher d’éclater de rire. Lorsque la
remarque de Carlos fut répétée aux autres invités, le rire devint
général, et les frères Dugay n’étaient pas les derniers à
trouver l’idée comique : tout le monde savait que les deux
frères avaient un appétit d’ogre, mais qu’on ne s’en rendait
compte que lorsqu'ils mangeaient, tellement ils étaient minces.
Parmi
les amis que nous avions en commun, Carlos et moi, Julien et Jérôme
Dugay n’étaient pas vraiment mes préférés, mais on ne pouvait s’empêcher
d’être attirés par ces deux beaux garçons. Ils étaient jumeaux
– parfaitement interchangeables et même parfaitement inséparables
– on ne pouvait pas en inviter un sans voir l’autre pointer sa
belle gueule d’ange blond. Ils n’étaient pas très grands, mais
bien proportionnés et vraiment fins, élancés, presque trop minces…
ou plutôt non : vraiment trop minces – à mon goût, en tous
cas.
Tous
ceux qui les connaissaient savaient que l’un comme l’autre
mangeait pour deux. En bons jumeaux, ils en avaient souvent fait une
blague.
– "Vous
pouvez toujours courir !” Julien n’hésitait pas à se
moquer de Carlos et de moi. "On a un métabolisme de
sprinters."
Je
le regardai attentivement pendant une minute, lui et son frère. Le
problème avec eux, c’est qu’on pouvait toujours les inviter à
une soirée ou à un repas, comme ce soir, et ils venaient – ils
étaient toujours invités, tout simplement parce qu’ils étaient
vraiment beaux gosses – mais on pouvait toujours attendre qu’ils
nous paient un verre ou qu’ils nous invitent dans la grande maison
qu’ils avaient héritée de leurs parents, avec piscines extérieure
et intérieure, et jacuzzi, et sauna, et salle de billard, et tout et
tout… J’en avais vu des photos, quand ils avaient fait les
travaux d’aménagement, mais j’attendais toujours de les y
rejoindre – ou plutôt, je ne m’y attendais plus. Carlos non
plus, et nos amis non plus. On savait à quoi s’en tenir.
Sans
se montrer vraiment désagréables, les frères Dugay étaient
toujours distants – avec Carlos comme avec moi : rien de
personnel – au contraire, c’était comme si le fait d’être
jumeaux, ou d’avoir un jumeau, leur faisait compter pour rien le
reste de l’humanité.
– "Je
sais pas ce que Carlos en pense…" J’évitai de répondre
directement, mais je regardais Jérôme droit dans les yeux. "Si
ça ne tenait qu’à moi, tu pèserais trente kilos de plus, sans
que tu t’en rendes compte."
– "Voyez-vous
ça !" Jérôme riait de bon cœur.
– "Je
te jure, vraiment."
– "Vraiment…
J’aimerais bien voir ça!"
Et
les deux frères riaient. Pas méchamment, d’ailleurs, mais Carlos
ne riait plus.
– "Eh,
pourquoi pas ?” dit-il. "C’est loin d’être bête
comme idée, pour nous départager. Mon cuisinier peut s’occuper de
nourrir l’un des jumeaux, et tu t’occupes de nourrir l’autre."
– "Quoi,
comme ça?"
– "Je
sais pas, sur un mois peut-être… Il suffirait de les peser au
début et à la fin. Je te parie ce que tu veux que mon jumeau aura
pris plus de poids que le tien !"
C’était
bien le genre de pari à quoi je pouvais m’attendre, venant de
Carlos. Encore une fois, tout le monde éclata de rire autour de nous
– franchement, tellement c’était absurde. Mais je voyais bien
qu’il était sérieux, en fait. Et l’idée faisait son chemin
dans ma tête, aussi…
– "C’est
une excellente idée, en fait.” Je réfléchissais tout haut.
"Ils sont mieux que jumeaux, ils sont carrément identiques,
avec le même métabolisme. La seule chose qui entrera en jeu, c’est
la nourriture ou le talent de ton cuisinier contre le mien... Marché
conclu. Quel jumeau tu choisis?"
– "Bah,
j’ai pas de préférence. On peut le décider à pile ou face."
Pour
le coup, Julien et Jérôme ne riaient plus.
– "Sérieux ?
C’est nous que tu appelles Pile et Face ?"
Le
ton risquait de monter.
– "Je
choisis Julien…" dis-je très vite, pour trancher.
– "Euh,
tu m’excuses ?" rebondit Julien, avec un rire nerveux qui
trahissait son agacement. "Vous êtes sérieux, les mecs ?
Vous vous imaginez quoi, qu’on va se laisser faire ?"
– "C’est-à-dire…" Il
fallait le calmer, ou au moins calmer le jeu. "Ça fait partie
du challenge, non? Si on s’engage à vous proposer des plats
tellement appétissants, tellement succulents et tellement
irrésistibles que vous vous resservez encore et encore à chaque
repas, jour après jour, on peut s’attendre à ce que vous ayez
pris du poids, au bout d’un mois."
Je
n’étais pas trop certain de le convaincre, mais l’attitude des
deux frères avait bien changé – ce qui me rassurait le plus,
c’était la lueur de gourmandise que j’avais vu clignoter dans
leurs yeux en évoquant une avalanche de bons petits plats bien
nourrissants – et surtout, juste pour eux ! Pas besoin de
remonter bien loin dans mes souvenirs pour que je les revoie
s’empiffrer au buffet. Ils se seraient battus pour une part de flan
aux pommes caramel, s’ils avaient été seuls à devoir se partager
tout ce que nous avions cuisiné, ce soir…
– "Tout
à fait !" ajouta Carlos, qui voyait avec satisfaction que
nos deux jumeaux se laissaient tenter. "Et qu’on soit bien
d’accord : on ne vous achète pas… Les plats qu’on vous
proposera doivent être votre seule et unique tentation."
– "Je
suis d’accord." Et je le pensais.
Proposer
de l’argent à quelqu'un pour lui faire déguster mes meilleurs
plats, cette idée ne me serait jamais venue en tête – même pour
gagner un pari ! Et puis, Carlos jouait sur du velours. Il
savait bien que je n’avais pas d’argent pour gagner la complicité
de l’un ou de l’autre. Sans avoir le nez dans mes comptes, il
devait bien se douter que j’en étais encore à rembourser mon
emprunt pour l’appartement que j’occupais. Mes affaires
démarraient bien, mais bon : elles démarraient…
Giuseppe,
le chef de Carlos, ramena un peu de bon sens dans notre conversation.
– "Il
vous faut quand même leur coopération pour qu’on puisse juger des
résultats…"
– "Comment
ça ?"
– "On
doit les peser avant et après, non ?"
– "C’est
vrai, ça..." L'idée d’avoir à creuser encore dans
mon budget me donna des sueurs froides, tout d’un coup. "Combien
voudriez-vous qu’on vous paie pour être pesés en notre présence,
au début du pari et un mois plus tard?"
Les
deux frères échangèrent un regard – et je connaissais ce
regard ! S’il y a bien une chose que Julien et Jérôme aiment
par-dessus tout, après eux-mêmes et un festin proposé
gratuitement, c’est bien l’argent…
Connaissant leurs goûts de
luxe, je n’osais imaginer la somme qu’ils allaient nous demander.
Mais, à ce stade, ils étaient prêts à nous prendre au sérieux,
et ils me semblaient au moins aussi décidés que Carlos à tenter
l’expérience.
– "C’est
tout ce qu’on aura à faire ?" Jérôme demanda
timidement, un peu sur ses gardes. "Juste nous peser ?"
– "Oui."
– "On
sera pas obligés de manger, en fait."
– "Au
contraire !" renchérit Carlos, d’une voix suave pour les
tenter une fois pour toutes. "Vous serez libres de manger tout ce
qu’il vous plaira de manger. Imagine, Jérôme que mon chef te
prépare tous les plats qui te feront envie, matin, midi et soir
pendant un mois, dans la cuisine de ton restaurant préféré…"
– "Et
tu pourras venir manger chez moi, autant que tu voudras…" dis-je
à Julien, en essayant de ne pas être en reste.
– "D'accord
!" répondit Jérôme. "Ça sera mille euros pour
chaque fois que vous me ferez monter sur la balance."
Je
m'y attendais, mais je préférai fermer les yeux et respirer un
bon coup pour ne pas tomber dans les pommes. 2000 euros chacun ?
La vache…
– "Tu
y penses sérieusement ?" Julien regardait son frère du
coin de l’œil, toujours aussi complice mais un peu inquiet devant tant de décisions prises aussi brusquement.
– "Bah,
pourquoi pas ?"
– "Tu
vois bien qu’ils se foutent de nous."
Tout
le monde nous regardait. Au fait ! il fallait que je marque mon
territoire aussi.
– "Tiens
!" Je pris mon carnet de chèques, et je signai un premier
chèque de mille euros – de quoi faire hurler ma banquière, mais
je réglerais ça avec elle demain au téléphone. "Si c’est
ce qu’il te faut pour te convaincre, je veux te voir sur mon
pèse-personne, lundi matin. Tu vois, je me fous pas de toi."
Julien
regardait mon chèque comme un poisson regarde un appât bien
appétissant – sans penser une seule seconde qu’il pourrait y
avoir un hameçon accroché
derrière, bien
sûr ! Carlos, beaucoup plus sûr de lui que je n’avais tenté de
le montrer à nos invités, signa un aussi beau (et gros) chèque
pour Jérôme.
■ ■ ■
Comme
convenu, le pari devait commencer le lundi suivant. Selon notre
accord, je devais m’occuper de nourrir Julien trois fois par jour,
et Giuseppe ferait de même avec Jérôme. Mais, pour commencer, nous
devions nous réunir chez moi pour peser nos deux sujets
d’expérience.
Avec
le temps de la réflexion, Carlos estimait que nous avions payé le
prix fort pour seulement lire un chiffre sur une balance et il imposa
aux jumeaux des conditions dignes des préparatifs d’un match de
boxe professionnelle – à commencer par un point qui m’amusa
beaucoup : la pesée en maillots de lutteurs très courts et bien
moulants, avec mesures au niveau du tour de taille, entre autres…
Si
son intention était de donner une "leçon" aux deux
frères, c’était raté… Julien et Jérôme étaient fiers de
leur physique, non seulement identique à en avoir le vertige mais
sérieusement désirable. Ils étaient minces, c’est vrai, mais pas
aussi maigres que je le disais en commençant. Ils faisaient du
sport, et ça se voyait. Ils avaient assez d’argent pour ne pas
avoir à travailler, et c’était visible aussi – pour un œil
attentif, en tous cas.
Enfin,
j’étais bien placé pour savoir qu’ils ne se laissaient pas
mourir de faim ! Tout simplement, ils étaient taillés comme
des mannequins, des gravures de mode, suffisamment étoffés pour que
leurs pectoraux soient juste bien dessinés, avec de beaux bras, des
épaules rondes et larges, une taille fine et des hanches un peu
grêles mais de belles fesses bien rebondies, des cuisses et des
mollets musclés. Pour ne rien gâcher, on peut dire que leurs
maillots de lutteurs étaient remplis assez généreusement, au
niveau du slip, pour expliquer leurs succès féminins – et, si je
me laissais tenter à croire certaines rumeurs persistantes,
également masculins…
Ils
n’étaient pas loin de défiler pour nous, et ils posaient plutôt
qu’ils ne se tenaient droit, en montant sur la balance. Jérôme
portait un maillot rouge vif, et Julien un maillot bleu électrique –
comme pour bien les mettre en condition, à la limite de la
compétition sportive.
Mais
la mécanique est une chose tellement bête qu’elle ne retenait que
des chiffres, avec tout ça – des chiffres assez décevants,
puisque Jérôme pesait 78,8kg et Julien 78,6kg… Naturellement,
l’un comme l’autre mesurait 1m78 – et pas un millimètre de
moins.
Giuseppe
invita Jérôme à le suivre dans ma cuisine, où je lui avais laissé
carte blanche pour qu’il prépare ce qu’il souhaitait proposer
comme plats avec ses propres ingrédients et ses propres ustensiles.
Pour aujourd'hui, je devrais me contenter de cuisiner dans le
salon, en installant Julien confortablement dans la salle à manger.
Je
ne pouvais m’empêcher de relever le petit sourire de Carlos :
"Son" jumeau était déjà un peu plus lourd, et on pouvait
donc s’attendre à ce qu’il mange mieux – et surtout, à ce
qu’il grossisse plus que "le mien"…
– "Allez,
t’en fais pas, Julien !" dis-je pour rigoler. "Tu le
dépasseras bientôt."
– "Laisse
tomber…" Julien me répondit, l’air sombre. "On se
voit dans un mois. Je me casse."
Sur
le moment, je n’en croyais pas mes oreilles. Julien me faisait
presque la gueule – alors que, pour me mettre encore plus dans
l’angoisse, Jérôme avait suivi Carlos et Giuseppe dans la cuisine
si docilement. Ils devaient déjà être en train de l’encourager à
s’empiffrer sans retenue…
– "Mais...
pourquoi ? Je pensais que ça vous amusait, Jérôme et toi."
– "Non,
plus j’y pense et plus je trouve ça… pas net. Jérôme fait ce
qu’il veut, mais moi je me casse."
– "Attends,
sois sympa. Tu veux même pas goûter ce que j’ai préparé pour
toi ? J’ai travaillé dur, tu sais, pour que tu te régales avec ma
recette de médaillons de homard."
Je
n’avais pas oublié que Julien avait littéralement dévoré mes
fameux médaillons de homard en terrine, lors de cette soirée où le
pari avait été lancé – je dis "fameux", mais justement
: lorsque j’avais demandé leur avis à nos invités, ils se
souvenaient seulement de les avoir vus sur le buffet. Pour le goût,
aucune idée… J’en avais préparé quarante, et Julien n’en
avait pas laissé un seul pour les autres.
Visiblement,
j’avais fait le bon choix, puisqu'il ne parlait déjà plus de
"se casser". Je
jouais quand même très serré – en même temps, j’entendais des
bruits venant de la cuisine : aucun doute possible, Jérôme se
régalait de tout ce que cuisinait Giuseppe, copieusement… et moi, j’attendais toujours que
"mon" jumeau se mette à table.
– "Bon…"
Julien finit par se laisser tenter. "Je vois que t'as fait un
effort, c’est bien… Mais si tu penses que je vais prendre du
poids, tu te mets le doigt dans l’œil !"
Une
fois assis, toujours dans son maillot moulant, il commença par
manger un médaillon bien tartiné de mayonnaise – et puis un autre
– et encore un autre… Plus il mangeait, plus il se pressait pour
manger. Après le homard, je lui servis des plats de poulet bien
relevés, juste un peu épicés comme je savais qu’il les préférait
– avec un grand plat de riz. J’aurais dû acheter un plus grand
plat, tellement il dévorait.
Je
commençai à respirer.
■ ■ ■
Les
jours suivants me laissèrent une impression bizarre. Visiblement,
les deux frères tenaient à nous remettre à notre place, Carlos,
Giuseppe et moi : ils nous regardaient de haut, avec un petit sourire
narquois – Jérôme un peu moins, Julien un peu plus – comme pour
nous rappeler que notre pari était un petit jeu que l’on pouvait
gagner entre nous, mais que l’on ne pouvait que perdre contre eux
et leur fameux métabolisme de chaudière à charbon…
Pour
être honnêtes, nous nous étions montrés un peu trop confiants,
Carlos et moi, le premier jour où nous avions entrepris de nourrir
les deux frères. Après le repas de midi, j’étais émerveillé
devant l’appétit de Julien – et j’avais toutes les raisons
d’être satisfait : il avait tout mangé jusqu'à la
dernière bouchée, son ventre était visiblement rempli à souhait.
Son maillot de lutteur était gonflé comme un beau ballon bleu, au
niveau de l’estomac. Mais quelle ne devait pas être ma surprise en
voyant Jérôme sortir de ma cuisine, suivi de Carlos et Giuseppe
dont le sourire n’était modeste que parce que celui de son
employeur était triomphant ! Le beau garçon avait dû manger
sans s’arrêter pendant des heures, pour être aussi plein à bloc.
Son maillot rouge faisait encore mieux ressortir son bide comme une
tomate bien mûre…
Mais
voilà – le lendemain matin, lui et son frère se présentaient
devant nous pour leur petit-déjeuner, aussi minces et aussi élancés
que la veille.
Ils
nous posaient sans cesse des problèmes, en fait. Pour commencer,
impossible d’obtenir que l’un des jumeaux mange chez moi pendant
que l’autre mangerait ailleurs. Il fallut que Carlos intervienne
pour les convaincre. Après une semaine, je pouvais enfin vraiment
utiliser ma cuisine pour nourrir Julien tous les jours. Je n’oubliais
pas que Giuseppe disposait de moyens formidables au restaurant –
j’en avais assez profité, lorsque nous avions eu à nourrir les
deux beaux garçons sur son terrain…
De
jour en jour, une complicité nouvelle s’était établie entre
Giuseppe et moi. Loin de nous mettre en compétition, ce pari nous
obligeait à cuisiner pendant des heures et des heures, en grandes
quantités, tout en nous surpassant continuellement. Et lorsque les
frères Dugay rentraient chez eux – très tard, après un dîner
aussi nourrissant que possible – nous terminions la soirée avec un
verre de vin et un échange de conseils ou de points de vue, en bons
camarades.
Giuseppe,
qui était maintenant officiellement en couple avec Carlos,
n’approuvait pas toujours les décisions qui nous avaient conduits
à cette curieuse expérience culinaire. Mais, surtout, il
n’appréciait pas l’attitude de Julien et Jérôme, qu’il
trouvait presque méprisante.
– "Je
veux bien qu’ils sont très mignons. Mais quel âge ils ont ?
Vingt ans ?"
– "Vingt-deux
ans."
– "Ma
grand-mère disait toujours : Si tu n’es pas belle à vingt
ans, tu ne seras jamais belle… Mais ils me tapent sur les nerfs
avec leurs petits sourires satisfaits, et leurs commentaires, et leur
métabolisme."
– "Je
comprends..." Je dois dire que je partageais son opinion.
"Pourtant, tu t’en sors bien. Jérôme est moins difficile que
Julien, pour ce qui est de l’appétit."
– "Je
ne pense pas. Ils ont le même appétit."
– "Jérôme
n’est pas plus docile ? Je croyais…"
– "Ah
ah…" Giuseppe me jeta un regard amusé. "Tu as remarqué
ça, mais tu as mal compris. C’est pour nous défier qu’il se
montre aussi docile. Quand il est assis à table, il me regarde avec
l’air de dire : Vas-y, donne-moi ce que tu as de meilleur à
manger ! Encore ! Encore ! Je peux manger tout ce que
je veux, autant que je veux, et tu ne me feras pas prendre un
gramme !"
– "Tiens… Je n’y avais jamais pensé."
– "Ça
me plaît que tu aies remarqué ça, parce que je voulais te dire une
chose."
– "Oui ?"
Giuseppe
se pencha vers moi. Nous étions seuls, mais il baissa la voix.
– "On
est trop gentils avec eux. J’ai vu ce que tu préparais pour
Julien. Carlos m’avait demandé de ne cuisiner que ce que Jérôme
préfère, parmi ce que je fais de plus recherché. C’est bien,
mais on pourrait faire beaucoup mieux."
– "Comme
quoi ?"
– "Juste
mieux… Des plats encore plus appétissants, et encore plus nourrissants… et beaucoup plus gras !"
J’étais
tout oreilles…
– "Je
comprends ce que tu veux dire, mais est-ce qu’ils se laisseront
faire ?"
– "Ils
ont pris goût à nos repas. Ils n’en manquent pas un seul. A notre
tour de leur montrer qui mène le jeu. Voilà. Je voulais juste être
honnête avec toi, mais puisqu'on est partis sur ces règles du
jeu, et qu’on va les peser dans trois semaines… Clairement,
j’ai bien l’intention d’engraisser
Jérôme autant que je pourrai le faire engraisser !"
– "D'accord.
Et j’en ferai autant avec Julien !"
Giuseppe
avait raison. Les jumeaux ne manquaient jamais un repas. Ils
aimaient tellement la nourriture et l'attention qu’on leur portait
qu’ils avaient peine à contenir leur enthousiasme. Après une
semaine où ils s’étaient plutôt présentés en retard, l’air
aussi peu motivés que possible, ils avaient plusieurs minutes
d’avance dès le matin, et je voyais Julien impatient de manger,
avec des grognements de satisfaction quand je lui servais son
petit-déjeuner.
Naturellement,
Carlos essayait de deviner si nos deux
sujets
bien nourris prenaient du poids – et, surtout, lequel en prenait
plus que l'autre ! – mais il devait constater, comme moi, que
Jérôme et Julien restaient raisonnablement minces… J'en étais
malade. Comme pour nous provoquer, ils faisaient exprès de porter
des T-shirts et des shorts qui mettaient en évidence leur physique
avantageux. S'ils avaient engraissé, tout le monde l'aurait
remarqué.
Pourtant,
Giuseppe me redonnait de l'espoir : Jérôme se goinfrait de plus en
plus – Il n'y avait qu'à compter les plats à la fin d'une journée
pour s'en apercevoir. Je fis le même compte pour Julien, sans même
le laisser soupçonner que j'augmentais les quantités de tous ses
repas, de jour en jour. Avec un petit effort de mémoire, j'arrivais
à la conclusion que, comme Jérôme, Julien avalait au moins deux
fois plus de nourriture que lorsque nous avions commencé ce pari.
Il
fallait bien que toutes ces calories soient stockées quelque
part… Carlos était d'accord avec moi : sans être devenus bouffis
et replets comme nous aurions peut-être imaginé les voir devenir –
dans nos rêves les plus fous – Jérôme et Julien avaient
certainement pris du poids... et du gras. Mais cela se devinait à
peine, ou plutôt cela faisait tellement plaisir à voir qu'on
trouvait simplement que les frères Dugay n'avaient jamais paru en
aussi bonne santé. Surtout depuis la perte de leurs parents. De
bonnes joues roses et souriantes, des courbes sensuelles et
gracieuses sur les dance-floors,
de belles fesses plus rebondies que jamais – je ne me lassais pas
de les voir évoluer ainsi en dansant. Et en mangeant !
Carlos
avait mis au point une méthode pour nourrir Jérôme, mais Giuseppe
l'avait perfectionnée : il s'agissait de l'entourer d'un très grand
nombre de plats, petits et grands, et de l'encourager à se servir et
se resservir au hasard. Giuseppe rajoutait des plats partout où
Jérôme avait creusé, comme pour passer au travers de cette marée de bols et d'assiettes sur la table – et, au fur
et à mesure que le temps avançait, il lui offrait des délices
toujours plus tentantes, et toujours plus nourrissantes. Cette méthode
avait du bon : Jérôme se jetait sur tout ce qui se trouvait à sa
portée, sans bien se rendre compte des quantités qu'il avait déjà
ingurgitées. Il repartait toujours gavé à bloc…
Dès
le début, Julien s'était montré plus difficile, et j'avais dû me
montrer patient et gentil, limite subtil en quelque sorte, pour
l'amener à s'empiffrer comme son frère… Il n'aurait jamais
accepté plus d'un plat à la fois, et je ne voulais pas le mettre en
colère en lui présentant un plat trop chargé – il était plus
intéressant de lui donner envie de réclamer, puis de le resservir excessivement et de le mettre devant ses responsabilités. Après
avoir reçu "trop peu" de tel plat, il ne pouvait pas se
plaindre si je le resservais carrément "trop" – et, tout en
m'accusant de lui tendre des pièges pour qu'il se force à finir, il mangeait et mangeait encore jusqu'à la dernière bouchée.
S'il voulait jouer au
plus malin, il réclamait encore une troisième assiette – mais
j'étais plus malin que lui, et alors il devait finir et rester assis
pour le plat suivant. Je le laissais "respirer" entre les
plats, mais il était aussi impatient que son frère, dans le fond,
et il se jetait sur ce que je lui servais ensuite. Chaque repas
devenait une aventure. Il ne savait plus où donner de la tête
tant les parfums, les goûts et jusqu'aux couleurs d'une telle abondance de nourriture l'enivraient
– mais son estomac se remplissait, se remplissait, se
remplissait encore…
Ma
méthode était malheureusement plus délicate que celle de Carlos. Si je m'y prenais mal, ou si Julien montrait soudain moins d'appétit
que prévu pour tel ou tel plat, il me disait qu'il n'avait plus faim
– ou il me disait d'arrêter de le gaver – enfin il s'en allait.
De toute évidence, dans les premiers temps, Julien se goinfrait
moins que Jérôme.
Au
moins, ces difficultés m'encourageaient à vraiment piquer son
appétit, à le provoquer de manière calculée – de manière
sensuelle aussi… J'en arrivais à composer un repas comme une
symphonie, avec des combinaisons de toutes sortes pour le rendre
littéralement esclave de ses papilles… Et, de toute évidence,
Julien était un excellent sujet de recherches. Je ne pensais pas me
tromper en comptant les plats : il y en avait bien trois fois plus
qu'au départ. Julien mangeait déjà mieux que Jérôme !
Un
autre signe ne trompait pas. Les deux frères disposaient toujours de
toute leur journée mais les premiers petits-déjeuners duraient une
demi-heure, avec une heure pour le déjeuner, puis une heure ou une
heure et demie pour le dîner. Nous avions observé ces durées
lorsque Julien et Jérôme mangeaient ensemble.
Après
deux semaines, Jérôme restait une heure avec Giuseppe pour son
petit-déjeuner, ses repas de midi duraient une heure et demie, et
ses repas du soir duraient facilement deux heures. De son côté,
Julien ne restait qu'une demi-heure au petit-déjeuner – il se
levait souvent tard, et il était souvent pressé – mais il restait
deux heures avec moi pour son repas de midi, et au moins trois heures
pour son repas du soir. Il ne repartait pas tant que son ventre
n'était pas rempli à en éclater.
– "Oh
non… Par pitié, non…" me dit Julien en gémissant, un soir.
"Pas des burritos !"
Cela
faisait maintenant seize jours que nous avions trouvé notre rythme
de croisière. Je l'avais rôdé à la perfection. A ce stade du
dîner, Julien avait déjà mangé pendant au moins deux heures. Mais
je venais de lui présenter mes fameux burritos – un de ses plats
préférés, surtout frits en mode chimichanga. Il faut croire que je
tenais à le récompenser, maintenant qu'il se montrait mieux disposé
envers moi et mes bons petits plats… bien nourrissants.
– "Je
sais ce qu’il te faut, je l’ai lu dans tes yeux. Tu en avais
envie, tu vas te régaler !"
– "Arrrgh,
espèce de sadique…" Julien protestait faiblement en caressant
son estomac dangereusement rebondi, et en rajustant son short plus que moulant, indéniablement serré autour de la taille et même autour des hanches.
– "Tu
dois être trop mal là-dedans…" Je lui donnai une bonne tape
sur les cuisses. "Pourquoi tu déboutonnes pas ton short ?"
– "T'as
raison, je ferais aussi bien… Oooof…" Suivant mon conseil –
et à ma grande satisfaction – il ouvrit le bouton de son short, et
son ventre fit le reste pour que sa braguette descende jusqu'en
bas. "C'est juste que ça met un sacré coup à mon
métabolisme."
Il
me lança un beau sourire, toujours fier et provoquant, mais aussitôt
après il se mettait à s'empiffrer avec un burrito bien gras dans
chaque main.
– "Quel
est le problème avec ton métabolisme?"
– "Euh… Hmmmph… Ben, je sais pas. Je pensais…"
– "Sérieusement,
tu pensais que tu pouvais manger tout ça et ne pas prendre au moins
un peu de poids?"
– "Sérieusement,
ouais…" Au moins, Julien ne se dégonflait pas. Mais son
ventre non plus. "Tu vas trouver ça con, mais j'ai essayé de
mettre un corset, avant-hier, pour avoir l'air presque aussi mince qu'avant.
Hmmmph… J'ai trop détesté, j’ai laissé tomber tout de suite.
Hmmmph… Je pouvais pas respirer…"
– "Un
corset ? Mais ça se voit."
– "Pas
sous le T-shirt. Jérôme en a porté un pendant trois jours, mais il
étouffait. Alors il me l'a passé. J'ai pas tenu cinq minutes.
Hmmmph…"
– "Ah
ouais…"
La
conversation de Julien m'amusait – sauf pour ce dernier détail : est-ce
que Jérôme était déjà beaucoup plus potelé que son frère ?
– "Vous
allez toujours courir, le matin ?"
– "Au
début, on faisait exprès de rester un quart d'heure de plus, en y
allant à fond. La semaine dernière, on a un peu réduit le rythme.
Hmmmph… Je passe trop de temps avec toi…"
Il
attaquait déjà sa quatrième assiette de burritos, à belles dents.
– "Et
la piscine ?"
– "Bah…
on nage."
– "Sans
sortir de chez vous..."
– "Puisqu'on
a tout ce qu'on veut sous la main... Hmmm hmmmph, ils sont trop bons,
tes burritos."
– "Enfin,
vous faites toujours du sport."
Julien
fit une pause – tant qu'à consacrer un moment pour se montrer
honnête envers moi, il voulait peut-être en profiter pleinement, là
encore, pour s'ôter un poids de sur le cœur.
– "Tu
sais, après un repas comme ça, on passe surtout un bon moment à
digérer…"
– "Oui,
je me rends bien compte."
– "Tu
te rends compte de que dalle !" Julien protestait déjà – il
avait dû retrouver un second souffle. "Quand je rentre à pied
jusqu'à chez moi, faut que je m'arrête deux fois pour m'asseoir sur
un banc. On aurait dû prévoir que tu me payes le taxi, tiens !"
– "Quoi,
c'est pas si loin jusqu'à chez toi."
– "Ouais,
en bagnole. Si je veux le faire en mode marathon, je souffle comme un
phoque."
En
attendant, ça ne l'empêchait pas de se goinfrer comme un porc…
– "Écoute,
c'est le jeu. On s'est mis d'accord pour continuer comme ça pendant
encore deux semaines."
– "Moi,
j'en peux plus. Tes chimichangas m'ont carrément achevé…"
– "Dis
pas ça… Devine ce que je t'ai préparé pour la suite."
– "Quoi,
y a une suite ? Mais tu veux ma mort !"
– "Allez,
devine. On reste au Mexique…"
– "Putain,
j'y crois pas…" Il y avait un vrai feu d’artifice dans ses
beaux yeux bleus. "Me dis pas que t'as fait des enchiladas…"
– "Je
t'ai préparé MES enchiladas. Et tu vas t'en régaler de la première
à la dernière bouchée !"
Julien
pouvait encore protester ou se frotter le ventre autant qu'il voulait
– quand je posai le plat sur la table, il avait déjà capitulé.
– "T'es
un vrai bourreau, ça devrait pas être légal de cuisiner aussi
bien…"
– "Allez,
un petit effort, je te fais manger les premiers. Ta mission à toi,
c'est de tout bien avaler."
– "Tu
me feras manger les autres aussi, je suis à bout de force…"
– "Comme
tu préfères, mais faudra TOUS les manger, alors !"
– "Arrrgh,
tu vas me faire éclater…"
Après
trois assiettes d'enchiladas richement remplis, avec des œufs au
plat, du fromage fondu, des haricots rouges et beaucoup de riz, Julien se remit
à gémir – mais sur le mode du pur délice.
– "J'en
peux plus… Hmmmph… C'est trop bon."
– "Il
y en a plein d'autres. Et plein de haricots encore. Rien que pour
toi. Profites-en."
– "T'as
raison, ressers-moi… Hmmmph hmmmph…"
– "Allez,
allez ! Encore une bouchée ! Et puis, t'en fais pas pour ton
métabolisme..."
– "Oh,
mon métabolisme… Hmmmph… ça va. C’est juste que je me sens
super lourd."
– "Maintenant ?
C’est normal, non ?"
– "Pas
juste maintenant… Hmmmph… Même quand je me lève, le matin…"
– "C'est
quoi, le problème ? Le fait que tu prends du poids ?"
Je
ne m'attendais pas à le voir hésiter sur cette question.
– "Non,
le poids c'est juste un chiffre… Hmmmph hmmmph… Encore !"
– "Qu'est-ce
qui te dérange alors, dans tout ça ?" Comme il me laissait le
gaver, je pouvais me permettre de le taquiner un peu, en lui pressant
doucement le ventre. "Que tu engraisses ?"
– "Non,
ça me dérange pas de grossir."
– "ça
te dérange pas de grossir…"
Depuis
quelques temps, je dois avouer que Julien me paraissait de plus en
plus irrésistiblement séduisant – mais après un aveu pareil,
j’avais du mal à me tenir juste assis à côté de lui. Je devrais
peut-être déboutonner mon jean, aussi…
– "Euh… Hmmmph… Comment te dire ? C'est plutôt toutes ces remarques à la
con que tu entends à propos de ça. Comment les autres vont me
tanner le cuir, dès qu'ils vont vraiment voir que j'ai grossi."
– "Oui,
bah… et alors ? Tu les envoies se faire foutre."
– "Non,
ça marche pas comme ça."
– "Et
comme ça ?" Je lui fourrai directement la bouffe dans la
bouche. "Hein ? Y a rien de plus simple. T'as qu'à leur
dire que tu le fais exprès."
– "Quoi,
que je fais exprès de bouffer ?"
– "Mieux
: que tu fais exprès de grossir."
– "T'es
un grand malade, toi."
– "Mais
non, écoute-moi…" Et je continuais à le nourrir sans qu'il
oppose la moindre résistance. "Si les gens voient que t’as
grossi, juste parce que tu t'es laissé aller, comme ils diront,
ils se sentiront plus malins que toi et ils te traiteront comme une
merde. Mais si tu leur dis que c'est exactement ce que tu souhaites,
et si en plus tu ajoutes que c'est pas évident et que c'est pas
donné à tout le monde d'y arriver, tu vas voir qu'ils sauront pas
quoi te répondre."
– "Ils
auront rien à me répondre! Ils diront juste que je suis cinglé.
Pourquoi je voudrais grossir exprès ?"
– "Je
sais pas. On peut trouver tout un tas de raisons. Penses-y un peu, tu
trouveras certainement une idée qui te plaira et qui laissera tout
le monde cloué sur place. Au fait, tu as une idée du poids que tu
as pris jusqu'ici ?"
– "Quoi,
tu veux me peser maintenant ? C'est toi qui vois, mais ça coûte
mille euros."
– "Ah
ouais. Excuse, j'avais oublié. Mais bon, je peux bien attendre la
fin du mois."
– "Voilà… Attends, me dis pas que j'ai fini les enchiladas !"
– "Tu
as l'air déçu."
– "Non,
c'est pas ça, mais… euh… t'en as pas d'autres ?"
Je
lui apportai le second plat d’enchiladas – carrément débordant de
poulet, de sauce et de poivrons.
– "Tu
as bon appétit ce soir !"
– "Je
m'en rends bien compte!" Je n'avais jamais vu Julien aussi
content de lui-même. "C'est peut-être parce que je respire
mieux…"
– "Certainement…"
Après
avoir fini les enchiladas que j’avais préparés avec plus de
fromage, plus d’œufs, plus de haricots et plus de sauce, sans
compter le kilo de riz bien relevé, Julien ne put s'empêcher de
lâcher un énorme rot.
– "BUUUUUUUUURRRRRRRRRRRP
!"
– "Eh
ben ! Faudra que je t'en fasse plus souvent, des enchiladas…"
– "Sadique…"
gémit Julien en souriant. "Mon bide va éclater…"
– "Mais
non, tu viens de faire un peu de place !"
– "J'espère
qu'on passe aux desserts, alors !…"
■ ■ ■
Deux
jours plus tard, Jérôme et Julien nous envoyèrent un message
inattendu : Si nous voulions les nourrir comme prévu, ce serait chez
eux et pas ailleurs. Ni Carlos ni moi n'avions jamais été invités chez eux… C'était vraiment une maison magnifique, dans une propriété privée
avec gardien. En suivant ses instructions, je retrouvais Julien dans
une grande salle à manger. La cuisine était tout à côté. Mais ça
ne devait pas être la seule, puisque Carlos et Giuseppe étaient
partis ailleurs pour s'occuper de Jérôme…
Même
dans ce nouvel environnement, je servis un magnifique petit-déjeuner
complet à mon jumeau de compétition. Julien avait remis son short –
vraiment par défi, vu comment ses cuisses s'étaient renforcées.
À la fin du repas de midi, malgré tous ses efforts, il ne pouvait plus
tenir.
– "Ooooof…"
soupira-t-il, en se déboutonnant complètement. "Je vais
devoir investir dans de nouvelles fringues."
Julien
s'éclipsa pendant que je cuisinais. Au moment de servir le dîner,
je le vis revenir en maillot de bain moulant – naturellement –
avec une robe de chambre en éponge. Il avait au moins digéré au
bord de la piscine. Et il devait avoir bien digéré.
Je
ne m'attendais pas à ce qu'il soit suivi par son frère, en revanche
– dans la même tenue. Comme toujours, les deux frères jumeaux
faisaient pratiquement la même chose, presque au même endroit et
autant que possible en même temps !
Je
tâchais de ne pas trop regarder ce que pouvait me révéler la
robe de chambre de Jérôme, qui devait avoir passé plus de temps au
sauna, tant il était rouge et trempé. Mais, ne serait-ce qu'au
niveau du visage, il était évident que le beau garçon était plus
joufflu – comme son frère – un peu plus que lui, peut-être –
ou un peu moins ?
J'étais
encore en cuisine, et ma présence ne devrait pas les déranger. Ou
plutôt, ils n'avaient pas idée que je me trouvais dans la pièce à
côté. Je n’étais pas en train de faire tourner un mixeur ou un
robot. Seuls l'un avec l'autre, ou se croyant seuls, mes deux jumeaux
se laissaient complètement aller.
– "Eh
ben, c'est quoi, ça ? Tu prends du bide, mon gros…" Jérôme
vint tâter le ventre de son frère.
– "C'est
rien, je suis encore plein avec mon repas de midi… J'ai trop
bouffé, aujourd'hui !"
– "Moi
aussi… Enfin, quand même ! Ton estomac est certainement plein comme le mien, mais comment il est bien enrobé !”
– "Bah toi
aussi ! Tâte-moi ce ventre. On aurait moins de rembourrage sur un
ours en peluche."
– "C'est vrai, je me suis étoffé. Mais j'ai grandi aussi."
– "Ah bon ?"
– "Je suis aller vérifier, ce matin. J'ai pris deux centimètres, je suis à 1m80. Tu vas voir, tu feras petit et maigrichon à côté de moi, bientôt !"
– "C'est curieux, mais je te trouve pas plus grand. Juste plus gros."
– "Attends, tiens-toi droit devant moi… C'est drôle, tu aurais pas grandi aussi?"
– "Faudra que je vérifie. C'est possible aussi, avec tout ce que je bouffe…"
– "Allez,
sois honnête. T'as grossi !"
– "C'est
clair, j'ai dû prendre quelques kilos…"
Julien et Jérôme
n'avaient pas de secrets l'un pour l'autre.
– "Toi aussi, non ?"
– "M'en
parle pas ! J'en peux plus, j'éclate… Giuseppe est trop fort pour moi, il me
gave comme une oie !"
Tels
que je les voyais maintenant, discrètement, il me semblait que
Jérôme se montrait un peu moins vorace que Julien, mais je pouvais me
tromper : il mangeait remarquablement bien !
■ ■ ■
Vers
la fin de la troisième semaine de notre pari – qui ressemblait de
plus en plus à une semaine de gavage intensif, pour ne pas dire
industriel – on pouvait voir que nos sujets d’expérience
s’étaient bien alourdis. En y regardant un peu plus
attentivement, lorsque les deux jumeaux se tenaient l’un à côté
de l’autre, on pouvait même deviner que Julien s’était empâté
un peu plus généreusement que son frère.
Carlos
s’en était bien aperçu – et les méthodes qu’il entendait
pratiquer sur Jérôme ne devaient pas me rassurer. Giuseppe me
disait, de temps en temps, sur un ton mi-sérieux mi-moqueur, que le
beau gros garçon s’en sortirait "sain et sauf", juste un
peu plus gras que ne l’aurait recommandé un médecin – quant à
moi, je continuais à nourrir Julien selon ma méthode. J’ajoutais
plus de beurre dans les plats, dans les sauces, je tâchais
d’enrichir mes recettes tout en leur conservant leurs saveurs.
Il
fallait que Julien conserve l’avantage sur son frère, et j’étais
bien décidé à le maintenir en léger surpoids par rapport à
Jérôme, qui s’empiffrait dans une autre aile de la maison
familiale. Les repas duraient des heures. A la fin d’une journée,
Giuseppe et moi tombions écrasés de fatigue. Nous avions fini par
occuper des chambres d’amis.
Enfin, c’était presque devenu un concours
pour déterminer lequel des deux frères pousserait les rots les plus
sonores et les plus résonnants, d’une aile à l’autre de la
grande maison…
■ ■ ■
Un
samedi soir, à une soirée où nous avions tous été invités,
j’entendis une fille qui draguait Jérôme.
– "Wow
! On voudrait plus jamais sortir s’éclater en boîte sans ton
frère et toi !"
Dans
la même soirée, un beau mec que je connaissais bien l’avait
rejoint sur la piste de danse, et le draguait à son tour.
– "C’est
drôle, depuis le temps qu’on se connaît, je t’avais jamais vu
aussi bien danser. C’est un régal pour les yeux…"
Jérôme
laissait dire les uns et les autres. Il était habitué à ce genre de compliments, mais il y avait quelque chose de plus dans ces petites
phrases d’accroche – quelque chose de sincère, d’enthousiaste,
même de plus sensuel qu’avant. Et il y avait quelque chose de
nouveau avec Jérôme : il disait merci, et il répondait gentiment, et il retournait même le compliment. On n'en revenait pas. Tout le monde dans la salle où
nous étions n’avait d’yeux que pour Julien et lui.
– "Sérieux…" demandait
une fille un peu bourrée à Jérôme, qui venait de finir un petit
numéro de danse en duo avec Julien, en plein milieu de la piste et
pour le ravissement de tous. "C’est quoi, votre secret ?"
– "Je sais pas..." répondit Jérôme en rougissant de manière
absolument irrésistible. "C’est peut-être parce qu’on se
sent bien comme on est."
– "Et
qu’on mange enfin à notre faim !" ajouta Julien en
riant, avant de repartir vers de nouvelles aventures bras-dessus
bras-dessous avec son frère.
On
pouvait le prendre comme une blague, mais c’était vrai… On
n’avait jamais vu les frères Dugay dans de meilleures
dispositions. Quant à moi, j’en étais venu à les aimer presque
autant que je les désirais. Ils étaient toujours aussi beaux
gosses, mais avec ce petit quelque chose en plus qui les rendait
sympathiques, agréables, faciles à vivre.
En
fait, plus ils devenaient dodus, et plus ils devenaient sexy – à
tel point que personne n’avait encore fait de commentaires
désobligeants, comme Julien le craignait.
Au
cours d’une autre soirée, je me retrouvai un peu perdu en
back-room, dans le noir. Sur mon chemin, je trouvai Julien et
mon instinct fit le reste. Je le plaquai contre un mur et je
l’embrassai avec toute la sensualité que ce moment méritait. Il
se laissa faire. Ça ne semblait pas lui déplaire, mais lorsqu'il
rouvrit les yeux, ce fut pour détourner le regard et me dire, sur un
ton presque choqué
– "Sois
pas ridicule..."
– "Qu’est-ce
qui est ridicule ?"
– "Ben...
Euh... On se connaît depuis un bail, et maintenant… Tu vois ?"
Il
se faufila aussi vite que sa belle bedaine le laissait libre de
passer entre le mur et moi. L’air de rien, il était toujours agile
comme une anguille. J’en restai cloué sur place. Je ne passai pas
une nuit blanche pour autant, et il ne devait pas m’en vouloir non
plus – puisque je le retrouvais dans son salon, pour le
petit-déjeuner. J’étais bien décidé à le servir aussi
copieusement que possible, et son appétit dépassait encore toutes
mes attentes…
Mais
les meilleures choses ont une fin. J’étais d’accord avec
Giuseppe pour dire que c’était déjà bien que de telles
"meilleures choses" aient un commencement, à un moment dans la vie, mais nous étions au bord de l’épuisement complet, lui et moi.
Enfin, c’était le jour de la pesée – après un mois qui avait
passé trop vite, à mon goût. Carlos attendait que les frères nous
rejoignent dans leur salle de sport.
– "Alors,
lequel des deux aura grossi le plus ?”
– "Je
sais vraiment pas…" Carlos ne s’avouait jamais vaincu.
"Tu avais pris un peu d’avance, il y a dix jours, mais Jérôme
a montré un bel appétit, ces derniers temps. On sera peut-être
surpris."
En
fait, nos deux sujets avaient commencé à porter des vêtements plus
amples, depuis une bonne semaine : des jeans taille basse et
plus baggy, des T-shirts larges avec des plis et des doublures,
enfin tout ce qui pouvait donner le change sur la corpulence réelle
de l’un ou de l’autre. Mais, en leur faisant porter les mêmes
maillots de lutteurs que lors de leur première pesée, Carlos avait
trouvé le moyen idéal de se venger. Sans surprise, ils avaient
grossi. Et, sans surprise, mon jumeau avait plus grossi que celui de
Carlos.
Jérôme
était visiblement serré dans son maillot, et un beau petit ventre
rond tendait le tissu avec des poignées d’amour qui promettaient
de devenir bien dodues si on les laissait faire. Il était bien
portant et un peu plus épais par tout le corps, avec un petit
changement dans sa démarche aussi, que je trouvais sensuelle à se
damner…
Mais
Julien, c’était autre chose – son maillot devait lui faire mal
tellement le tissu avait l’air tendu à en éclater autour de sa taille.
Le petit ventre que portait son frère ne pourrait que ressembler à
celui-ci, pourvu qu’on le nourrisse avec soin pour le faire
grossir encore un peu. Ses poignées d’amour étaient déjà un peu
plus prononcées. Tout son corps était magnifiquement bien en chair,
solide et juste comme un fruit un peu plus mûr, un peu plus
savoureux que celui de Jérôme. Je ne pouvais pas détacher mes yeux
de son bide rond et moulé à souhait, en fait.
– "Euh…
Tu es toujours avec nous ?"
J’étais
tellement émerveillé par cette vision de la bedaine de Julien en maillot bleu
devant moi que j’en avais perdu la notion du temps – de l’espace
– de la mesure – de l’équilibre…
Les
deux frères éclatèrent de rire.
– "Bon
! C’est pas tout ça. Lequel monte sur la balance en premier ?"
– "C’est
vraiment nécessaire ?" Je trouvais la différence de volume assez
significative, entre nos deux lutteurs. "Il me semble que j'ai gagné, non ?"
– "Minute, minute ! J’ai
payé mille euros pour avoir le droit de peser Jérôme," trancha
Carlos. "Pour ce prix-là, il va me faire le plaisir de
monter sur le pèse-personne et de me laisser mesurer son tour de
taille et tout ce qu’on jugera utile de vérifier comme progrès."
Jérôme
ne demandait pas mieux. Au fond, il n’était pas si docile que
Carlos jouait à le faire croire, mais il était d’accord pour
jouer selon les règles. Docilement, donc, il monta sur la balance
avec une petite hésitation pour se tenir droit. Son poids s’afficha
enfin : 93,6kg.
– "Ça
nous fait quatorze kilos et huit-cent grammes..." compta
Giuseppe. "Sur un mois, c’est pas mal."
C’était
même assez impressionnant, mais je réservais mon avis pour plus
tard. C’était le tour de Julien, et mon cœur battait fort en le
voyant monter sur la balance – un peu maladroitement, et avec un
sourire qui me faisait fondre...
– "Wow...
95,8 kilos !" J’en restais suffoqué, mais je repris mes
esprits. "Plus de dix-sept kilos ! J’en reviens pas mais j’ai
gagné !"
Carlos,
magnanime, reconnut ma victoire. Giuseppe me serra chaleureusement la
main, pendant que son partenaire signait les chèques qui nous
revenaient, à Jérôme, à Julien et à moi.
– "Quel
goinfre ! Tu t’es empiffré comme un porc !" Jérôme
embrassait son frère en le tâtant à pleines mains, rougissant
d’avoir perdu, ou simplement dans l’excitation du moment.
– "Tu
peux parler ! Tu t’es laissé gaver comme un canard gras !"
– "Oui,
j’avoue…" Jérôme soupira en tâtant son petit
ventre bien rebondi. "Je sais pas pour vous, mais moi je
suis content qu’on en ait fini avec tout ça… Mon copain
commençait à se plaindre, j’en avais trop marre. Il n’en
finissait plus."
– "Comment
ça !" sursauta Carlos. "T’as un copain ?"
– "Ben… ouais."
– "Depuis
quand ?"
– "Depuis
deux semaines. On sortait déjà ensemble, juste comme ça, mais c’est
devenu plus sérieux."
– "Tu
le savais ?" Je posais la question à Julien, mais tous les
regards étaient posés sur lui.
– "Oui,
bien sûr… En fait, je m’en doutais déjà depuis deux ou trois
jours quand Jérôme me l’a dit. Ça fait bien une semaine,
maintenant."
– "Mais
tu n’as pas de copain, toi." Comme souvent, dans le feu de
l’action, Carlos ne s’apercevait pas que sa manière
de poser les questions était un peu abrupte.
Julien
était visiblement mal à l’aise. Pendant un dixième de seconde,
il me sembla qu’il me regardait avec un mélange de sentiments qui
ressemblait à des regrets autant qu’à une sorte de supplication.
– "Ben...
non."
– "Pas
de copine non plus."
– "Non
plus... J’avais une copine, mais on avait déjà cassé quand on a
commencé tout ça. Je voulais plus trop y penser."
– "C’est
bien ce que je pensais. C’est pas juste !" Carlos semblait
prêt à déchirer les chèques qu’il tenait en main. "Mon
jumeau a subi des pressions extérieures qui l’ont empêché de se
goinfrer pleinement, lorsque le tien avait à se remettre d’une
rupture, ce qui l’a encouragé à s’empiffrer !"
– "Tu
y vas fort…" Giuseppe tentait de le retenir.
– "Je
pense pas que ça aurait fait une telle différence." Jérôme,
reconnaissant, essayait de défendre Giuseppe. "J’ai vraiment
trop bien mangé avec vous. Je peux même dire que je n’ai jamais
aussi bien mangé."
– "D'accord,
mais comment peut-on être sûrs que tu n’aurais pas mangé encore
mieux si ton copain ne t’avait pas mis la pression ? Pour moi, tout
le pari est annulé."
– "Attends un peu !" Je protestais. "On a jamais rien dit sur le
fait d’avoir une copine, ou un copain, ou le fait de sortir en
boîte et d’avoir tous les types de relations qu’ils voulaient.
On a fait une expérience parce qu’ils sont jumeaux, mais c’est
pas des rats de laboratoire. On va pas les mettre en cage pour les
gaver. Et puis quoi, sois beau joueur. On parle quand même de trois
bons kilos de différence. Le fait d’être en couple ou pas ne
pourrait pas changer tout ça."
Carlos
pouvait se montrer raisonnable, mais il n’était vraiment pas du
genre à perdre s’il pouvait trouver un moyen de contester une
défaite – ou de la changer en victoire.
– "Bon.
J’ai une idée qui pourrait nous mettre tous d’accord."
– "D’accord.
C’est quoi ?"
– "C’est
tellement simple, on aurait dû y penser dès le début… Mais je
serai beau joueur. Quitte ou double. On échange les jumeaux et on
repart sur un mois, toi avec Jérôme et moi avec Julien."
Je
n’arrivais pas à le croire – et pourtant, c’était bien une
idée comme seul Carlos pouvait en avoir : une idée de
joueur de casino. Pour ne rien arranger, avant même que j’aie pu
répondre, la réaction des deux frères devait me surprendre encore
plus.
– "Oh
oui !" L’un comme l’autre avait bondi de joie en
entendant la proposition de Carlos. Et maintenant, ils se tournaient
vers moi en répétant et en me suppliant, "S’teu plaît,
st’eu plaît, s’teu plaît…"
– "Mais, enfin… Je croyais que tu étais soulagé que ça soit
fini…"
J’essayais d’en appeler à leur bon sens, en me tournant vers Jérôme.
J’essayais d’en appeler à leur bon sens, en me tournant vers Jérôme.
– "C’est
ce que je me répétais, en essayant de me convaincre que c’était
mieux pour moi, mais vraiment j’ai passé un mois de rêve
avec Carlos et Giuseppe. J’ai adoré tous les bons petits plats
qu’il m’a préparé !"
– "Moi
aussi ! J’ai adoré tous les bons petits plats dont tu m’as
régalé !" ajouta Julien, en se donnant une bonne
tape sur le bide pour être encore plus explicite. "Mais bon, je
pense que tu le savais déjà… En même temps, je suis vraiment
curieux de mieux connaître la cuisine de Giuseppe. Jérôme m’en a
dit tellement de bien, pendant tout le mois qu’on vient de vivre."
– "Mais
tu vas encore engraisser !"
Je me trouvais à court
d’arguments.
– "Quoi,
tu as déjà oublié ?" Jérôme me fit un clin d’œil.
"On a un métabolisme de panthères. Quand vous aurez fini de
nous gaver, on se remettra au sport et on reviendra sans problème à
notre poids de forme."
– "Oh,
et puis même… Si je reste dodu, je m’en fiche !"
ajouta Julien. "Qu’est-ce que ça peut faire de grossir ou
maigrir quand on peut manger comme on a mangé avec vous, tous les
jours ?"
– "Je
croyais que ça te posait problème. Enfin, quand tes copains te
feraient un commentaire…"
– "Oh,
ils ont pas attendu ! Mais j’ai suivi ton conseil. Ça marche
encore mieux que j’aurais cru. Tu devrais voir leurs têtes !"
– "D'accord...
mais enfin, Jérôme, ton copain va dire quoi ? Je croyais qu’il
n’aimait pas ça, que tu prennes du bide."
– "Bah,
maintenant c’est son problème !"
Je
haussai les épaules. Carlos semblait décidé. Giuseppe me répondit
silencieusement par un regard de sympathie qui semblait vouloir dire
"Qu’est-ce qu’on peut y faire ?" Évidemment,
l’enthousiasme de Julien et de Jérôme n’admettait ni questions
ni commentaires.
– "D'accord.
On repart pour un mois."
■ ■ ■
Dès
le lendemain, nous étions installés chez les jumeaux Dugay – dans
de meilleures conditions, cette fois-ci. Nous étions invités pour
de bon, Carlos faisait livrer les viandes, les poissons et les
ingrédients pour nourrir nos sujets d’expérience – plus
impatients que jamais – Giuseppe, lui et moi disposions d’une
chambre avec toutes nos affaires. C’était autrement confortable.
En
passant pour m’emprunter certains épices – enfin, c'est ce qu'il
prétendait – Carlos s’étonna en ne voyant qu’un immense plat
de gratin de pâtes aux légumes rissolés devant Jérôme, qui se
goinfrait presque avec insolence.
– "Tu
le laisses te nourrir avec un seul plat à la fois ?"
– "Il
dit que c’est sa méthode." répondit Jérôme calmement,
la bouche pleine. "Et je suis toujours bien docile. Je le laisse
faire..."
Carlos
avait quelque motif de se plaindre. Julien était un peu décontenancé
devant l’abondance presque agressive de nourriture qui l’attendait,
au moment de passer à table. Il se fatiguait vite. La plupart des
plats qu’il mangeait dès le début étaient probablement trop gras
pour qu’il montre encore de l’appétit après deux heures passées
à se remplir l’estomac. Ils n’avaient pas encore mon coup de
main pour déterminer ce qui le tenterait au point de briser sa
résistance. Après quelques jours, cependant, Giuseppe lui proposa
des plats qui lui convenaient davantage, et le bon gros garçon
commença enfin à s’empiffrer sérieusement, et en grandes
quantités.
Les
deux frères jumeaux passaient beaucoup de temps à manger, mais ils
passaient toujours leurs soirées ensemble – probablement à
discuter des mérites comparés de leurs cuisiniers attentionnés...
■ ■ ■
Dans mes souvenirs,
le deuxième mois consacré à leur gavage passa encore plus vite que
le premier. Carlos ne pouvait guère réprimer un mouvement de
mauvaise humeur, en voyant les deux beaux garçons dodus qui
descendaient l’escalier pour nous rejoindre dans la salle de sport.
Inutile d’ajouter qu’ils n’y avaient pas mis les pieds depuis
un bon mois, au moins. La balance les y attendait avec moins
d’impatience que nous.
Curieusement – si l’on peut dire – Julien et Jérôme étaient presque
identiques, à nouveau. Leurs ventres étaient pratiquement aussi
ronds, gros et gras pour l’un et pour l’autre. Leurs poignées
d’amour étaient bien épaisses, leurs fesses charnues et rebondies
à la perfection, leurs cuisses bien en chair...
– "Nouveaux
maillots ?" Je leur fis observer, non sans malice.
– "On
aurait vraiment pas pu mettre les autres, même si vous nous payez
pour ça !" Julien me sourit.
Avec
un petit soupir, il monta sur la balance. Giuseppe lut :
110,4kg.
– "Quatorze
kilos et six-cent grammes…" soupira Carlos, "C’est mieux,
mais je me demande si ça sera suffisant."
– "Je
pense que ça devient plus dur d’engraisser, quand on est déjà
bien gras…" Julien essayait de le consoler.
Il
n’avait pas vraiment besoin de se justifier : tout le monde était
d’accord pour reconnaître qu’il avait mangé avec le plus bel
appétit possible. A 110 kilos, il faisait vraiment plus envie que
pitié…
C’était
le tour de Jérôme. Il me sembla qu’il avait un peu de mal à
trouver son équilibre. Je pris mon courage à deux mains pour lire
son poids : 112,2kg.
– "Wouah,
la vache !" s’exclama-t-il lui-même. "Carrément dix-huit kilos
en un mois ? Je pensais vraiment pas avoir grossi autant…"
Carlos
reconnut sa défaite avec élégance – et un chèque aussi généreux, comme
convenu. Giuseppe me serra la main, encore une fois. Nous étions
vraiment fatigués, tous les deux.
– "Vous
êtes sûrs que vous ne voulez pas remettre ça et nous échanger
encore pour un mois ?" suggéra Julien, timidement.
"Giuseppe a fait de tels progrès avec moi, ces derniers jours,
je suis sûr que je pourrais dépasser Jérôme."
– "On
a joué, on a perdu. Game over." Carlos ne voulait plus
en entendre parler. "Tu veux juste que Giuseppe te nourrisse
encore à mes frais pendant un mois."
– "L’un
ou l’autre. N’importe. S’il vous plaît..."
Julien
n’était pas seul à se plaindre. Même Jérôme, qui était
pourtant gras à souhait, nous suppliait encore de reprendre notre
petit jeu avec eux – ne serait-ce qu’une semaine de plus...
Mais
il n’en était plus question.
■ ■ ■
J’aurais
dû le voir venir, mais je fus surpris quand même. Une semaine à
peine après la fin de leur gavage, Jérôme et Julien retrouvèrent
leurs mauvaises manières, leurs caractères distants et presque
insulaires – toujours l’un avec l’autre, contre le reste du
monde.
Ce
à quoi je ne m’attendais vraiment pas, c’était la menace de
procès qui suivit, encore un ou deux jours après.
– "Eh
ben..." Mon avocat commis d’office tournait et retournait
le dossier dans tous les sens, sans lui en trouver un seul qui
pourrait être le bon. "Si j’y comprends quelque chose, vous
êtes accusé de manipulation, violation de domicile et séquestration
avec gavage et engraissement des victimes… C’est pas le genre
d’affaires dont je m’occupe en général."
– "Mais
c’est n’importe quoi ! On avait leur accord."
– "Vous
avez un accord écrit?"
– "Non,
mais on a des témoins. C’était chez moi, en fin de soirée."
– "Et
vous pensez qu’ils seront prêts à témoigner pour tous les chefs
d’accusation ?"
– "Tous,
je sais pas… Mais ça a commencé comme ça."
– "Je
vous prie de m’excuser mais, au risque de vous paraître abrupt,
votre affaire se présente mal. Votre présence est attestée au
domicile des frères… comment, déjà ?… Dugay, pendant les
deux derniers mois. Toutes les personnes interrogées ont précisé
que c’était une "présence suspecte". Vous voyez…
D'autre part, votre ami Carlos en a fait l’adresse de livraison
de nombreux chargements de nourriture par camions frigorifiques, dont
les allées et venues ont fait l’objet de quatre plaintes par des
habitants des rues voisines. Enfin, n’oublions pas que les frères
Dugay sont honorablement connus, qu’ils ont perdus leurs parents il
y a environ cinq ans. Ce qui, étant donné leur âge et leur
situation, ne peut manquer de leur attirer la sympathie des membres
du jury. Enfin, et le plus important… nous parlons de deux jeunes
garçons d’environ soixante-quinze kilos qui se présenteront à la
barre avec pas moins de trente-cinq kilos qu’ils prétendent avoir
été forcés à prendre, par diverses méthodes de gavage… Pour
couper court, il me semble que vous préférerez trouver un
arrangement avec les plaignants, et ne pas passer en jugement.
J’attire votre attention sur le fait que votre ami Carlos a choisi
cette solution."
– "Mais… Ils demandent combien pour cet arrangement ?"
– "200.000
euros. Chacun."
– "C’est
de la folie furieuse !"
– "J’avoue
que c’est assez raide."
– "Carlos
est plein aux as, il a les moyens de négocier. Mais quand même…
Il s’en est tiré à combien ?"
– "Oh,
il ne m’appartient pas de divulguer le contenu d’un arrangement
tel que…"
– "Combien ?"
J’étais
prêt à le mordre. Il dut s’en apercevoir.
– "150.000
euros pour sa part. Vous comprenez que c’est après vous qu’ils
en ont, maintenant."
– "Mais
je ne dispose pas d’une pareille somme ! Ce serait plus que la
ruine, pour moi. C’est la fin…"
En
désespoir de cause, j’ignorai les conseils de mon avocat, et
j’appelai les jumeaux sur leur téléphone fixe, le soir même.
C’est Julien qui décrocha.
– "Je
peux pas discuter des termes de notre procès. Mon avocat me l’a
carrément interdit."
– "En
fait… je voulais juste vous inviter chez moi. Pour le dîner."
– "Sérieux?
Mais… pourquoi?"
– "Je
sais pas. Ça fait un petit moment qu’on s’était pas vus. Je
pensais à vous. Évidemment, je pensais pas que vous pensiez à moi
comme ça, de votre côté."
– "Ouais… Désolé, on peut pas venir."
– "Allez,
je te promets qu’on parlera que de toi, de Jérôme, de vous deux,
et de bouffe."
– "Laisse
tomber."
– "Okay,
je prépare le dîner. Vous venez si vous voulez. Sinon, je vous en
voudrai pas. En fait, je voulais te dire que je travaille sur de
nouvelles recettes de chimichangas…"
Même depuis l’autre bout de la ligne téléphonique, je pouvais entendre Julien
s’étrangler de surprise.
– "Sans
déconner…"
– "Tu
me connais. Dis juste à Jérôme que vous êtes les bienvenus. Je
m’y mets maintenant, ça sera prêt pour dix-neuf heures."
Ils
étaient là tous les deux – à sept heures tapantes.
– "Je
sais pas ce que tu mijotes…" me dit Jérôme, sur ses gardes.
"Quoi que ce soit, ça ne prendra pas. On parlera pas du procès
qui nous attend."
– "Qu’est-ce
que je pourrais vous mijoter, à part de bons petits plats ?
Asseyez-vous, c’est prêt."
Après
huit plats de chimichangas excessivement copieux, ils
dévoraient encore comme s’ils n’avaient rien mangé depuis une
semaine – en poussant des soupirs et des grognements de plaisir.
Entre deux bouchées, on arrivait à peu près à un semblant de
conversation mais, visiblement, ils n’étaient là que pour manger
– et ils mangeaient à s’en faire éclater l’estomac.
Il
était presque minuit lorsqu'ils se levèrent pour partir.
– "On
se revoit demain pour le déjeuner ? Midi? Je vous réserve des plats de poulet au Riesling avec mes pâtes fraîches, et des plats de
truites aux amandes, tout ça tellement fondant que vous les mangerez
à la cuillère…"
Ils
se regardèrent. Ils me regardèrent. Ils en bavaient déjà…
– "Non!" se
força Jérôme. "On t’a dit non, c'est non. On se verra au procès."
Bien
entendu, ils étaient là le lendemain à midi. En les laissant
repartir vers trois heures, je les revis encore dans la soirée, un peu avant dix-neuf heures. Et le lendemain. Et le surlendemain…
Comme
par un fait exprès, ils se montraient de moins en moins énervés, de moins en moins méfiants. Ils étaient toujours plus gentils et
agréables, à mesure qu’ils se montraient moins inquiets à mon égard – et
gavés à bloc.
Après
une bonne heure de dîner, un soir, Jérôme laissa soudain son
soufflé au fromage et regarda sa montre. Il se leva brusquement, s'essuya la bouche, rota et sortit précipitamment en nous souhaitant une bonne soirée. Je
l’entendis juste murmurer, en rajustant son pantalon trop serré.
– "Putain,
il va me tuer s’il se doute que j’étais encore ici…"
– "Qu’est-ce
qui lui prend ?" demandais-je à Julien, lorsque je me
retrouvai seul avec lui.
– "Ça
doit être son copain." me dit-il sans s'alarmer, la bouche pleine. "Ils se sont salement engueulés, hier. Jérôme
lui a promis de plus prendre de poids."
– "Je
vois ça d’ici. Il a perdu du poids ?"
– "Pas
beaucoup…"
– "Toi
non plus."
– "Ah non, surtout
pas !"
Il
se tourna vers moi, rouge jusqu'aux oreilles. Je lui jetai un
sourire amer.
– "Évidemment… J’imagine que vous devez rester bien joufflus et bien en chair, bouffis comme des hamsters et surtout gras
comme des lardons pour votre procès… Ce serait tellement plus
difficile de convaincre un jury si vous étiez redevenus tout
minces."
Julien
baissa les yeux de honte.
– "On
peut pas en parler."
– "Bien,
n’en parlons plus. Mais Julien, tu me connais, tu sais que je n’ai
même pas cent mille euros, et vous m’en demandez quatre-cent ?
Vous allez me tuer. Même si je plaide ma cause avec brio, les frais
d’avocat c’est à se tuer…"
– "C’est
Jérôme…" murmura Julien. "Il veut se marier, il a
besoin de thunes. Mais moi… Moi, je m’en fous. Je t’en veux pas
pour les deux mois qu’on a passés à se gaver comme des porcs. En
fait, j’aurais souhaité que ça continue, encore et encore.
Surtout quand c’était toi qui cuisinais pour moi…"
– "Ça
va, vous m’avez l’air encore bien dodus, Jérôme et toi."
Je
ne pensais pas que cette simple observation le mettrait en colère.
– "Tu
te rends pas compte comment c’est dur de rester gros, quand c’est
pas toi qui cuisines ! Putain ! ça fait deux semaines qu’on se
force à bouffer du fast-food, des pizzas et des frites, juste pour
remplir nos bides. Je dois me retenir pour pas vomir en pleine nuit…
J’en peux plus !"
– "Pourquoi
vous allez pas au restaurant ?"
– "C’est
trop cher."
– "Je
pensais que vous étiez pleins aux as, Jérôme et toi."
Julien
émit un grognement – mais de gros ours plutôt que de gros porc, vu qu'il
n’était pas en train de manger.
– "En
fait, on a un peu exagéré avec Jérôme. On a hérité de la
maison, et de tout le reste, c'est vrai. Et les assurances ont casqué. On a un
bon capital, mais on bosse pas. On sort, on bouffe, on boit, on
baise, on dépense. Faut quand même qu’on fasse gaffe avec tout
ça."
En
l’écoutant m’expliquer leur situation, Julien venait de me
donner une idée.
– "Est-ce
que Carlos vous a payé ses cent-cinquante mille euros ?"
– "Pas
encore. On le voit lundi, avec son avocat."
– "Je
sais ce qu’on va faire. Laisse Carlos gérer son accord avec
Jérôme. On va trouver un arrangement entre nous."
– "Tu
veux dire que Jérôme récupère tout l’argent de Carlos ? Je récupère
quoi, moi ?"
■ ■ ■
Encore
une fois, je devais rencontrer un avocat qui n’en croyait pas ses
yeux en parcourant le dossier de son client.
– "Voyons
si je comprends bien…" répétait l’homme de loi représentant
les jumeaux, "Le montant de l’accord obtenu avec Carlos est
entièrement versé sur le compte de Jérôme, mais Julien prend en
charge les frais de justice pour que vous vous engagiez à l’engraisser encore
plus
?"
– "Tout
à fait !" affirma Julien, rayonnant. "Il doit être
convenu qu’il me nourrira pendant les cinq prochaines années,
matin, midi et soir… Et même à n'importe quel autre moment où j'aurais faim ! Cinq ans de servitude complète, ou jusqu'à ce que j’aie
pris encore soixante kilos."
– "Mais
pourquoi une clause mentionnant une prise de poids de soixante
kilos ?"
– "C’est une idée que j’ai eue." Le sourire de Julien faisait ressortir ses bonnes joues bien rebondies. "J'ai besoin de son entière coopération, et pour le motiver à bien me nourrir, cette clause lui permettrait de se libérer des engagements pris dans ce contrat
plus tôt que le délai initialement prévu."
– "C’est
l’arrangement le plus dingue que j’ai jamais rédigé…"
protesta son avocat.
Mais
un arrangement entre deux parties consentantes était recevable. Tout le monde signa. Le procès n'aurait pas lieu. J’étais sauvé.
■ ■ ■
Une
des conditions incluses dans notre contrat, et qui me fit plaisir dès
que je revis Julien, c’était mon droit de le peser à tout moment,
à ma convenance. Je le pesai dès le matin, avant son
petit-déjeuner.
– "Wow,
seulement 102 kilos ? Je croyais que tu évitais de te mettre au
régime."
– "Je
te l’ai dit… Si c’est pas toi qui cuisines, ça ne vaut pas la
peine que j’engraisse."
Il
avait vraiment l’air affamé. Je lui servis un petit-déjeuner
tellement copieux que le pauvre garçon en était prêt à tomber de
sa chaise, émerveillé. Il se jetait presque sur les croissants, les
tartelettes aux fraises et aux abricots, les œufs brouillés, les
tranches de bacon, le flan, le fondant et la mousse au chocolat…
– "Hmmmph,
ça m’a trop manqué !"
■ ■ ■
Un
mois plus tard, je le fis monter à nouveau sur la balance –
toujours en maillot de lutteur, plus moulant que jamais autour de son
beau gros bidon.
– "J’aime
trop te voir porter ce maillot. Je devrais te peser chaque jour,
juste pour t’obliger à le porter tout le temps."
– "Si
tu veux, ça me dérange pas. C’est du stretch, je suis moins serré
que dans mes jeans…" Julien sourit, et soupira pour
monter sur la balance. Dans ce maillot bien tendu, son beau ventre le
faisait ressembler à un ballon en apesanteur au-dessus du cadran.
– "110
kilos. C’est bien, tu as repris du poids." J’étais ravi, mais
impatient de le voir grossir davantage. "Bonne petite reprise,
mais faut qu’on s’y remette vraiment !"
– "Ben
quoi, c’est ce qu’on fait…"
– "Tu
as pris que huit kilos, en un mois. Si Carlos était là, il
trouverait que j’ai perdu la main !"
– "Au
contraire, je trouve que tu as fait des progrès ! Tout ce que tu me
prépares est tellement bon… Je me régale."
– "C’est
bien, mais ça suffit pas."
– "Tu
voudrais que je prenne trois kilos par semaine ?"
– "Je
voudrais que tu prennes cinq kilos par semaine !"
Julien
me fit un clin d’œil.
– "Je
te vois venir. Tu te débarrasseras pas de moi comme ça… Pas si vite."
– "Tu
abuses. Je vais pas pouvoir te consacrer tout mon temps pendant les
cinq prochaines années…"
En
toute sincérité, je me régalais aussi en voyant Julien s’empiffrer
matin, midi et soir chez moi. Mais pour mon boulot, c’était
l’enfer. J’en étais réduit à répondre à mes commandes
l’après-midi, à rédiger mes plannings scolaires et hospitaliers
en pleine nuit, à faire mes comptes et ma correspondance à cinq
heures du matin… Tout le reste de mes journées, je devais le
passer à cuisiner pour Julien, à le servir et à le resservir. Je
commençais à en avoir marre. Je n’avais même plus de vie
sociale…
Et
toute cette bouffe me coûtait plus que du temps et des efforts –
moi qui avais espéré rembourser mon emprunt de manière anticipée
avec l’argent que m’avait remis Carlos après notre pari, c’était
raté. J’avais versé de quoi satisfaire ma banque pour un moment,
mais on était encore loin du compte. Maintenant, Julien dévorait
mes économies et, d’après mes calculs, je serais dans le rouge
avant la fin de l’année.
Je
ne sais pas s’il s’en rendait compte, en fait. Mais je devais
agir.
– "T’en
fais pas. Je me plaindrai pas…" me dit-il en se tâtant le
ventre à pleines mains. "Tu me nourris vraiment à la
perfection."
– "Je
suis pas convaincu… Et la balance non plus."
– "Bah
quoi ? Ton boulot, c’est de bien me nourrir."
Ça
devait arriver, je le plaquai contre le mur dans un mouvement de
colère.
– "Mon
boulot, c’est de t’engraisser ! Que ça me prenne un an ou deux,
ou cinq, mon objectif c’est de te faire grossir de soixante kilos.
Et le plus tôt sera le mieux ! Je vais te gaver comme un vrai porc,
et tu vas me faire le plaisir de prendre du poids et encore du poids
! Je veux te voir gonfler à vue d’œil, pigé ?"
C’était
méchant, je sais bien – mais je voulais juste l’intimider. Je ne
pensais pas que je lui ferais vraiment peur. Et surtout, je ne
pensais pas que je lui ferais de la peine. Julien avait les larmes
aux yeux.
– "Tu
veux juste te débarrasser de moi, c’est ça…"
– "Qu’est-ce
qui te prend ? J’ai jamais dit ça."
– "Tu
viens de le dire. Le plus tôt sera le mieux."
– "C’est
pas ce que je voulais dire... Je peux pas te consacrer tout mon
temps. Tu en as pas assez de tout ça ?"
– "Tu
déconnes ? J’ai faim !"
– "D'accord,
mais quand tu auras mangé."
– "Je
sais pas… Je suis bien avec toi, tu prends bien soin de moi."
– "T’as
pas envie de sortir, le soir ? Voir du monde ?"
Julien
ne m’aurait probablement pas fait de confidences si je ne l’avais
pas un peu poussé, mais puisque nous en étions là – il
n’hésitait plus.
– "On
sort toujours comme avant, tous les samedis soirs avec Jérôme.
C’est sympa, mais je me trouve un peu trop… dodu pour danser
devant tout le monde. C’est vraiment parce que Jérôme m’entraîne
sur la piste. Et pour le reste…"
– "Vous
avez repris le sport, tous les deux."
– "Ouais…
Quatre fois par semaine. Il a pas mal insisté. Depuis qu’il essaie
de fidéliser son copain, ça l’encourage si on est deux à
soulever de la fonte. Et puis sauna, piscine et jacuzzi tous les
soirs… Ça me détend."
Je
m’en serais douté – avec l’appétit qu’il montrait, il
fallait vraiment que Julien brûle des calories en faisant feu de
tous côtés pour prendre aussi peu de poids tous les mois…
– "Et
tu es content comme ça ?"
– "La
gym, ça commence à être coton… C’est moins difficile que quand
on s’y est remis, je pesais quand même 110 kilos." Il se
donna une tape sonore sur le bide. "Et j’y suis déjà
remonté… Tu peux être fier de toi. Jérôme était encore plus
gros et plus gras, et il a fondu… Il m’a donné l’exemple, on
va dire. Entre lui qui me motive à faire du sport, et toi qui me
motive à me régaler… moi, je suis au Paradis."
– "Vraiment,
ça te suffit pour être heureux ?"
– "Ben
ouais."
– "Y
a d’autres plaisirs que la natation et la gourmandise dans la
vie…"
– "Ah…"
Il rougit sans détourner le regard. "Je vois ce que tu veux
dire. J’aimerais bien, mais je vois vraiment plus personne qui
s’intéresse à moi."
– "C’est
pas possible."
– "Déconne
pas, tu vois bien comment je suis gros !"
– "D'accord
mais t’es toujours aussi beau gosse."
Si
ça ne tenait qu’à moi, je dirais même encore plus beau gosse à
110 kilos.
– "Tu
trouves ?" Il se caressait doucement le bide. "J’ai pris une sacrée brioche, quand même. Et puis… Même moi, ça
m’intéresse plus comme avant."
– "Sérieux
? On m’a toujours dit que vous aviez un tableau de chasse à la limite du meurtre de masse, Jérôme
et toi… mais que le plus obsédé, c'était toi."
– "Non,
Jérôme a toujours eu autant besoin de sexe que moi. Il est carrément insatiable…"
– "Eh
ben ?" J'essayais de ne pas perdre complètement la tête. "Il a un copain, maintenant. Tu as quoi, toi ? à bouffer, et
encore à bouffer ?"
En
m’écoutant parler comme ça, il poussa un soupir de contentement.
– "Ouais… Hmmm. Entre une mauvaise soirée à me faire peloter par un gars qui
m’intéresse pas et une soirée de rêve à m’empiffrer avec tous
tes bons petits plats bien nourrissants, j’hésite pas une seconde."
– "Vu
comme ça, évidemment… Mais si tu rencontrais le mec qui te
convient ? Il est peut-être à t’attendre en boîte, pendant que
tu restes coincé avec moi, à te remplir le bide."
– "C’est
pas comme ça que je vais rencontrer mon prince charmant, c’est ça
?"
– "Ben,
il me semble."
– "C’est
un rêve d’ado, tout ça…" Il soupira encore, profondément.
"C’est con, mais si mon prince charmant existait quelque part,
il commencerait par me faire un bon dîner !"
– "Comme
celui que je t’ai préparé pour ce soir ?"
– "Oui,
par exemple…"
Je
le pris par la main, et je le fis s’asseoir à table, en lui jetant
un regard complice plus brûlant que tout ce que j’aurais pu faire
sortir du four.
– "Et
lorsqu'il t’aura nourri copieusement ?"
– "Oh… Il faudrait qu’il me mette à l’aise avec un bon massage, parce
que je devrais être rempli à en faire craquer les coutures de ce
maillot !"
– "Je
vois ça d’ici… Et il te réchaufferait bien, avec ses grandes
mains qui te caresseront partout."
– "Hmmm… Il aura pas besoin de me chauffer tant que ça. Je suis trop en sueur
quand je suis bien rempli, bien gavé. Ça m’excite d’avoir le
ventre plein à éclater… quand je me sens tellement lourd qu’il
faudrait m’aider à marcher."
– "Tu
auras pas beaucoup de chemin à faire. Juste jusqu'au lit…"
– "Oh
oui…"
– "Tu
seras écrasé sous ton propre bide."
– "Hmmm… C’est vrai !"
– "Mais
ça ne remplace pas l’essentiel, tu sais."
– "C’est
quoi, l’essentiel ?"
Je
me rapprochai pour lui murmurer dans l’oreille.
– "L’essentiel… c’est que moi je t’écrase, sous mes caresses !"
– "Oh
oui, s’il te plaît…"
– "Et
je te ferai encore manger des crèmes brûlées et des crèmes
glacées, pendant que je te baise comme une baleine."
Julien
avait fini par fermer les yeux en m’écoutant. Il était à bout de
souffle.
– "Tu
ferais ça ?"
Je
me jetai sur lui pour l’embrasser – de quoi lui retirer tout ce
qui pouvait lui rester de souffle.
– "Tu
avais un doute à ce sujet ?"
– "Je
sais pas… Tout le monde me dit que je suis trop gros, et que je suis
trop gras. Tu me trouves à ton goût comme ça ?"
– "Non…"
Je
vis tellement de désarroi dans ses yeux, tout d'un coup, que je lui
pinçai les poignées d’amour à travers son maillot.
– "Je te trouve trop maigre. Faut que tu manges plus. Beaucoup plus !"
Sans
prévenir, Julien me sauta dessus à son tour. Et comme il pesait
bien lourd, il nous fit perdre l’équilibre et on atterrit tous les
deux sur la moquette – il m’écrasait sous son ventre, tendre
comme un oreiller mais tellement plus agréable au toucher. J’aurais
voulu déchirer ce putain de maillot de lutteur.
– "Tu
as raison, je suis pas assez gros. Je veux pouvoir t’écraser sous
mon bide quand je veux, et te baiser comme un sauvage !"
– "Eh
ben ! ça t’excite à ce point-là, de bien manger ?"
Carrément
assis sur moi, penché en avant et le bide collé contre ma poitrine
pour m’empêcher de bouger, Julien m’éblouit littéralement avec
un sourire de prédateur sexuel que je n’aurais même pas imaginé
voir sur son beau visage d’ange blond un peu joufflu – tu parles
d’un flash !
– "Oh,
tu as encore rien vu, petit ourson."
Il
n’aurait pas pu mieux choisir ses mots pour m’achever – mes
amis savent que je me considère comme un ours. Un ours en peluche,
la plupart du temps… mais pas tout le temps non plus ! Là, même si
j’avais pu bouger ou le soulever pour me dégager de son emprise,
je serais resté comme ça.
J’étais
aux anges. Il me caressa doucement la joue, pour qu’on se remette
de toutes ces émotions.
– "Qu’est-ce
que tu en dis ?"
– "Enlève
ce maillot et je suis à tes ordres…"
– "Okay !
Mais faudra le demander avec la bonne phrase magique."
– "Quoi,
s’il te plaît ?"
– "Non,
je veux dire… Tu veux bien répéter ce que tu m’as dit tout à
l’heure ?"
– "Qu’est-ce
que je t’ai dit tout à l’heure ?"
– "Hmmm… Fais un effort de mémoire. Si tu trouves, je suis tout à toi."
Ce n’était
pas un défi tellement difficile. Les yeux dans les yeux, avec un
sourire de pure complicité, je lui redis ce qu’il souhaitait
tellement entendre.
– "Je
vais te gaver comme un vrai porc, et tu vas me faire le plaisir de
prendre du poids, et du gras, et encore du poids ! Je veux te
voir gonfler à vue d’œil, compris ?"
Inutile de me dire comment ces promesses l’excitaient – je le
sentais en direct, comme il était toujours collé contre moi…
– "Tu
sais quoi ? Ça fait un moment que ce maillot me serre, et
m’empêche de vraiment me goinfrer… Je serai beaucoup mieux à
poil, pour passer à table !"
■ ■ ■
Huit
heures plus tard, je me blottissais contre lui, sous la couette.
Julien ne pouvait s’empêcher de roter, tellement il était gavé. Nous étions complètement épuisés, lui et moi, après nous être surpassés à tous les niveaux – moi à cuisiner et toujours à faire des allers-retours pour le nourrir – lui à manger tout nu sans quitter la table, qui ne s’éloignait que parce que son bide trop rempli le poussait en arrière sur sa chaise – tous les deux au lit, enfin ensemble – et ensemble sous la douche – et encore au lit, avec des crèmes brûlées, et encore avec de la glace – et encore avec lui qui m’écrasait pour me montrer qu’il était un vrai mâle comme moi – et encore avec moi qui lui donnais des tapes sur les flancs et les cuisses pour lui rappeler qu’il était aussi un beau cochon qu’on mettait à l’engrais – et encore en pressant son ventre comme un amortisseur contre le mur de la tête de lit – et encore, et encore…
Julien ne pouvait s’empêcher de roter, tellement il était gavé. Nous étions complètement épuisés, lui et moi, après nous être surpassés à tous les niveaux – moi à cuisiner et toujours à faire des allers-retours pour le nourrir – lui à manger tout nu sans quitter la table, qui ne s’éloignait que parce que son bide trop rempli le poussait en arrière sur sa chaise – tous les deux au lit, enfin ensemble – et ensemble sous la douche – et encore au lit, avec des crèmes brûlées, et encore avec de la glace – et encore avec lui qui m’écrasait pour me montrer qu’il était un vrai mâle comme moi – et encore avec moi qui lui donnais des tapes sur les flancs et les cuisses pour lui rappeler qu’il était aussi un beau cochon qu’on mettait à l’engrais – et encore en pressant son ventre comme un amortisseur contre le mur de la tête de lit – et encore, et encore…
Le
soleil n’allait pas tarder à se lever. En gardant ma main sur son
estomac bien lourd, j’avais le sentiment d’être exactement où mon devoir m’appelait – où je voulais rester tous les matins,
tous les soirs, tous les jours et toutes les nuits.
Julien
émit encore un rot bien profond.
– "BUUUUUUUUUUUURRRRRRRRRRRRRRP
! J’ai faim. Ça va bientôt être l’heure de mon
petit-déjeuner."
– "Non…"
Je lui donnais plusieurs tapes sur le bide "…de ton gavage
du matin."
– "Hmmm,
oui… Mais tu oublies un truc."
– "Quoi
?"
– "Mon
gavage du matin au lit…" Il étendit les bras, paresseusement.
"Je bouge pas d’ici avant de passer sous la douche. Tu as
jusqu'à onze heures pour me nourrir…"
– "D'accord."
Je
ne pouvais pas résister à la tentation de l’embrasser avant de
partir en cuisine. Il me garda un bon moment dans ses bras, pour bien
en profiter.
– "Tout
ça change rien à notre contrat."
– "Au
contraire, ça change tout ! Mais tu vas aimer le changement…"
■ ■ ■
La semaine suivante, j’emménageai définitivement dans la résidence Dugay. Julien avait décidé d’occuper une chambre au rez-de-chaussée, juste à côté de la mienne – et juste à côté du salon, lui-même à côté de la cuisine. Chaque soir – et même plusieurs fois dans la journée – nous faisions un vrai circuit entre une pièce et une autre. Un vrai rodéo.
Je voyais Jérôme de temps en temps, mais très vite. Les deux frères passaient du temps dans leur salle de gym privée, ou à la piscine, ou ils se détendaient au sauna. Toujours ensemble. Je n’avais aucune intention d’enlever Julien à son frère…
Les moments d’intimité qu’ils partageaient me laissaient le temps de gérer mes affaires. Plus de loyer à payer. Plus de factures d’eau, de gaz et d’électricité. Après m’avoir vu me prendre la tête sur mes relevés bancaires, Julien m’avait prêté de l’argent sans se faire prier – de quoi faire taire ma banque une fois pour toutes. Je pouvais me consacrer entièrement à lui, sans remords ni regrets.
Pour ce qui était de moments partagés dans l'intimité, je ne pouvais vraiment pas me plaindre. Julien était encore plus coquin que je ne m'y attendais – peut-être parce que je le nourrissais tellement bien, et que le fait d'avoir le ventre plein lui mettait le feu partout ?
Ça ne nous empêchait pas de passer de longs moments câlins aussi, pour nous dire tout ce qu'on avait attendu de dire ou d'entendre depuis trop longtemps.
– "Quand je pense que tu m'as repoussé en back-room, ce soir-là…"
– "J'ai fait ça, moi ?" Julien n'avait pas l'air de s'en souvenir.
– "Tu m'as dit : Sois pas ridicule."
– "Ah… Oui, désolé. J'avais un peu honte…"
– "Honte de quoi ?"
– "Euh… En fait… Quand on t'a rencontré pour la première fois, je te trouvais canon mais Jérôme flashait carrément sur toi et il m'a fait promettre que je te sauterais pas dessus avant lui, ou seulement lorsqu'il serait prêt à partager avec moi."
– "À partager ?"
– "Bah oui…" Il ne trouvait rien de choquant là-dedans. "Tu sais, avec Jérôme, on a plus fait de plans à trois qu'on est sortis chacun de son côté. On a toujours marché en duo."
– "Je vois ça. Mais attends, je croyais qu'il avait un copain et que tu avais rompu en même temps, quand on a commencé à vous nourrir, Jérôme et toi !"
– "Ah… Ben, en fait… Oups ?"
Au moins, il rougit pour ça.
– "Okay, okay… J'avoue… Après une semaine à nous faire trop gâter par Giuseppe, Carlos et toi, on a passé une nuit à discuter sérieusement, avec Jérôme… On a commencé à réfléchir, et il a eu l'idée que celui d'entre nous qui aurait pris le moins de poids se plaindrait, au moment d'être pesés, comme quoi il avait un copain, et que ça l'aurait retenu de se goinfrer autant que l'autre. C'est tombé sur lui, ça tombait bien. Alors moi, comme j'avais plus grossi, je devais prétendre que je sortais d'une rupture et que ça m'aurait poussé à m'empiffrer. On espérait juste que Carlos réagirait… ben, comme il l'a fait. C'est pour ça qu'on était trop contents. On pensait que ça te motiverait aussi pour continuer, surtout que Jérôme était jaloux de toute l'attention que tu me portais. Alors, quand on s'est trouvés face à face, en boîte, je pouvais vraiment pas lui faire ce coup-là. Ça aurait tout gâché…"
– "Eh ben, les mecs… Bien joué !"
– "Tu le diras pas à Carlos, hein ?"
– "Certainement pas ! Mais si tu crois que tu vas t'en tirer comme ça, sans punition !…"
– "Hmmm… Qu'est-ce que tu vas me faire ?"
– "Oh, si je dois être vraiment très méchant… Des éclairs au chocolat !"
– "Sérieux ?"
Je vis un éclair de désir dans les yeux de Julien – pas le même genre d'éclair ! – mais du désir terrifié : on savait tous les deux qu'il ne pourrait jamais résister si je lui disais de manger encore un éclair au chocolat. Et encore un éclair au chocolat. Et encore un éclair au chocolat…
– "C'est moi qui décide de ta punition. Compris ?"
– "D'accord…"
– "Rappelle-moi combien tu pèses, petit cochon ?"
– "122 kilos, ce matin…" Il rougit en souriant. "J'engraisse bien, non ?"
– "Oh oui ! Alors tu devras manger 122 éclairs au chocolat, samedi soir. Et je t'emmène en boîte après ! Tu vas voir ce que tu vas voir, mon petit porcelet…"
Julien était tellement excité qu'il me prit dans ses bras, tout d'un coup, et me renversa sur le lit, contre les coussins pour me couvrir de baisers.
– "Tu as raison, on a été deux méchants petits cochons gras. On vous a joué un sale tour…"
– "T'en fais pas. Le grand méchant loup y a rien perdu !"
■ ■ ■
Le
temps passa comme ce que je lui donnais à manger : tout seul – sans même qu'on s'en aperçoive ! – une bonne année à m'occuper de mon Julien avec
amour et des quantités carrément indécentes de nourriture… Un matin, je l'appelai pour son petit-déjeuner.
– "Allez,
mon gros ! C'est l'heure de ta pesée !"
Je
ne le quittais pas des yeux, à partir du moment où il entra dans la
cuisine. Julien avait fait un effort pour enfiler son dernier maillot
de lutteur, mais il était méchamment boudiné là-dedans ! Son
ventre était un vrai ballon – je n'aurais pas obtenu un meilleur
résultat si je l'avais gonflé de force avec une pompe. D'un pas
lourd et lent, il s'avança jusqu'à la balance et monta dessus avec
un peu d'appréhension.
Impossible
pour lui de lire son poids, tellement il était bedonnant, mais il ne protesta pas lorsque je le lui
annonçai.
– "162
kilos ! Tu es gros et gras à souhait, mon cochon ! Et moi, je suis
libre ! J'ai rempli ma part du contrat."
– "Je
suis trop con… Pourquoi j'ai dit soixante kilos ?" Julien
poussait des soupirs à fendre l'âme. "J'aurais dû dire
quatre-vingt kilos… non, cent kilos ! Voilà, ça aurait été trop
bien. Tu es sûr que tu veux pas continuer à m'engraisser, juste
pour le plaisir ?"
– "On
en a déjà parlé…" Je l'embrassai très fort, pour le
consoler. "J'ai du boulot. Faut que je gagne ma vie, moi ! Je
peux pas passer tout mon temps à te remplir le bide."
– "S'il
te plaît… Juste pour cette semaine. Juste aujourd'hui. Ça me
manque déjà…”
– "Allez,
sois sage. Y a pas que la bouffe, dans la vie."
– "Non.
Y a toi. Fais-moi manger comme un gros porc…"
– "T'en
fais pas, je vais pas te laisser mourir de faim."
– "C'est
pas assez. Je veux que tu me fasses encore plus à manger…"
– "Tu
manges déjà pour huit. Tu vas éclater !"
– "Non,
tu cuisines trop bien pour ça. Je vais juste engraisser… encore
plus !"
Je
pouvais compter sur Julien pour qu'il me prenne par les sentiments.
– "Tu
es sérieux ? Tu es déjà obèse !"
– "C'est
pas vrai, je suis trop maigre."
– "Il
en dit quoi, ton médecin ?"
– "Il
m'a dit que j'étais en bonne santé."
– "Ah
ouais… Et rien d'autre ?"
– "Ben… que
je me portais bien."
– "Hmm hmm. Continue…"
– "Okay,
il m'a dit que j'étais trop gras. Et que je devrais faire plus de sport, et que je devrais faire un
régime, et tout ça…"
– "Voilà
! On y est… Et alors ?"
– "Ben, je lui ai dit que je ferai un régime. Et c'est toi qui vas t'occuper
de mon régime ! Ça fait partie de ton boulot, non ?"
– "Euh… oui, c'est vrai."
– "Voilà,
je t'embauche. Mets-moi au régime. Je veux tout un plat de
tagliatelles carbonara… Rajoute des tranches de bacon
avec les lardons et la crème. Et tu me mets huit œufs au plat pour couvrir l'assiette
!"
– "Attends,
c'est pas comme ça que ça se passe…"
– "C'est
comme ça que ça se passera entre toi et moi. C'est moi qui te paye,
donc c'est moi qui décide. Tu sais ce que j'aime, alors tu vas me
préparer tous mes plats préférés. Tous les jours !"
– "C'est
un CDI à temps plein, ça !"
– "Je
pense bien."
Je
le sentais si motivé que ça m'encourageait à le suivre sur cette
pente…
– "Et
c'est bien payé, comme boulot ?”
– "On
peut en discuter…" Il me jeta un regard plus brûlant que la
braise, en se tenant devant moi dans toute sa gloire, sensuel et beau
à en faire fondre les murs autour de nous, le plafond au-dessus de
nous et le sol qui devait avoir du mal à soutenir son poids… "Bonne chance pour négocier avec tout ça !"
■ ■ ■
On
était restés sans nouvelles de Jérôme depuis plusieurs mois. Il
était beaucoup trop occupé avec les préparatifs de son mariage –
et il passait toutes ses nuits avec son fiancé…
Un jour, on
entendit la porte du garage se refermer. Ça ne pouvait être que lui
– surtout pour rentrer comme ça, sans prévenir.
Jérôme
nous appela
depuis le hall. Sans surprise, nous étions dans la cuisine, où
Julien s'empiffrait d'un énorme plat de lasagnes, parmi d'autres plats de pâtes de son choix. Il montrait toujours une telle gloutonnerie que je le remerciais en secret – chaque matin, le midi, et encore plus
en soirée – parce que j'avais vraiment le meilleur job au monde…
– "Salut.
Ça va comme vous voulez ?"
– "Houlà,
ça a pas l'air d'aller, toi…"
Julien
n'avait pas seulement la bouche pleine, il tenait son assiette
tellement près de son visage, pour dévorer ses penne
rigate
à la bolognaise encore plus vite, qu'il n'avait pas vu la tête que
faisait son frère. De son côté, Jérôme était tellement à
l'ouest qu'il ne s'était pas rendu compte que Julien était encore
tout nu, assis à table pour son repas de midi…
– "Qu'est-ce
qui ne va pas ?"
– "À
ton avis..."
J'étais
choqué en le voyant. Jérôme avait maigri, il avait des cernes sous
les yeux comme s'il avait passé la nuit à pleurer au lieu de
dormir. J'avais encore plus mal pour lui, en le voyant ainsi, après
avoir passé plus d'un an avec son autre lui-même qui souriait comme
un gros bébé à chaque plat que je lui servais pour le régaler. On
aurait presque pas imaginé qu'ils étaient jumeaux, si on ne les
connaissait pas...
– "Un
problème avec ton mariage ? C'est la mairie qui vous bloque ?"
– "On
aura pas besoin d'y aller, à la mairie ! On a rompu."
– "Sans
déconner..."
Avec
un peu de retard, plutôt nécessaire pour le laisser avaler et
reprendre sa respiration, Julien se mêla enfin à notre
conversation.
– "Qu'est-ce
qui s'est passé ? Il t'a surpris avec un autre mec ?"
– "Pire."
– "Tu
l'as surpris avec un autre mec ?"
– "Pire..."
– "Euh..."
– "Je
l'ai surpris avec une fille. Au pieu ! Là où, lui et moi... Putain ! Les mecs bi respectent vraiment rien !"
Il
était furieux. À coups de pieds, il écarta une chaise de la table
et s'assit en face de son frère, la tête dans les mains.
– "J'en
ai marre… J'en ai marre…"
– "Tu
sais ce qui te ferait du bien, pour commencer ?" suggéra
Julien. "C'est un bon repas, et une bonne sieste. Ensuite, tu me
diras tout, comment tu te sens et ce que tu veux faire."
– "Hmouais…"
En
relevant la tête, Jérôme soupira et regarda enfin son frère un peu plus
attentivement.
– "Wow
! Comment t'as grossi, toi…"
Je sentais plus que de
l'étonnement dans sa voix, mais de l'envie – même pas dissimulée
– même un soupçon de jalousie.
– "Tu portes plus ton maillot
bleu ?"
– "T'es
fou ? Je rentre plus dedans ! Comme ça, je suis à l'aise."
– "J'imagine… Juste en caleçon."
– "Qu'est-ce
que tu racontes ? Je suis à poil."
Jérôme
sursauta. En un bond, il était à côté de Julien, et il lui tâtait
le bide en le dévorant des yeux.
– "Eh
ben, mon cochon ! Tu te foutais pas de moi quand tu m'as dit que tu
allais te régaler…"
– "Hmmmph… Oui, tu vois : je me régale !"
Et comme il avait fini ses pâtes, il saisit la première assiette de riz au safran, de beignets de bananes frites et de
boudins aux épices que j'avais posée pour lui sur la table.
– "Attends, votre
arrangement court toujours ? C'est dingue, tu m'as l'air d'avoir sérieusement
engraissé..."
– "Oh,
il y a un moment qu'on a rempli les termes du contrat. Il m'a trop
bien rempli le bide pour ça !"
Julien s'empiffrait avec un plaisir si évident que Jérôme en bavait
littéralement. Il avait l'air émerveillé, comme si son frère rayonnait comme le soleil. Il faut dire que Julien transpirait pas mal, quand il était gavé à bloc...
– "Mais... Euh, tu devais pas prendre cinquante kilos ?"
– "Soixante..."
corrigea Julien, entre deux bouchées. "Mais c'est déjà fait
depuis un petit moment. Si j'avais su, je lui aurais dit cent-vingt
kilos... Ah ! si c'était à refaire..."
– "Et
tu es déjà à..."
– "172,6 kilos, ce matin !" annonçai-je, fièrement.
– "BUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUURRRRRRRRRRRRRRRP
!"
Julien
mettait de l'orgueil dans ce rot interminable et bien résonnant – presque de la
provocation.
– "La
vache... Mais pourquoi tu continues à le gaver ?"
– "C'est
moi qui lui ai demandé !" interrompit Julien.
Il
n'était pas peu fier non plus de rappeler – à son frère comme à moi –
que j'étais à son service. À 100%. À lui.
– "On
s'est mis d'accord pour continuer. On a pas vraiment passé un
contrat, mais les règles sont claires."
– "Et..." Jérôme s'éclaircit la voix. "Ça marche comment, votre affaire ?"
– "Hmmmph
hmmmph..."
– "Euh,
Julien ? Si tu veux lui expliquer..."
Le
beau gros garçon méritait bien une pause après avoir englouti ses
derniers boudins aux épices. Il me fit comprendre, du regard et du geste, qu'il avait hâte d'être resservi !
– "Ben,
si tu veux... C'est simple. On me pèse tous les mois, et je dois
lui payer mon poids en euros, à raison de dix euros par kilo. À la fin du mois, on mesure la
différence par rapport à la pesée précédente, et je dois
encore le payer vingt euros pour chaque kilo qu'il m'a fait prendre...
Ensuite, on repart sur un mois comme ça."
Jérôme
fit un rapide calcul mental dans sa tête.
– "Quoi,
c'est tout ?... Putain, mais c'est donné !" Il retourna s'asseoir
sur sa chaise en vitesse. "Au boulot, chef ! Je veux du riz, du boudin et des beignets de banane aussi !"
J'étais
occupé à mes fourneaux et je n'écoutais pas tellement, vu que Julien
donnait des détails sur un contrat qu'on avait discuté en long et
en large – l'éclat de voix de Jérôme me fit sursauter.
– "Qu'est-ce
qui t'arrive ?"
– "À
partir de maintenant, tu as deux clients."
– "Tu
es sérieux ?"
– "Tu
vas voir si je suis sérieux !" Jérôme avait l'air
enthousiaste, en parfait contraste avec son attitude de tout à
l'heure. Julien le regardait. Moi aussi. Il baissa la voix, et
continua sur un ton presque suppliant. "Tu veux bien t'occuper
de moi dans les mêmes conditions ? S'il te plaît ?"
Il
fallait qu'on en discute – au moins avec Julien.
– "Qu'est-ce
que tu en penses ?"
– "Jérôme
est assez grand pour décider tout seul." La complicité entre
les deux frères était intacte. "Mais pour ça, il suffit pas
d'être grand..."
Julien
se leva de table. Avec un petit mouvement de reins, il posa son
ventre magnifiquement gros et rond devant les assiettes vides, en les
faisant tressaillir. Il rayonnait de fierté.
– "...Faut
être gras ! Tu es prêt à relever le défi ?"
– "Vas-y..."
Jérôme sourit malicieusement. "C'est quoi, le défi ?"
– "Pour
commencer, c'est quoi ces fringues ? À poil, mon grand !"
Je
n'en croyais pas mes yeux – mais Jérôme ne se démonta pas. En
deux minutes, son T-shirt, son jean, son slip et ses chaussettes
étaient par terre en tas. On pouvait déjà deviner que ces
vêtements ne seraient plus jamais portés...
En
les voyant comme ça, je reçus un véritable coup au cœur. Jérôme
était trop maigre, mais putain... qu'est-ce qu'il était bien
foutu ! Et de la tête aux pieds, vraiment, tout comme son frère – si on pouvait oublier la différence de poids et de corpulence, qui devait
être conséquente !
– "Voilà."
Jérôme se tenait droit devant Julien, héroïquement nu, comme un
boxeur d'un genre un peu spécial, mais prêt pour le combat. "Et
maintenant ?"
– "Qu'est-ce
que tu crois ? Sur la balance, et plus vite que ça !"
– "Okay."
– "C'est
vrai..." J'essayais de garder la tête froide – mais mon caleçon
était en feu. "Faut te peser pour que je sache combien je dois
te faire payer."
– "Oh,
il va prendre cher !" ajouta Julien, avec un sourire carnassier.
Jérôme
avait maigri, mais il avait certainement fait beaucoup de sport,
pendant un an – pendant que Julien se laissait complètement aller
comme un vrai glouton. En le voyant sur la balance, je revoyais
Julien lorsqu'il était encore tout fin et bâti comme un
maître-nageur de film porno.
– "88,6 kilos ?" Julien forçait à peine le ton. Il était vraiment
choqué. "Sans déconner, tu t'es affamé pour ton mariage ou
quoi ?"
– "Même
pas... Je suis redescendu à un poids de forme qui lui plaisait..." Jérôme en serait presque venu à s'excuser, mais il passa soudain
de la gène à la rage. "Eh ben, c'est fini ! À partir de
maintenant, je me ferai plaisir sans retenue !"
– "Voilà
! Ça c'est bien !" Julien l'encourageait, tout en le taquinant
et en le tâtant, comme il n'en avait pas eu l'occasion depuis un bon
moment. "Mais qu'est-ce qu'on va faire de toi, bon sang ?
Regarde-moi ça, comme t'es maigre ! J'avais un frère jumeau, j'ai à
peine un demi-frère !"
– "C'est
ça, mon potelé ! Tu peux causer, mais j'aimerais bien te voir courir !
Si tu sors en boîte, on dira que je me suis caché sous ton T-shirt
et que tu me portes comme un kangourou obèse !"
Je
les laissai se chamailler cinq minutes sans intervenir. Enfin, je
profitais
du spectacle... Dans le feu de l'action, les claques qu'ils se
mettaient sur le bide –
pour
Julien –
ou
sur les fesses –
pour
Jérôme –
devenaient
des caresses sensuelles au point d'en devenir affolantes.
Lorsqu'ils
furent à bout de souffle, affalés l'un contre l'autre sur le
carrelage, je leur proposai un arrangement sérieux.
– "C'est
toi qui vois, Jérôme... Je m'occupe déjà de Julien, je peux m'occuper de
toi aussi."
Les
deux frères échangèrent un regard. Ça ne me disait jamais rien de
bon, quand ils se regardaient en souriant, comme ça. À quoi
pouvaient-ils penser, les petits coquins ?
– "Tu
penses pouvoir t'occuper de nous deux ?"
– "Ben...
Je peux essayer."
– "Moi,
ça me va."
– "Moi
aussi, mais faut se mettre d'accord sur les règles du jeu..."
– "Qu'est-ce
que tu veux dire ?" demandai-je.
Jérôme dut aider son frère à se mettre debout. En fait, je dus l'aider à aider Julien à se relever. Ça les fit rire tous les deux. Toujours enlacés et caressants, ils échangèrent encore un regard tellement complice que j'en eus
un frisson.
– "Règle
numéro Un : on le partage pour tout !"
Avec sa belle carrure athlétique, Jérôme
me regardait carrément comme sa proie, en disant ça... Clairement il avait faim, et il ne serait pas rassasié de sitôt ! Julien avait l'air d'accord avec cette situation. Il connaissait son frère
encore mieux que moi, après tout.
Quant à moi... je ne savais pas quoi dire.
– "Tu
es d'accord ?"
Julien n'aurait pas hésité à me
provoquer. Il se contenta de sourire.
– "Bon. Moi,
je veux bien… Mais vous serez pas jaloux ?"
– "Au
contraire !" murmura Julien en donnant une tape sur les
abdos de son frère. "Je suis triste quand je le vois aussi
maigre, et je sais qu'il a envie de toi comme il a envie de ce que tu
cuisines. Fais-le gémir de plaisir comme tu me fais gémir. Et
fais-le rugir comme tu me fais rugir !"
– "Jérôme,
tu en penses quoi ?"
Il
ne m'avait pas lâché des yeux, depuis cinq minutes – je le voyais
passer sa langue sur ses lèvres depuis un moment, l'air d'autant plus
gourmand que son frère lui promettait toutes sortes de plaisirs dont il raffolait le plus…
– "On
est deux... Et, grâce à toi, on va devenir vraiment gros et gras. Mieux que ça, énormes ! On va tellement t'épuiser
que tu auras encore besoin de nous, pour te reposer contre nos bides
bien ronds... Et tu seras tellement vidé que ça te viendra jamais à
l'idée d'aller voir ailleurs !"
Comme
il caressait le ventre de Julien, déjà tellement rebondi, tendre et bien en chair, je
le voyais impatient d'arriver à cette corpulence tellement plus
sensuelle que ses muscles bien dessinés. Jérôme se rapprochait encore de lui. Pour finir, les deux beaux
garçons s'embrassèrent sur la bouche, avec un plaisir tel que l'un
ou l'autre aurait pu murmurer que cela aussi leur avait manqué.
Même un cuisinier comme moi, habitué à séparer les blancs des jaunes dans un œuf pour les besoins d'une recette, n'aurait pas eu le cœur de séparer ces deux beaux garçons qui promettaient d'être bientôt pleins comme des œufs durs. J'en arrivais à me demander si ces jumeaux n'avaient pas d'abord été des frères siamois, soudés par le nombril.
Alors tant mieux. Autant continuer avec deux gros pour le prix d'un, et les garder inséparables – collés par le bide !
– "Bon.
Mais vous allez me faire une promesse, petits coquins."
– "Tout
ce que tu veux."
– "Jérôme,
tu vas obliger ton frère à faire du sport. Il s'est empâté, c'est
bien, mais je veux pas qu'il se laisse aller."
– "D'accord !"
– "Julien,
tu vas m'aider à gaver ton frère. Il a du retard à rattraper, et
on sait tous les deux qu'il a besoin de se faire câliner comme un
gros bébé…"
– "D'accord !"
– "Et
dans un an ou deux, je veux vous voir tous les deux aussi gros l'un que l'autre, à
180 kilos ou plus… On verra bien. Et vous nous ferez un beau numéro
en duo sur le dance-floor de votre boîte préférée. Devant tout le monde..."
– "Wow !
Tu veux dire qu'on va devoir s'entraîner ?"
– "Oui !
Et tous les jours."
Julien, qui était devenu très paresseux, montrait peu d'enthousiasme – mais Jérôme trouva le moyen de
l'encourager de manière encore plus brûlante que tout ce à quoi je
m'attendais.
– "C'est
d'accord. On vous fera une danse trop impressionnante, comme deux
lutteurs sumos sur la piste. Vous allez tous en délirer d'envie et de jalousie, les
mecs !"
Les
deux frères éclatèrent de rire, et tombèrent dans les bras l'un
de l'autre.
– "Règle
numéro Trois !" lança Julien. "On partage pas ce
qu'il nous cuisine. J'ai faim, tu as faim, je mange et tu manges –
chacun dans son assiette !"
– "Évidemment.
Et on sera bientôt parfaitement jumeaux, comme avant."
– "Hmmm !
Ça veut dire que tu dois doubler ton poids, mon petit lutteur sumo
maigrichon… Tu as du boulot !"
– "Au boulot, alors ! J'en peux plus d'attendre, j'ai trop la dalle !"
Au
lieu de s'asseoir l'un en face de l'autre, Jérôme prit place à
côté de Julien pour le tâter encore
tout
à son aise.
– "Attends, je vais te gaver..."
– "Hmmm, oui... Tu as raison, j'ai du boulot !"
– "Tu
vas te régaler. Il a fait des progrès en cuisine, avec moi..."
– "Ça
se voit !" dit Jérôme en riant. "Comment tu t'es laissé
gaver, mon gros porc !"
– "J'adore
ça quand il me gave."
J'apportai
un énorme plat de riz au safran – ou deux plats, plutôt : pour l'un et pour l'autre – avec des raisins secs, des beignets d'aubergines, de bananes frites et de pommes de terre, avec une douzaine de boudins aux épices et des blancs de poulets rissolés au beurre.
– "Allez,
bon courage et bon appétit."
– "Ajoute plus de beurre dans son plat !" ordonna Julien, en désignant le plat de Jérôme. "Il faut qu'on l'engraisse..."
Les
deux frères se jetèrent sur la nourriture – surtout Jérôme, qui
avait encore
un
petit estomac, mais la rage au ventre. Je n'aurais pas su dire si
c'était la rage de se venger de son ex-fiancé
ou celle de montrer à Julien qu'il ne perdait rien pour attendre... mais quel appétit, dans un cas comme dans l'autre !
■ ■ ■
Il fallut bien une semaine pour que Jérôme reprenne le rythme et mange peut-être encore plus avidement que Julien. À la fin du mois, son poids était remonté à 117,6kg, et il promettait de s'empâter aussi vite qu'il le pourrait. Son ventre n'avait pas tardé à se remplir et à s'arrondir.
En fait, tout son physique montrait les signes de la gourmandise où il avait replongé avec délices : des joues bien rebondies, des poignées d'amour dodues, des fesses admirablement rondes et tendres, moulées à la perfection quand il se risquait à porter un pantalon...
En fait, tout son physique montrait les signes de la gourmandise où il avait replongé avec délices : des joues bien rebondies, des poignées d'amour dodues, des fesses admirablement rondes et tendres, moulées à la perfection quand il se risquait à porter un pantalon...
Quant à Julien, il se maintenait à 174,4kg – fièrement obèse et bien décidé à passer pour le frère "bien gras" à côté du frère "bien épais" pour quelque temps encore.
Après
avoir fini leurs plats de lasagnes, de raviolis, de cannellonis et d'autres pâtes avec toutes sortes de viandes, de sauces et de fromages, Julien et Jérôme poussèrent
un rot
énorme et
simultané.
– "BUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUURRRRRRRRRRRRRRRRP !"
– "Oooof... Tu
nous prépares quoi de bon pour la suite ?"
– "On
a faim !"
– "On
veut grossir !"
En attendant que je leur apporte la suite de leur festin, ils avaient de quoi se régaler en tâtant leurs ventres bien nourris.
– "Tu as bien repris du bide. Je suis fier de toi !"
– "Presque 118 kilos, j'ai jamais pesé aussi lourd ! J'adore..."
– "Attends d'être arrivé à 170 et plus, comme moi... Tu verras !"
– "Hmmm, oui. Quelle belle bedaine tu as..."
– "Faut que je fasse une petite pause, j'éclate !"
– "Tu es devenu tout lisse et tout dodu."
– "C'est parce que j'ai bien mangé. Après neuf ou dix plats de pâtes, je transpire vraiment comme un lutteur sumo..."
– "Il y en a certainement un bon nombre qui seraient jaloux de ton ventre !"
– "Tu crois ?"
– "Oh oui ! Tu as repris le sport, mais tu restes toujours dodu comme un petit cochon... Tu es plus fort, mais tu es bien lourd et ils auraient du mal à te faire bouger."
– "M'en parle pas, j'ai déjà du mal à me bouger !"
– "Ça, c'est parce que tu manges trop !" Jérôme prenait un malin plaisir à tâter et taquiner son frère, avachi sur sa chaise et gavé à l'excès. "Tu te fais plaisir, mais regarde un peu comment tu es obèse maintenant, et parfaitement rond."
– "Eh ! c'est ce qui t'attend, vu comment tu t'empiffres... Et ça va pas être long, vu comment toute cette bonne bouffe te fait engraisser !"
– "J'ai trop hâte..." conclut Jérôme en riant, et en pinçant son frère à pleines mains, au plus épais de ses poignées d'amour. "Je me demande quand même si j'arriverai à devenir aussi gras !"
Je
leur apportais deux grand plats vides, qui leur serviraient
d'assiettes.
– "Pourquoi des assiettes vides ?"
– "Une
surprise..."
– "C'est
quoi ? C'est quoi ?"
– "Un
énorme couscous royal pour mon petit harem de gloutons. Quatre poulets entiers
chacun, des tonnes de semoule, des tonnes de mouton, de poix chiches, de légumes et des tonnes de merguez ! Vous
vous lèverez pas de tables tant qu'on pourra encore vous forcer à en avaler une bouchée."
– "Hmmm…
Bonne idée !"
Jérôme
engloutissait d'énormes bouchées de couscous bien relevé, à la
louche, tout en tenant des morceaux de poulet dans l'autre main pour
les dévorer à belles dents. Julien mangeait juste un peu moins
vite que lui.
Après
le dernier plat, les deux frères étaient assez rassasiés, mais
prêts à se relever pour un nouveau round,
comme deux boxeurs. Jérôme se caressa le bide et poussa un tel
soupir de contentement que j'en gardais le sourire pour tout le reste de la journée – en attendant une nuit qui s'annonçait encore dangereusement chaude !
– "Hmmmph...
Oublie ce que je t'ai dit tout à l'heure, je vais carrément devenir
aussi gras que toi !"
– "Vas-y, mange bien ! Si tu crois que je vais te laisser me dépasser..."
– "J'en ai bien l'intention !"
– "Alors faut que tu forces sur les desserts. On va te gaver avec des crêpes pour que tu t'engraisses sur le beurre, le sucre, le caramel, le chocolat, les confitures, les crèmes glacées, la crème Chantilly..."
– "J'adorerais ça ! On peut commencer maintenant ?"
Comme si je ne savais pas déjà quels desserts Jérôme préférait...
Je lui présentai un plateau avec une véritable tour de crêpes, toutes prêtes à être garnies selon ses désirs. J'avais même fait rissoler des tranches de pommes au caramel dans du beurre, pour le mettre "en appétit".
– "Hmmm... Tu me gâtes !" Jérôme avalait ses crêpes l'une après l'autre, à une vitesse remarquable. "Hmmmph... Encore !"
– "Eh ben ! Tu vas pas rester maigre longtemps..."
– "Hmmmph..."
– "Bien sûr !" s'amusait Julien. "Entre de bonnes mains, il va faire un effort et prendre encore vingt kilos avant la fin du mois. Et encore vingt kilos... Et encore vingt kilos..."
– "Si on me nourrit aussi bien tous les jours, c'est le moins que je puisse faire !" répondit Jérôme, avec un sourire qui promettait de lui rendre ses bonnes joues bien rondes, très bientôt.
Julien, qui se régalait aussi de crêpes, à côté de son frère, lui massait déjà le ventre – comme il avait l'air rempli, et la peau tendue à éclater !
– "Tout doux, mon gros, tout doux... Là, on mange bien. On engraisse bien... On est entre de bonnes mains."
– "Hmmph... Oui..."
– "Hmmmph !"
– "Hmmph hmmph !"
– "Il faut dire qu'on n'aurait jamais deviné que vous étiez d'aussi bonnes pâtes !" ajoutai-je en riant, tout en les resservant généreusement.